Vincent Assante : 'Il faut donner accès aux droits de tous ! '

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[BB]Handirect: [EB] Quelles sont, selon vous, les véritables avancées que propose cette loi ? [BB]Vincent Assante:[EB] Fondamentalement, la réforme n'est pas bonne, mais il y a des avancées incontestables. Par exemple, la reconnaissance du handicap psychique. Cela va réduire les difficultés éprouvées par quelques 600 000 personnes à bénéficier de l'AAH, du droit à la compensation ou de la présence d'une tierce personne, c'est une petite révolution car on va être amené à le faire pour d'autres cas. Mais cela ne suffit cependant pas à faire de ce projet une bonne loi. [BB]Handirect: [EB] Que pensez-vous de la définition du handicap qui introduit le texte ? [BB]Vincent Assante:[EB]Le gouvernement commet là une forfaiture car il reprend la définition que l'OMS donnait du handicap en 1980 en faisant croire qu'elle découle de textes récents. C'est proprement scandaleux. La définition de 1980 voyait le handicap comme une conséquence linéaire d'une déficience qui entraîne une incapacité qui, elle-même, induit le handicap ou le désavantage social. La nouvelle définition dit que l'environnement peut être un facteur de handicap et pas seulement le réceptacle à partir duquel l'invalidité va créer le handicap. Le facteur environnemental se décline en facteurs culturels, sociaux, sociétaux, architecturaux, mais aussi législatifs ou réglementaires. La société actuelle a pour référence la bonne santé, la vitesse, la productivité, la performance, l'image de soi. Cela entraîne d'office le rejet des personnes dites « handicapées» -- car jugées incapables ou moins performantes -- et cela durera tant qu'on ne répondra pas totalement et durablement aux questions posées par ces dernières. [BB]Handirect:[EB] Que pensez-vous de la réaction des infirmières libérales face à l'amendement 217 ? [BB]Vincent Assante:[EB] Si on avait mis toutes les professions autour d'une table, on n'en serait certainement pas là. Il s'agit d'une profession sinistrée, entravée par les remboursements comptés. C'est un métier de fou ! Tout cela les amène à réagir contre ce qu'elle considère comme une agression alors qu'il est des gestes que la tierce personne peut faire. Bien sûr, cela constitue pour les infirmières un manque à gagner, mais c'est encore une fois un problème plus global de conditions d'exercice de la profession, voire de statut qui est à revoir. [BB]Handirect: [EB] Que pensez-vous du débat à propos de la représentativité des associations ? [BB]Vincent Assante:[EB] Dès lors que les associations gestionnaires ne se réduisent pas à un conseil d'administration, elles sont absolument représentatives. En revanche, il serait souhaitable que des associations non gestionnaires soient aussi entendues. Le mouvement associatif, depuis le début, est très critique sur le contenu de la loi, et en premier lieu, sur la question de la définition. À l'exception de l'UNAPEI, sur ce dernier point. Si le mouvement associatif souhaite être reconnu comme un partenaire social à part entière, il faudrait qu'il se comporte comme tel et envisage de refuser la copie du gouvernement lorsque cela s'impose plutôt que de se lier les mains en acceptant à l'avance les quelques miettes proposées. [BB]Handirect: [EB] Que pensez-vous des mesures de scolarisation prévues dans le projet de loi ? [BB]Vincent Assante:[EB] C'est une catastrophe. Après tout ce qu'on a tenté de faire depuis 1983, en matière d'intégration scolaire on n'arrive toujours pas à obtenir l'inscription d'un enfant handicapé à l'école de son quartier ! Qu'un enfant ne puisse pas aller dans une école ordinaire parce que son intérêt est d'être intégré à une école spécialisée me paraît normal. Mais je trouve scandaleux que l'on considère que cela doit être la règle générale. À l'évidence, la question de l'intégration des enfants dits «handicapés» met en lumière les insuffisance de l'éducation nationale dont il importe de redéfinir au plus vite les missions et à qui il faut donner les moyens nécessaires pour les accomplir. [BB]Handirect: [EB] Les rapporteurs de la loi pensent qu'en deux ans, la prestation de compensation sera étendue à tous les bénéficiaires. Cela vous semble-t-il réaliste compte-tenu du flou qui entoure sa détermination ? [BB]Vincent Assante:[EB] Ici, on fait du neuf avec du vieux, en reprenant l'allocation compensatrice, la majoration de tierce personne, le complément autonomie … alors les promesses, vous savez… On parle de la création d'équipes pluridisciplinaires pour permettre l'évaluation des situations? Mais quels moyens va-t-on leur donner pour effectuer leurs missions ? Quelle sera la réalité de leur pluridisciplinarité ? Quant aux commissions qui fonctionnent déjà dans l'illégalité la plus complète, faute de quorum, elles se bornent le plus souvent à confirmer la décision prise par l'équipe sans même rencontrer la personne ! [BB]Handirect: [EB] Et les maisons du handicap ? [BB]Vincent Assante[EB]: La maison du handicap ne sera pas un guichet unique, puisqu'elle sera virtuelle. On reste dans l'incohérence ! [BB]Handirect: [EB] La gauche a voté à l'unanimité contre le projet. Pensez-vous que cela soit constructif ? [BB]Vincent Assante:[EB] Oui, cette unanimité est positive. Face à la loi de 1975, la gauche était hésitante. En tant que représentant des étudiants handicapés au sein de l'UNEF à l'époque, j'étais opposé à cette loi car elle me paraissait inadéquate pour assurer l'intégration sociale des personnes concernées. Si cette fois, les députés de gauche, comme en première lecture, et comme les sénateurs de gauche, votent contre le texte, cela constituerait l'engagement de la gauche de remettre le dossier sur la table en cas d'alternance politique. Il faut qu'elle prenne l'engagement de reprendre le dossier là où il était resté en 2002, tout en conservant bien évidemment les avancées apparues au cours de la concertation de ces derniers mois. Sege Nouzaret
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