Enfants cérébro-lésés : l'art pousse la porte de leur centre

En Rhône-Alpes, "l'Académie de Cuivres en Dombes" organise des ateliers pour permettre à des enfants cérébro-lésés ou grands brûlés de participer à des projets culturels. Avec le soutien de nombreux artistes...

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L'air décontracté sous son grand chapeau, Philippe Constant arpente les couloirs du centre de rééducation pédiatrique Romans Ferrari comme s'il était chez lui. Depuis presque 20 ans, l'Académie Cuivres en Dombes, association qu'il a créée en 1996, organise des saisons d'inclusion culturelle auprès de l'établissement. Tout au long de l'année, des sessions de création artistique sont mises en place pour offrir aux enfants de multiples occasions de s'exprimer. Réputé pour la qualité de ses soins en kinésithérapie, le centre Romans Ferrari, situé à Miribel, dans l'Ain, reçoit essentiellement des enfants souffrant de brûlures graves ou de traumatismes crâniens. Ici, des jeunes de 0 à 20 ans sont suivis lors de séjours plus ou moins longs. Certains sont amenés à revenir souvent. « Lorsque l'on invite des artistes en résidence, on essaie de se calquer sur la durée moyenne des séjours », explique M. Constant, qui joue au centre un rôle de référent culturel.

« Nous ne sommes pas là pour soigner »

Que fait-on dans le cadre de ces résidences ? « Les artistes que nous invitons interviennent assez régulièrement. Parfois, ils ne sont là qu'une fois par semaine, pour s'adapter au calendrier de soin, poursuit Philippe, lui-même musicien. Beaucoup d'ateliers sont animés avec les professeurs mais nous essayons de travailler avec tous les services. Nous commençons par définir une technique, un thème, puis créons à partir de l'idée de départ. » Théâtre, chant, arts plastiques, musiques du monde… Chaque projet est mené avec une compagnie artistique différente, le but étant que les enfants s'amusent. Attention, toutefois, à ne pas parler d'art-thérapie. « Nous ne soignons pas, nous recherchons l'expression avant tout. Ce qui compte, c'est que les enfants soient acteurs de leurs projets. S'il y a quelque chose de créé à la fin, c'est un bonus, mais ce qui se passe pendant les ateliers est le plus important », affirme le musicien.

Fabriquer une « Lune de papier »

Philippe a pourtant beaucoup à montrer : compilation de chansons écrites par les enfants, clips vidéo, fresques, petites sculptures… Et bientôt un DVD qui restituera les films d'animation créés par plusieurs groupes de jeunes lors de la saison 2016, baptisée Le Beau Romans. Encadrés par Violaine, alias Vergine Keaton, jeune vidéaste au talent déjà récompensé par plusieurs prix, les enfants participent, en 2016, à la création d'un film d'animation, Lune de papier ou les quatre saisons d'Oli. Papier découpé, bas-relief… Les techniques sont variées et les débats autour du scénario parfois « houleux» : « Oli est une chouette, mais c'est forcément un garçon », assure l'un des petits garçons participant à l'atelier. Dans la salle, tout le monde n'est pas du même avis. Assemblés autour d'une table, ils choisissent les décors, découpent les personnages… Ce projet ambitieux est né pour faire écho à celui de Charlélie, qui a intégré le centre en 2016. Charlélie est devenu hémiplégique à la suite d'un accident alors qu'il venait d'être accepté à la MOPA, célèbre école d'animation 3D située à Arles. Le DVD devrait sortir en septembre 2016.

S'exprimer avec les yeux

Dans la cour du centre, en fin d'après-midi, des enfants manient bombes aérosol, ciseaux et pochoirs pour les dessins qu'ils colleront sur un mur du centre-ville. Blandine Mingret, du collectif d'artistes Las Gatas, basée à Lyon, anime la séance. « Exposer en ville, en dehors du centre, c'est aussi le moyen pour les jeunes de dire qu'ils sont là et qu'ils existent », confie Philippe. Beaucoup des projets sont porteurs de messages : des leçons retenues, des textes plein d'espoir, d'autres témoignages parfois plus difficiles… On pense à Eyes in the eyes, clip réalisé en 2015 autour du projet de création de chanson animé par Ahcen Merzouki – frère du célèbre danseur Mourad Merzouki - et auquel Lukas, soigné à Romans Ferrari, avait souhaité participer. Atteint du Locked-In Syndrome, qui se caractérise par une paralysie quasi complète du corps, Lukas utilisait l'alphabet Eyes in the Eyes pour retranscrire les paroles émises avec les mouvements de ses yeux. Le clip illustre la chanson née de ce travail (voir vidéo ci-dessous).

L'art accessible à tous

L'Académie travaille également avec des structures de santé telles que des maisons de retraite en Rhône Alpes. Comme elle, de nombreuses associations peu connues en France œuvrent pour favoriser l'expression des enfants avec un handicap physique ou mental. Citons Ellipse, située à La-Celle-Saint-Cloud, (Yvelines), qui milite pour le « loisir intégré » à travers des activités de plein air adaptées aux personnes en situation de handicap psychique (lire article en lien ci-dessous). De belles opportunités pour rendre l'art accessible à tous et faire se rencontrer des mondes qui peinent à communiquer...

© Aimée Le Goff

Illustration article Enfants cérébro-lésés : l'art pousse la porte de leur centre
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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Aimée Le Goff, journaliste Handicap.fr"
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