Sexe et handicap : compte rendu d'un stage qui fait débat

Le 1er stage sur l'accompagnement sexuel pour personnes handicapées en France vient de s'achever. Faire des câlins, se mettre à nu ou simplement parler... Récit d'une formation pas comme les autres qui souhaite interpeler les consciences...

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Par Laurent Geslin

Les personnes handicapées elles aussi ont «des besoins sexuels»: c'est dans l'espoir de faire bouger les consciences sur cette question polémique qu'une association a organisé, en mars 2015, près de Strasbourg, un stage à l'accompagnement sexuel pour personnes handicapées. La profession d'accompagnant sexuel bénéficie d'un cadre juridique en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Autriche, en Italie et en Espagne... Mais pas en France : le travail des accompagnants pratiquant des prestations tarifées à l'acte étant assimilable à de la prostitution. Présenté comme une première en France de par son but officiellement déclaré, ce stage était organisé par l'Appas (Association pour la promotion de l'accompagnement sexuel des personnes handicapées) : treize stagiaires, 9 hommes et 4 femmes, ont appris durant quatre jours le travail avec l'intimité des personnes handicapées physiques ou mentales.

Comment faire des câlins

Pour Nina de Vries, une accompagnante sexuelle résidant à Berlin, «les humains quels qu'ils soient sont des êtres sexuels et à un moment donné, expriment des besoins sexuels. On ne peut pas le nier, c'est un fait». Cette femme de 54 ans est venue expliquer aux participants comment «faire des câlins», «se mettre nu» devant une personne, «avoir des contacts, sans qu'il soit obligatoirement question de rapport sexuel». Mais aussi apprendre à «parler», à refuser, en apprenant à chacun à «connaître ses frontières», a souligné Mme de Vries qui pratique ce métier depuis une vingtaine d'années. Outre Mme de Vries, l'Appas avait mobilisé une spécialiste en massage, un sexologue-psychologue et un juriste pour enseigner les gestes et les savoir-faire comme le toucher, les massages, les postures mais aussi les connaissances médicales, juridiques et éthiques.

Des réponses juridiques

«Alexandre», un Lyonnais de 35 ans qui s'exprime sous couvert d'anonymat et se présente comme un travailleur du sexe, dit s'intéresser depuis longtemps à cette thématique. «J'ai travaillé comme animateur pour des publics où la question de la sexualité se posait. Et je ne savais pas comment faire pour gérer cette question», a-t-il expliqué. «Tout le monde est unique dans ses demandes de sexualité», estime-t-il. Le stage invitait également les participants à s'interroger sur leurs motivations vis-à-vis de cette profession. «Je ne suis pas venu dans une perspective de pratique mais de réflexion. Parce que je ne sais pas aujourd'hui si je suis capable de pratiquer» l'accompagnement sexuel, a expliqué Patrick, 57 ans, qui exerce comme magnétiseur dans l'Isère. «C'est la première formation qui s'adresse à des accompagnants sexuels, le mot est posé (...) Les gens ne viennent pas chercher des clés pour se mettre hors-la-loi. Ils viennent chercher du soutien et des réponses au niveau juridique», a commenté Me Caroline Zorn, avocate de l'association.

«Les pieds dans le plat»

L'Appas, présidée par l'écrivain tétraplégique Marcel Nuss, réclame un vrai statut pour les aidants sexuels. En organisant cette formation, Marcel Nuss ne se cache pas de vouloir mettre «les pieds dans le plat». «On a un problème en France vis-à-vis des libertés individuelles. J'estime que l'accompagnement sexuel, au même titre que la PMA (procréation médicalement assistée) est un droit et qu'on n'est pas forcément irresponsables», explique-t-il en invoquant un «droit de penser autrement». En dépit d'une activité assimilable à du proxénétisme, l'Appas s'efforce déjà au quotidien de répondre aux demandes d'accompagnement sexuel pour personnes handicapées. Tous les jours, l'association reçoit une dizaine d'appels ou d'emails de parents souvent désemparés qui souhaitent faire bénéficier leur enfant handicapé d'un accompagnement, assure la secrétaire de l'Appas, Jill Nuss, elle-même ancienne accompagnante sexuelle et épouse du président.

Bientôt une jurisprudence ?

Plutôt qu'une loi, l'association «demande une jurisprudence, qu'un tribunal autorise de pratiquer l'accompagnement sexuel», martèle Marcel Nuss. La question de l'accompagnement sexuel avait suscité en 2011 un vif débat public avant d'essuyer en 2013 une fin de non-recevoir du Comité national consultatif d'éthique (CCNE) qui avait émis un avis défavorable aux assistants sexuels pour les personnes handicapées, relevant des risques importants de dérives. A défaut d'autoriser cette profession, le comité avait préconisé une formation des personnels soignants et éducatifs à la sexualité des patients.

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