Troubles psychiques : le mal du XXIème siècle...

Selon l'OMS, 1/4 de la population serait atteinte de troubles psychiques. L'estimation révèle l'urgence à accompagner ceux qui en souffrent. C'est l'ambition de Clubhouse France.Ecoutons Céline Aimetti, co-fondatrice et déléguée générale

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Handicap.fr : La notion de maladie psychique reste pour la plupart d'entre nous assez indéfinissable. C'est quoi ?
Céline Aimetti : C'est le mal du XXIème siècle. Cinq des dix pathologies les plus préoccupantes sont d'ordre mental : la bipolarité, la schizophrénie, la dépression, l'addiction et les TOC (Troubles obsessionnels compulsifs). Selon l'OMS (Organisation mondiale de la santé), un quart de la population en serait atteinte ! On parle sans cesse de la maladie d'Alzheimer mais on estime au double le nombre de personnes avec un trouble mental sévère.

H.fr : Comment expliquer que la maladie psychique soit si mal considérée en France ?
CA : L'histoire de la psychiatrie française est assez atypique. La Révolution française a prôné l'avènement de la raison. Depuis, on met à l'écart, presque intuitivement, tout ce qui s'en éloigne. La deuxième raison, c'est que la politique handicap et diversité est assez récente dans notre pays. La notion de handicap est reconnue depuis les années 80 mais la prise en compte officielle du handicap psychique remonte à la loi handicap de 2005. Avant, la loi était muette à ce sujet, et les personnes atteintes n'étaient pas considérées comme en situation de handicap. Depuis 2005, selon les MDPH, une personne sur trois reconnue handicapée l'est pour une maladie psychique.

H.fr : Mais, à la faveur de certains évènements tragiques, on parle aussi de plus en plus de fragilité mentale ?
CA : Oui, en effet. Avec l'augmentation des arrêts maladie longue durée et la vague de suicides dont on a récemment parlé, la fragilité au travail est devenue une préoccupation qui semble concerner de plus en plus les entreprises. C'est une thématique qui est en train d'émerger ou plutôt un tabou qui se lève très lentement. Côté medias, friands de faits divers à caractère exceptionnel, nous ne nous lasserons pas de répéter que les personnes malades qui commettent des actes violents n'ont, la plupart du temps, aucun suivi médical ni social.

H.fr : C'est pourquoi vous avez ouvert, à Paris, en 2011, le premier Clubhouse français qui a pour vocation de rendre les personnes atteintes de maladie psychique actrices de leur vie sociale et professionnelle. Quelles sont les conditions pour y être accueilli ?
CA : Il y a quatre conditions sine qua non : avoir plus de 18 ans, présenter une lettre de cooptation d'un médecin (pour garantir qu'il n'y a pas de contrindication à être dans un groupe et que la personne est suivie), avoir un toit sur la tête car notre espace ne nous permet pas d'héberger, notamment les SDF, et avoir envie de participer à cette démarche de reconstruction participative.

H.fr : C'est dur comme conditions lorsqu'on sait que de nombreuses personnes se retrouvent à la rue à cause de leurs troubles mentaux...
CA : Oui, je sais, nous sommes d'ailleurs souvent sollicités par les SDF du quartier. Le jour de Noël 2011, notre Clubhouse a eu une double page dans Libé, et une centaine de personnes sont venues nous voir ou nous ont appelés en se prétendant schizophrènes. Aux SDF, nous avons répondu que nous n'avions pas de lits, et nous avons dû, surtout, leur expliquer notre démarche qui n'est en aucun cas de traiter des situations d'urgence. Pour les autres, nous avons ouvert une liste d'attente, un vrai crève-cœur à peine deux mois après l'ouverture du club ! Nous proposons un travail de fond, et préparons à la réinsertion professionnelle et sociale, en valorisant l'autonomie et les capacités de chacun. Les personnes qui participent à la vie du club doivent donc avoir franchi certaines étapes : trouver un logement, accéder aux soins... Un quart de nos membres ont un emploi.

H.fr : Quels sont les bénéfices de la prise en charge que vous proposez ?
CA : Elle permet de retrouver de l'estime en soi, un équilibre et une place dans la société. Plus qu'un vrai confort pour la personne en souffrance, c'est un vrai bénéfice pour la société toute entière.

H.fr : Les personnes que vous recevez sont-elles envoyées par des services médico-sociaux ?
CA : Oui. Au départ, c'était le bouche-à-oreille, puis les professionnels de santé se sont fait prescripteurs. Cependant, c'est une démarche qui doit être volontaire à titre individuel. C'est la première étape du rétablissement. Il faut déjà avoir assumé son diagnostic et son traitement médicamenteux ; nous refusons les personnes qui sont dans le déni de leur maladie. Nous accompagnons tout en douceur, en ne faisant rentrer qu'un ou deux nouveaux membres par semaine. Il y a une période d'essai de deux mois pour se prémunir contre des personnes qui pourraient avoir des comportements nuisibles pour la communauté.

H.fr : C'est peu... Vous ne pouvez pas satisfaire toutes les demandes ?
CA : Non, il y a malheureusement une liste d'attente. Et nous avons atteint, fin septembre, le seuil de capacité d'accueil du local, soit 50 membres. Notre projet est tout récent et l'ambition est de développer des clubhouses partout en France, où les besoins sont colossaux. Il nous faudra du temps pour développer et consolider cette initiative. Mais nous n'avons que très peu de subventions publiques et fonctionnons sur des dons privés, à part l'aide de la Mairie de Paris qui correspond à 5 % de notre budget.

H.fr : Et pourtant, financièrement, l'Etat a tout à y gagner ?
CA : En effet. Le modèle clubhouse que nous sommes les seuls à porter en France apparait dans le Plan Psychiatre et Santé Mentale 2011-2015 en tant qu'innovation qui doit être soutenue et développée. C'est une base solide pour négocier avec l'Etat en considérant le Clubhouse Paris comme un projet pilote. Nous faisons également l'objet d'un protocole expérimental avec l'ARS (Agence régionale de santé) et devrions disposer d'un label expérimental dès 2013, optimisant ainsi un relais public. La méthodologie unique aux clubhouses permet, entre autres, d'améliorer fortement la qualité de vie des personnes et de diminuer nettement le taux de rechute et donc d'hospitalisation en psychiatrie. C'est tout bénef pour tout le monde, humainement et économiquement.

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