Noir c'est noir ?

L'APF brandit un slogan sans équivoque : '2009, année noire du handicap, 2010, colère noire de l'APF '. La rentrée s'annonce maussade. Jean-Marie Barbier, son président, nous confie ses inquiétudes avant son rendez-vous à l'Elysée le 27 août.

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Handicap.fr : 2009, année déjà qualifiée de noire. En quoi 2010 vous semble-t-elle encore plus sombre ?
Jean-Marie Barbier : Pour mémoire, fin 2009, nous avons assisté à des prises de décisions gouvernementales totalement catastrophiques pour notre secteur, et c'est notre engagement qui a permis de limiter les dégâts et les régressions sociales. Le 5 février dernier, pour fêter les cinq ans de la loi de 2005, nos ministres y sont allés de leurs déclarations en tous genres. Et monsieur Fillon lui-même a promis que 2010 serait l'année d'un « nouveau souffle ». Et bien il semble un peu asthmatique au vu des décisions prises !

H
: N'est-il pas de bonne guerre, à chaque rentrée, de faire un bilan, de préférence alarmiste ?
JMB
: Ce qui a fait déborder le vase c'est la déclaration de monsieur Baroin, ministre du budget, le 6 juillet dernier, annonçant le report de la revalorisation de l'allocation adulte handicapé (AAH). En lieu et place de l'augmentation promise par Nicolas Sarkozy de 25% sur cinq ans, elle se fera en six ans. L'année prochaine, elle ne serait donc que de 3% au lieu des 4,5% prévus. Cette mesure, qui a pour but de réduire le déficit, est totalement inacceptable ! Il serait temps que ceux qui votent les lois ou décident des budgets mesurent les conséquences de leurs actions sur les personnes concernées. C'était une promesse du candidat Sarkozy puis un engagement du Président élu. Il doit s'y tenir ! Chaque année, il a fallu lutter pour éviter le grignotage. Alors si une fois de plus il faut retourner dans la rue, nous nous tenons prêts.

H
: Les autres associations de personnes handicapées partagent-elles votre engagement ?
JMB
: Le mois d'août n'est jamais propice à la mobilisation ! Nous avons un contact récent avec l'Unapei, qui est évidemment sur la même ligne que nous, de même que l'ensemble des porte-parole du comité d'entente qui ont rencontré Nadine Morano, fin juillet, avec entre autre ce sujet de l'AAH.

H
: Dans quels domaines les personnes handicapées ont-elles raison d'avoir de grandes inquiétudes ?
JMB
: La liste est très, très longue : ressources, retraites, emploi, dépendance, compensation, accessibilité et santé... Chacun y va de son petit rapport parlementaire pour soulager le déficit de la Sécu de quelques euros. Et dans le domaine des soins, les personnes handicapées sont évidemment en première ligne.

H
: Que demande l'APF ?
JMB
: Pour le moment un rendez-vous, réclamé depuis le 6 juillet. Mais c'est chose faite. Nous sommes reçus le vendredi 27 août à l'Elysée par monsieur Soubie, conseiller social du Président.

H
: Vous êtes très en colère ?
JMB
: Oui, mais je sais le dire avec conviction et respect. A l'ordre du jour, la revalorisation de 25% sur 6 ans.

H
: Vous allez à ce rendez-vous en étant confiant ?
JMB
: Oui, je pense que notre démarche va porter ses fruits. Sinon...

H
: Et dans un futur proche, quelles sont vos revendications?
JMB : Nous demandons au Premier ministre une table ronde avec les associations représentatives des personnes handicapées et de leurs familles pour aborder l'ensemble des sujets évoqués dans notre communiqué. Dans l'idéal, sur la question des revenus, nous voulons la création d'un revenu d'existence ! Dans le « non idéal », nous pensons que les allocations doivent faire l'objet d'une indexation sur l'augmentation du niveau de vie avec des taux qui seront, de toute façon, trop élevés pour notre gouvernement !

H
: Le gouvernement parle de restrictions budgétaires dans tous les domaines, n'est-il pas logique que les personnes handicapées soient elles aussi affectées?
JMB : Elle a bon dos la rigueur budgétaire ! Les 30 millions d'euros rendus à Liliane Bettencourt, le gouvernement se propose d'aller les chercher dans la poche des 280 000 personnes handicapées ! Le gouvernement avait promis que les plus démunis seraient préservés et qu'il ne toucherait pas aux minimas sociaux. Mais l'AAH est un minima social. Certes, la solidarité a probablement ses limites mais pas question de se laisser ainsi ignorer ou marginaliser!

H : Quelles sont les réactions des citoyens « valides » face à l'aide croissante ( ?) qui semble être apportée aux personnes handicapées alors qu'on leur demande de se serrer la ceinture ?
JMB
: Vous appelez cela une « aide croissante » ? Pendant 25 ans, le pouvoir d'achat des bénéficiaires de l'AAH et du minimum vieillesse a baissé de 25 % par rapport au SMIC. C'était une juste revalorisation. Pour revenir à votre question, il est vrai que nous sommes dans un climat où l'on est tenté d'opposer les uns aux autres. Mais la plupart de nos concitoyens ne soupçonnent pas les conditions dans lesquelles vivent les personnes handicapées qui ne peuvent pas ou plus travailler. Ils s'imaginent que le système social français est particulièrement protecteur. Ils ne se rendent pas compte qu'avec 700 euros par mois, elles vivent largement en dessous du seuil de pauvreté.

Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco

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