Santé mentale :"mon fils est différent" par Princess Erika

À l'occasion de la journée mondiale de la santé mentale qui avait lieu jeudi 10 octobre, la chanteuse et comédienne revient sur son rôle de mère et sur cette maladie qui ne l'a quitte jamais.

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Il y a quelques jours, un connard aviné, pour défendre sa belle-sœur que j'avais viré, a laissé sur mon répondeur pas moins d'une vingtaine de messages d'insultes grossières. Mais dans le tas, il a traité mon fils d'handicapé, de taré, de malade de fou et j'en passe.

Il hurlait que c'était de ma faute si mon fils en était là, que je m'en étais mal occupé et que c'était bien fait pour ma gueule. J'ajoute qu'il n'a jamais rencontré mon fils. M'en fous des insultes me concernant, mais il ne faut jamais toucher à mes enfants.

C'est vrai que je m'étais beaucoup confiée à sa "belle-sœur" pendant notre collaboration sur ma difficulté d'avoir un fils atteint de troubles psychiatriques. Je m'étais confiée à elle sur notre isolement face à la maladie, l'incompréhension de la plupart, le côté pathogène de la famille, ma colère et mon sentiment d'abandon. Alors qu'elle s'en serve contre moi via son beauf m'a terrassée au début.

J'ai l'impression qu'on me dévisage et qu'on me juge

Et puis jeudi dernier je suis allée aux portes ouvertes du Clubhouse à l'occasion de la journée mondiale de la santé mentale. C'est une association qui a pour but l'insertion des personnes en souffrance, la fin de l'isolement, de la marginalisation et des préjugés et l'information sur les troubles psychiatriques.

J'y suis allée avec une amie, son frère est atteint aussi. Au début, je suis toujours gênée de participer à ce genre de manifestation. J'ai l'impression qu'on me dévisage et qu'on me juge, je suis coupable de n'avoir pas su garder la santé mentale de mon fils intacte. D'ailleurs, je suis folle moi-même et la folie engendre la folie bien évidemment... Et puis au bout de douze ans de maladie, que pouvons-nous espérer ?

Mais mon amie a insisté pour que je vienne. "Ça fait du bien de partager sa souffrance", m'explique-t-elle, de confronter ses expériences d'entendre que la vie continue.

Et aussi le Clubhouse est un lieu d'accueil. Les patients peuvent y aller tous les jours, élaborer un projet de vie, trouver une écoute et de l'aide pour le réaliser. Ce n'est pas une garderie comme en propose la plupart des CMP où les activités sont limitées et pas franchement attractives.

C'est encourageant, des solutions existent

D'abord il y avait une séance de dédicace ; plusieurs auteurs sont venus signer leur ouvrage. Delphine de Vigan était là. J'ai lu son livre à sa sortie en 2011, "Rien ne s'oppose à la nuit". Je m'y étais énormément retrouvée. Elle est la fille de, je suis la mère de... j'ai tellement pleuré.

Ensuite le livre de Christian Gay et Marianne Colombani, Marianne est joviale et très dynamique, ça donne envie. Et le troisième de Marie Alvery et Hélène Gabert, une des deux jeunes femmes donne des exemples très cliniques sur la manière de cadrer sa vie pour ne pas sombrer dans la dépression sévère. C'est encourageant. Des solutions existent.

Les questions commencent à fuser. Je regarde les gens qui remplissent la salle. Tous sont concernés. J'en reconnais certains sous médication, d'autres à fleur de peau, comme cette jeune maman qui veut souvent la parole. Le président Philippe Charrier, qui est aussi celui de l'UNAFAM, le premier organisme qui m'a redonné un peu d'espoir, de sa voix de stentor nous parle d'horizon et de perspectives.

Un sujet tabou qui ne se discute qu'entre soi

Il y a deux ans, j'ai parlé de la maladie de mon fils dans un magazine. Et sa psychiatre m'a dit que je n'avais pas à le faire, que mon fils risquait de se suicider... Elle est incapable de le diagnostiquer précisément, mais elle m'affirme qu'il peut se suicider !

Heureusement qu'il n'a aucune tendance suicidaire et ça je le sais. Mais voilà encore un moyen de me culpabiliser. Vouée à subir en silence, c'est un sujet tabou qui ne se discute qu'entre soi.

Au Clubhouse, un homme aborde la terminologie trompeuse ; maintenant quand on parle de "schizo", de "mytho" ou de "parano" les mots ne résonnent plus pareil, il y a un côté bad boy à être "schizo". Plus séduisant que maniaco-dépressif. Ou un autre stéréotype, les fous sont des génies ! Regardez Van Gogh, Nerval... fantasmes nous dit Philippe ! Et Miley Cyrus, idole de toute une jeunesse, qui se fout ouvertement de Sinead O'Connor parce qu'elle est malade... Petite idiote !

"Mon frère est différent"

Je pose une question : comment se fait-il qu'on mette tant de temps à nous donner un diagnostic avec une terminologie claire ? Christian Gay me répond que je suis dans la norme et qu'il ne faut rien attendre des psychiatres qui ne sont là que pour la médicalisation du trouble.


Et puis Vincent Lindon a pris la parole. Il était là, assez discret, très vivement remercié par l'assistance. Il a parlé de ce qui venait de se dire en soulignant qu'il était d'accord à 99%. Mais il utilisait le terme "vous" : "Vous devriez porter votre message au-delà de ces murs car là, vous êtes entre vous. Il faut entrer dans la place, prendre d'assaut l'espace public et vous faire entendre."

Je voudrai dire à Vincent qu'il a raison. Il nous faut porter cette parole au-delà de nos murs d'angoisse, de rejet de colère et de solitude. Expliquer à tous que le trouble psychiatrique n'est pas comme le handicap ou la déficience mentale. C'est une altérité plus qu'une altération. C'est une affection au sens propre, un attachement, c'est une différence. D'ailleurs mon deuxième fils dit cela de son grand frère : "Mon frère, il est différent".

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