Bilan mondiaux handisport : " La France est à sa place ! "

Les Mondiaux d'athlétisme handisport de Lyon se sont achevés le 28 juillet 2013. Une vingtième place pour la France. Bilan avec Julien Héricourt, directeur sportif France : " Plus de moyens pour contrer les grosses écuries ! "

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Handicap.fr : Julien Héricourt, qui êtes-vous ?
Julien Héricourt : Je suis directeur sportif de l'équipe de France d'athlétisme depuis 2009 et j'accompagnais déjà notre délégation sur les derniers Mondiaux en Nouvelle-Zélande, en 2011, et lors des Jeux de Londres en 2012. J'ai eu la chance, depuis deux ans, de faire partie du comité d'organisation de ces Mondiaux de Lyon et d'apporter mon expertise pour recentrer cet évènement autour des athlètes.

H.fr : Que retiendra-t-on de cette édition lyonnaise ?
JH : Le plus important, c'est l'engouement populaire autour de ces championnats du monde. On a compté presque 4 000 spectateurs chaque jour dans les tribunes alors qu'ils n'étaient que quelques centaines lors de la précédente édition, en Nouvelle-Zélande. Nous avons également pu bénéficier d'une couverture médiatique sans précédent avec presque 300 journalistes accrédités, un direct deux heures par jour sur France 4 et la présence de la BBC et de Channel 4 qui transmettaient pratiquement non-stop... Marie-Amélie Le Fur, deux fois vice-championne sur le sprint a été invitée sur TF1. Et nous avions un papier chaque jour dans L'Equipe. C'est excellent pour le handisport mais cela peut aussi devenir un piège...

H.fr : Pourquoi cette notoriété serait-elle un piège ?
JH : Parce que nos athlètes ne sont pas préparés pour faire face à cette médiatisation et forcément aux critiques qui vont avec... Par exemple, certains médias ont épinglé Marie-Amélie parce qu'elle avait « perdu son titre mondial » sur le 100 m. Ce qu'il faut savoir, c'est que la championne néerlandaise court avec deux lames (doublée amputée), ce qui lui procure un avantage indéniable. J'aimerais qu'elles puissent concourir dans des catégories distinctes mais le règlement international reste ce qu'il est. En attendant, Marie-Amélie reste la meilleure en « une lame » mais certains médias ont occulté ces détails et n'ont retenu que sa « défaite » !

H.fr : Il y a donc vraiment un avant et un après Londres ?
JH : Oui, c'est manifeste. Londres a été un tournant dans l'histoire de l'athlétisme handisport. C'est peut-être le début d'une nouvelle ère. Nous espérons que cette montée en puissance de la médiatisation va finir par interpeler les sponsors.

H.fr : Aucun de vos athlètes n'est sponsorisé ?
JH : Si mais seulement deux ou trois. Les autres sont étudiants ou travaillent, en bénéficiant parfois d'un CIP (Contrat d'insertion professionnelle).

H.fr : Combien d'athlètes dans l'équipe de France à Lyon ?
JH : Trente-trois avaient été sélectionnés mais Alain Akakpo (saut en longueur) s'est blessé et a dû déclarer forfait.

H.fr : La ministre des sports, Valérie Fourneyron, avait annoncé que la France serait dans le Top 10 des nations. Elle a vu trop grand ?
JH : Oui, nous avons tenté de la raisonner en lui suggérant plutôt la quinzième place. Au final, avec 14 médailles, la France occupe la vingtième mais il n'y a rien d'illogique car nous étions à Lyon avec un collectif à son tiers rajeuni, douze nouveaux athlètes qui connaissaient, sur ces mondiaux, leur première sélection nationale. Et puis la « retraite » de la sprinteuse Assia El'Hannouni, après les Jeux de Londres, nous a privés d'au moins deux ou trois médailles sur ces championnats... Alors entre les départs des uns et l'intégration des autres, on peut considérer que l'équipe de France est à sa place.

H.fr : Douze nouveaux sportifs : cette relève vous permet de préparer les Jeux paralympiques de Rio en 2016 ?
JH : Oui, ce sont nos champions de demain. Ils ont entre 18 et 23 ans avec, pour certains, seulement deux années de pratique. Ils n'ont pas encore la culture du sport de haut-niveau. On peut citer Valentin Bertrand, sprinter sur le 400m, qui a eu 18 ans le jour de la clôture des Mondiaux, Boris Reynaud, sur la longueur, âgé de 19 ans ou encore Elvina Vidot, 20 ans, pour qui c'était la première sélection sur le 100 et 200 m et la longueur.

H.fr : C'est aussi une question de moyens financiers ?
JH : Il est évident que le système français n'a pas les mêmes moyens que d'autres délégations, comme le Brésil, les Etats-Unis ou le Canada. Dans certaines équipes étrangères, les athlètes sont sponsorisés à 100 %, comme a pu l'être Oscar Pistorius. L'Allemand Popow est, par exemple, soutenu par la marque de prothèses et d'équipements adaptés Ottobock. Pour lutter contre les grosses écuries, il va falloir que des investisseurs nous soutiennent. Nos athlètes ne doivent, pour le moment, compter que sur la FFH (Fédération française handisport). Mais qui doit financer au total 38 sports. On fait donc avec les moyens du bord !

H.fr : Et, en termes d'encadrement, à quand des coachs sportifs professionnels pour chaque athlète ?
JH : C'est loin d'être le cas alors que d'autres délégations font appel à de vrais pros dont c'est le métier. Nos athlètes sont entraînés par des bénévoles, dans des clubs « valides » qui ont mis en place une section handisport, sauf pour les courses fauteuil qui supposent des équipements spécifiques. Je suis le seul salarié sur une quinzaine de cadres présents autour de l'équipe de France ; les autres sont kinés, retraités ou entraîneurs de club. Ce n'est évidemment pas suffisant pour jouer dans la cour des grands.

H.fr : Et le public lyonnais, il a assuré ?
JH : Oui, malgré des records de chaleur et une tempête de vent le samedi, il y a eu beaucoup de bruit dans les tribunes. Il était vraiment derrière les athlètes, et, évidemment, surtout les Français. On a senti, à Lyon, cette pression positive, avec un stade à taille humaine et la possibilité pour les athlètes d'aller à la rencontre du public.

Liste des médailles françaises

Or
Mandy FRANCOIS-ELIE, 100 mètres T37
Mandy FRANCOIS-ELIE, 200 mètres T37
Tony FELELAVAKI, javelot F44

Argent
Moussa TAMBADOU, tir F38
Marie-Amélie LE FUR, 100 mètres T44
Marie-Amélie LE FUR, 200 mètres T44
Marie-Amélie LE FUR, saut en longueur T44

Bronze
Clavel KAYITARE, 100 mètres T42
Pierre FAIRBANK, 200 mètres fauteuil T53
Pierre FAIRBANK, 800 mètres fauteuil T53
Timothée ADOLPHE, 400 mètres T11
Hyacinthe DELEPLACE, 400 mètres T12
Arnaud ASSOUMANI, saut en longueur T46
Relais masculin 4X100 mètres T11-13 

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