L'inclusion des sportifs handicapés : chantier prioritaire !

Ex championne de karaté, ministre des sports depuis novembre 2010, Chantal Jouanno a ouvert, lors de la 2ème Conférence nationale du handicap, la table ronde sur " Culture et sport ". Interview à chaud sur le handisport...

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Handicap.fr : Qu'avez-vous pensé de cette Conférence nationale du handicap ?
Chantal Jouanno
: Cette étape est un bon point pour relancer la dynamique sur la politique du handicap mise en place en 2003 par Jacques Chirac, puis pérennisée par Nicolas Sarkozy. Il y a une réelle continuité dans cette implication avec, par exemple, la revalorisation de 25% de l'AAH ou le soutien à la scolarisation des enfants handicapés.

H
: Cette impulsion a-t-elle également touché le monde du sport, puisque vous en êtes la ministre ?
CJ
: Oui bien sûr, tout d'abord à l'initiative de Jean-François Lamour, ancien sportif de haut niveau, ministre des sports de 2002 à 2007, qui a vraiment mis la machine en marche. Depuis 2003, le nombre de pratiquants handisport a doublé, et le nombre de clubs dits « classiques » qui accueillent des sportifs handicapés a été multiplié par sept.

H
: Mais ce ne sont que 7000 clubs sur 170 000...
CJ
: Oui je reconnais qu'il reste du travail. Mais nous vivons une véritable révolution philosophique. Il y a quelques années encore, les sportifs handicapés s'entrainaient dans des clubs spécifiques mais, aujourd'hui, tout est fait pour favoriser leur inclusion dans les clubs classiques. Cette ouverture est positive pour tout le monde, y compris pour les sportifs « valides ».

H
: La table ronde a laquelle vous étiez conviée s'intitulait « « Culture et sport au cœur de la participation et de la citoyenneté ». Quels sont les grands chantiers prioritaires pour arriver à ces fins ?
CJ
: En premier lieu, l'accessibilité. 60 % des aires de jeux sont accessibles mais le problème se pose pour les installations annexes puisqu'on considère que seulement 6 % d'entre elles le sont. Or c'est dans « l'école des vestiaires » que l'on apprend le plus. Nous portons cet objectif à 30 % en cinq ans. Pour inciter les clubs ou les fédérations à se mettre en conformité avec la loi de 2005 ou à développer des projets civiques, nous allons mettre en place, en 2012, un principe simple : pas d'action, pas de subvention !

H
: Et qu'en est-il de l'aide apportée aux sportifs de haut niveau ?
CJ
: Nous avons l'objectif que la France revienne dans le top 10 lors des prochains JO paralympiques de Londres. Nous ne sommes pour le moment que 14ème. Dans ce but, nous allons mettre en place des préparations individualisées pour chacun de nos athlètes. Nous avons également instauré l'égalité des primes offertes aux médaillés olympiques, qu'ils soient valides ou handicapés. Alors qu'à Athènes, en 2004, un médaillé d'or paralympique français touchait 6 000 euros contre 40 000 pour son homologue valide ! Tous champions, sans distinction ! Et puis nous avons étendu les Conventions d'insertion professionnelle (CIP), qui permettent de gérer avec les employeurs le temps libéré pour les stages préparatoires et les compétitions nationales et internationales, à tous les sportifs de haut niveau.

H
: Des champions avant tout, certes, mais qu'on passe parfois sous silence...
CJ
: C'est vrai. Nous l'avons vu lors des derniers championnats du monde d'escrime 2010. L'équipe paralympique accumulait les médailles mais la presse continuait de titrer « La France fait chou blanc ! », ce qui a provoqué la colère de la Fédération handisport. Gérard Masson, son président, a d'ailleurs déclaré lors de notre table ronde : « Il doit y avoir deux Marseillaises en France ». En termes de visibilité, c'est évidemment encore trop disparate...

H
: Le sport c'est d'abord la performance, un concept qu'on applique rarement aux personnes handicapées...
CJ
: Vous savez lorsque je reçois nos champions, et j'ai pris le parti de recevoir valides et handicapés en même temps, sans distinction, ce que je vois avant toute chose, c'est l'athlète, et pas le handicap. Ils font preuve d'une immense volonté et d'une grande détermination, assortie d'une préparation mentale intense. Nous avons tous beaucoup à tirer de cette mixité. Que dire de l'exploit de Philippe Crozon, amputé de plusieurs membres, qui a traversé la Manche à la nage et s'apprête à partir à la conquête de tous les détroits de la planète...

H
: Mais certaines personnes handicapées sont parfois exaspérés de l'amalgame fait avec ces personnalités atypiques, voire héroïques, qui ne reflètent pas leur quotidien et leurs capacités...
CJ
: Pas plus que moi, qui fait de la course à pied, je n'aurai la prétention de battre les Kényans sur ce terrain... Je n'ai pas les mêmes échos que vous. Les personnes handicapées que je rencontre me disent que ces modèles leur donnent de l'impulsion et agissent comme un stimulant. A chacun ses propres défis...

H
: Il y a longtemps eu un conflit fraternel entre Handisport (handicap physique) et Sport adapté (handicap mental). Où en est la situation ?
CJ : La réintégration des sportifs du Sport adapté aux JO paralympiques de Londres en 2012 participe à l'apaisement des tensions. Nous ne sommes heureusement plus dans cette logique de dénigrement.

Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco journaliste Handicap.fr

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