Extrait de l'intervention de M. Nicolas ABOUT, Sénateur des Yvelines (2e partie)

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Lire le début de l'article : http://www.handica.com/acces_themes/article.php?cat=1.0.0.0&art=1116 Je veux aborder le sujet délicat de la sexualité des personnes handicapées. «Est-ce qu'on peut bouder l'amour ? Aimer c'est naître. Aimer c'est savourer, aux bras d'un être cher, la quantité de ciel que Dieu mit dans la chair ; c'est être un ange avec la gloire d'être un homme». Victor Hugo oublie une seule chose : aimer, avoir une sexualité, c'est aussi un droit. C'est le domaine où les personnes handicapées ressentent le plus cruellement leur différence et où le rejet social s'exprime avec le plus de violence. Dans les établissements, le sujet est tabou, en particulier pour les personnes handicapées mentales. Or ces personnes, du fait de leur vulnérabilité, sont parfois victimes d'abus sexuels commis par des personnels ou des résidents. D'autre part, la seule réponse qu'on apporte au désir bien naturel, qu'elles expriment d'une sexualité, voire d'une maternité, est la stérilisation définitive. Pouvons-nous continuer à interdire à des adultes vivant des instituts spécialisés ou des foyers d'hébergement, de sortir le soir, d'avoir des relations sexuelles à l'intérieur de l'établissement, ou tout simplement de mener une vie de couple ? Des pays comme la Suisse, le Danemark ou l'Allemagne nous ont précédé dans cette réflexion, notamment avec la mise en place de services d'assistance sexuelle à domicile. Il faut lutter contre la misère affective, relationnelle et sexuelle dans laquelle un trop grand nombre de personnes handicapées sont plongées. Depuis plusieurs années, les personnes handicapées sont les premières victimes des dysfonctionnements du système infirmier libéral. Nécessitant des soins fréquents, souvent lourds, elles se heurtent au refus des infirmiers libéraux qui préfèrent apporter à d'autres patients des soins plus techniques – et qui leur demandent moins de temps. Pour pallier ce problème, vous avez, madame la Ministre, débloqué deux cents places en services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) réservés jusque-là aux seules personnes âgées de plus de soixante ans. Cette dérogation n'est pas suffisante. Or, le coût de la prise en charge en SSIAD s'élève à 35 euros par jour et par personne, quels que soient les patients, leurs besoins, leur âge, ou leur pathologie. Une personne lourdement handicapée, mobilise quatre personnes par jour ; sa prise en charge devrait être quatre fois supérieure. Sinon le SSIAD refuse de s'en occuper comme cela vient de se passer pour une personne des Yvelines. Reste une alternative : l'hospitalisation à domicile, qui assure une prise en charge plus médicalisée du patient, avec un prix de journée, de 145 euros. Outre le passage quotidien des personnels soignants et des professions paramédicales, il couvre également les frais médicaux annexes : achat de matériels, gants plastiques, pansements, protections urinaires… Or ces services qui sont en nombre insuffisant sur notre territoire et se trouvent donc en situation monopolistique sur le marché du soin à domicile font le « tri » parmi leurs patients. Ceux qui exigent des soins lourds et un temps de soin jugé trop long ont prié d'aller voir ailleurs, au motif que l'hospitalisation à domicile n'assure que des séjours courts pour des soins essentiellement palliatifs. On leur fait comprendre que même s'ils souffrent d'une sclérose en plaques ou d'une myopathie, leur pathologie n'évolue pas assez vite ! Ce tri de patients et choquant mais bien réel. Les conséquences en sont terribles. Pour ceux qui sont évincés du système, l'issue est simple : faute de services de soins à domicile alternatifs, c'est l'institution. En général, cette éviction a lieu lorsque l'entourage familial vieillit et n'est plus en mesure de remédier à l'insuffisance chronique de personnel et de soins, qui se manifeste au sein de ces services finalement peu contrôlés par les organismes de tutelle. Il y règne la loi du silence, les patients préférant se taire que perdre leur place. Rejetées par le système infirmier libéral, insuffisamment prises en charge pour être acceptées par les SSIAD, évincées des services d'hospitalisation à domicile, les personnes lourdement handicapées se retrouvent sans solution pourra assurer leurs soins. Cet abandon, dû à l'absence de prise en compte de leur spécificité par notre système de protection sociale est un scandale que je veux dénoncer. Une réflexion doit être engagée au plus vite, à l'occasion du projet de réforme de l'assurance maladie. À quoi bon réformer, si notre pays n'est pas en mesure d'assurer des soins vitaux aux plus fragiles des siens ? Plusieurs pistes pourraient être étudiées. Étendre les places disponibles en SSIAD et revaloriser le prix de journée en fonction de la pathologie et des temps de soins ; ouvrir obligatoirement les services d'hospitalisation à domicile aux handicaps lourds et renforcer les contrôles sur la qualité des soins qui y sont dispensés ; autoriser les aides-soignants à exercer leur métier en libéral auprès de ces personnes ; mettre en place une sorte de S.A.M.U. sanitaire.
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