Marie-Geneviève Le Droguen : parcours d'une combattante

Marie-Geneviève a un DUT de gestion, un bon poste dans le service juridique d'une grande banque, l'envie de bien faire et pas mal d'énergie . L'employée modèle ? Oui, jusqu'à un certain point car Marie-Geneviève est 'avant tout ' IMC.

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Un « avant tout » discriminant qui l'a accompagnée tout au long de sa carrière. Aujourd'hui Marie-Geneviève Le Droguen témoigne, malgré de gros troubles de l'élocution qui ne l'ont jamais empêchée de « s'exprimer ». Des bancs de l'école jusqu'à la retraite (qu'elle savoure depuis un an), elle fait le récit de ses combats, de ses humiliations parfois, des mains tendues aussi, par ceux là même qui, un temps, l'ont méprisée. Preuve que le regard n'est pas immuable, que tout peut changer... La pitié, elle la refuse, l'assistanat, elle n'en veut pas. Elle n'a qu'un leitmotiv : « Ce n'est pas parce que je suis handicapée que j'ai des droits sans avoir d'obligations ».

Apprendre à échouer
Il y a bien longtemps Marie-Geneviève n'était encore qu'une enfant. Elle allait à l'école avec ses frères. Pas question, malgré son handicap, de faire « banc à part ». « A travers les responsabilités que me confiaient mes parents, explique-t-elle, j'ai compris qu'il fallait échouer. Alors ils m'ont laissée assumer mes actes au même titre que mes frères. C'est à l'école que l'on apprend à vivre la différence. Les enfants ne sont pas tendres entre eux et je revenais souvent en pleurant. Mais il valait mieux apprendre à gérer le rejet en étant enfant qu'à vingt ans ! »

Ce n'est que lorsqu'elle intègre un centre de rééducation, après le primaire, que Marie-Geneviève réalise pleinement qu'elle est handicapée. De son aveu : « Un vrai coup de bambou ! ». Pas d'autre avenir professionnel que le milieu protégé, une solution toute faite, pas de vague, pas de tentations... Pourtant un professeur l'encourage : « Tu trouveras un jour ta place dans le milieu ordinaire ! ».

« Préparer » les recruteurs
Le Bac puis un DUT de gestion... Et le premier CV envoyé. Elle est convoquée pour l'entretien. « Mais, explique-t-elle, ca a été la cata lorsque le DRH (Directeur des ressources humaines) m'a vue car il ne s'attendait pas à un tel personnage. » Refoulée ! Elle persévère : une maîtrise du droit des affaires. « On dit que les personnes handicapées ne trouvent pas d'emploi faute de formation mais ce n'était pas mon cas et pourtant le problème restait entier. Les DRH qui me recevaient étaient paniqués ! » Elle a alors la chance de rencontrer une association qui s'engage à faire le lien avec les recruteurs pour les préparer, en amont, à cette candidate terriblement atypique.

Se faire accepter par ses collègues
Nous sommes en 79, seconde « chance » ! En application de la loi, une banque est tenue de recruter un employé handicapé. Trois postulants dont deux ont une autonomie apparente totale ! Marie-Geneviève ne se fait guère d'illusion. Et pourtant, c'est elle qui est choisie. « C'était enfin une porte qui s'ouvrait, confie-t-elle, mais encore fallait-il que les collègues soient partie prenante. Je ne demandais pas à être « prise en charge » mais nous devions faire chemin ensemble dans nos complémentarités. » Son embauche est soumise au vote de ses futurs collègues. La sanction tombe : c'est « Non » ! Il faut plusieurs mois au DRH pour réussir à imposer cette « recrue hors norme » dans le service. Elle reste une employée fantôme à qui l'on ne confie que des tâches farfelues. Qu'elle exécute d'ailleurs sans sourciller. « J'ai demandé du travail à mon chef et il m'a répondu que « Dans la banque, 20 % des employés n'avaient pas de travail effectif ! ». » Et Marie-Geneviève de rétorquer : « Et bien je veux être dans les 80 % restants ! ».

S'obstiner pour vaincre
Elle prend place dans ce qu'elle appelle « un placard qui dérange » ! A quoi bon tenir ? « J'étais militante et je me suis dit que cette insertion pouvait ouvrir des portes à d'autres. Et s'il y avait un échec au bout de la route, je voulais que ca vienne de la banque mais pas de ma responsabilité. » Mais son obstination finit par payer. Une des ses collègues, une des réticents de la première heure, finit par lui dire « « Comment as-tu la force d'être encore là ? ». Les deux femmes sympathisent. Elle lui confie une partie de son travail : « Tu prétends pouvoir faire, alors maintenant tu vas le leur prouver ! ». Peu à peu l'hostilité s'apaise, les collègues les rejoignent. « A partir de ce moment là, et pendant trente ans, raconte Marie-Geneviève, ils ont garni mon plateau à la cantine avec humour. »

Servir d'exemple
Bilan de sa carrière ? « Il ne faut pas se leurrer, explique-t-elle, la banque ne m'aurait pas gardé si j'avais été un boulet. Il a fallu que je m'adapte pour devenir productive. En trouvant une organisation adéquate, j'ai amélioré les conditions de travail aussi pour les autres. » Un exemple ? Un jour Marie-Geneviève entend l'impensable : on lui demande de former des formateurs. Elle qui articule chaque mot avec une grimace ! Pour cela, elle opère en binôme. « Cette formation en duo a été tellement appréciée que le principe a fini par se généraliser, preuve que mon insertion dans le service était positive. »

Elle refuse de penser que son parcours force le respect. Rien n'est acquis, il faut se battre, pas de charité. Elle a conquis un poste à responsabilité. Rare pour une femme, de surcroît handicapée, selon elle. Et pourtant elle n'a jamais pu gravir le dernier échelon : la direction d'une agence bancaire. « La banque n'en était pas là, mais il faut garder espoir. Et continuer à se battre pour faire évoluer les mentalités » !.

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