Les travailleurs handicapés ne sont pas des pots de fleurs !

Denis Jacquat co-préside les 1ères Rencontres parlementaires sur le thème : Entreprise et handicap, le 14 février 2013. Un débat qui s'invite à l'Assemblée pour que l'inclusion des travailleurs handicapés interpelle, aussi, nos élus...

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Handicap.fr : Les premières Rencontres parlementaires sur le thème « entreprise et handicap » ont lieu à l'Assemblée nationale le 14 février 2013 ? On vous en a confié la présidence ?
Denis Jacquat : En effet. Amorce 69, l'organisateur de ce colloque qui a pour thème « Le handicap comme vecteur d'innovation sociale en milieu professionnel » m'a demandé, en tant que député, de le co-présider avec Jean-François Chossy, ancien député de la Loire et rapporteur de la loi handicap de 2005.

H.fr : Pourquoi vous ? Vous êtes depuis longtemps plutôt impliqué sur la question des personnes âgées...
DJ : Pas seulement, j'ai aussi été rapporteur de la loi handicap de 1987 (dite « loi Seguin ») sur la question de l'emploi des personnes handicapées, et je participe au groupe de travail sur les personnes handicapées à l'Assemblée depuis 1986. Je m'implique également sur la pénibilité au travail, qui les concerne tout particulièrement.

H.fr : Quel est l'objectif de ces « Rencontres parlementaires » ?
DJ : Déjà attirer l'attention des parlementaires sur des sujets de société. Elles sont assez fréquentes et organisées par l'entremise d'un député. C'est la première fois qu'elles sont consacrées au thème « Entreprise et handicap ». Les tables rondes sont co-animées par des élus ; le public est en général composé de professionnels. Dans le cas de ce colloque, ce sont des managers, des experts, des responsables de mission handicap, des décideurs publics et des partenaires économiques. Cette journée a en effet pour ambition de stimuler le monde de l'entreprise et de faire comprendre aux managers qu'un travailleur handicapé peut réellement apporter un plus. On constate, par exemple, qu'il y a très peu d'absentéisme chez ces salariés. Il faut vraiment arriver à prouver que cette inclusion peut être un levier de progrès social pour l'entreprise, et plus largement pour la société.

H.fr : Vous êtes député de l'UMP. Y-a-t-il une orientation politique dans ces rencontres ?
DJ : Non, bien au contraire. Nous faisons toujours attention, lors de chaque table ronde, à bien respecter la parité entre les partis.

H.fr : Quelles sont les thématiques abordées ?
DJ : Trois tables rondes sont à l'ordre du jour : « Comment recruter les personnes handicapées tout en respectant le principe de non-discrimination ? », « L'entreprise d'aujourd'hui est-elle capable d'offrir à ses salariés handicapés une égalité des chances dans leur parcours professionnel » et « Quel profil aura le management de demain pour répondre au défi de la diversité ? ».

H.fr : L'emploi des personnes handicapées est au cœur des débats. Mais entre le discours des entreprises et la réalité des travailleurs handicapés, il y a un écart gigantesque...
DJ : Oui, c'est évident. Déjà en 1987, la loi s'était saisie de cette question, en décidant, notamment, la création de l'Agefiph. Mais, même à une époque où il y avait moins de chômage, les entreprises ne se sentaient vraiment pas concernées et préféraient payer des pénalités plutôt que d'embaucher, y compris l'Etat qui était loin d'être exemplaire dans ce domaine. La loi de 2005 a réactivé cette politique mais il faut bien reconnaître que l'on fait du sur-place. Les évolutions sont trop minimes !

H.fr : Pourtant, ils sont nombreux à dresser un constat plutôt encourageant...
DJ : Disons qu'il faut que cette question sorte du cercle des initiés, ceux que l'on croise dans les colloques, et notamment les missions handicap des grandes entreprises qui sont, en effet, plutôt impliquées. Mais, du côté des PME, c'est une toute autre affaire ; la priorité, aujourd'hui, c'est de toucher les petits patrons. Ce milieu se connait très bien, et c'est par ce biais, par le bouche à oreille, que les bonnes pratiques pourront être diffusées. Certains grands groupes, notamment dans l'assurance et la prévoyance, ont ce pouvoir. Ils ont accès à un fichier important de petites entreprises et peuvent facilement divulguer un tel message auprès de leurs membres.

H.fr : En 2013, toutes les préoccupations semblent maintenant converger vers la question du maintien dans l'emploi. Au point de se demander s'il y a une vie après l'embauche pour les travailleurs handicapés...
DJ : En effet car combien de travailleurs handicapés ont été recrutés et font office de pot de fleurs, n'ayant d'autre utilité que d'assurer la « bonne conscience » de l'entreprise ? Cette question concerne aussi les travailleurs qui sont tombés dans le handicap en étant déjà dans l'emploi.

H.fr : Ce qui sera débattu lors de ce colloque sera-t-il restitué aux parlementaires avec l'espoir que ces questions pourront infuser au sein de l'Assemblée nationale ?
DJ : C'est aussi le but même si, en ce moment, elle est très « mariage pour tous » ! Mais rassurez-vous, les associations de personnes handicapées sont là pour nous rappeler à nos devoirs, et, dans ce domaine, ils sont plutôt bons. Notamment Jean-Marie Barbier, président de l'APF (Association des paralysés de France). C'est un aiguillon sans cesse vigilant. Il convie les députés une fois par an, répond toujours aux invitations de l'Assemblée, vient aux auditions, avec, à certains moments, des retours de bâton féroce. Les autres présidents d'associations sont, eux aussi, présents mais lui est particulièrement tenace. Il est parfait car il maintient en éveil tous les parlementaires qui s'occupent des questions de handicap. Je luis dis souvent : « Tu embêtes tout le monde mais c'est bien ainsi, il faut continuer ! ».

H.fr : Quel sera, selon vous, le chantier prioritaire, en 2013, en matière de handicap ?
DJ : L'Assemblée va entamer un gros travail sur la dépendance et la perte d'autonomie. D'ici la fin de l'année, un texte devrait voir le jour. Mais je reste particulièrement vigilant pour qu'il porte sur la « perte d'autonomie » qui concerne tout le monde et pas seulement sur la « dépendance » qui ne concerne que les personnes âgées. Il ne faudrait pas que, dans ces nuances sémantiques, on en vienne à oublier les personnes handicapées. Marisol Touraine, ministre de la santé, a promis que nous discuterions de cette question prochainement. Une préoccupation d'autant plus d'actualité qu'il y aura, à l'avenir, de plus en plus de personnes handicapées vieillissantes. Alors pas question de les laisser de côté ! Mais, pour cela, on va certainement me répondre qu'il faut des recettes complémentaires stables et pérennes...

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