Bégaiement : reconnu comme handicap par les MDPH

Parler n'est pas toujours simple comme bonjour. Sentiment de honte, stress à l'idée d'être incompris... Le bégaiement peut devenir un frein à toute vie sociale. Une orthophoniste livre des témoignages poignants et drôles dans un ouvrage authentique.

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Quel est le point commun entre Julia Roberts, Albert Einstein, Winston Churchill, Marilyn Monroe, Yoann Fréget, le gagnant de la saison 2 de l'émission The voice, Napoléon 1er et Bruce Willis ? Leur bégaiement. Comme plus de 650 000 Français, ils éprouvent ou ont éprouvé des difficultés à s'exprimer clairement. Pour certains, dire bonjour, passer une commande ou avoir une vie sociale relève du parcours du combattant. Et lorsqu'il s'agit de trouver un emploi… Dans son livre Dans les coulisses du bégaiement, Patricia Oksenberg, orthophoniste, met en lumière ces difficultés et tente d'apporter des solutions. « Chaque chapitre révèle l'histoire d'un patient et son combat pour tenter de vivre 'normalement' malgré le handicap », explique l'auteure. Un ouvrage empreint de sensibilité et d'humour, en librairie depuis octobre 2018 (Editions du Petit Anae).

Handicap ou non ?

Même si les avis divergent sur le « statut » du bégaiement, il est bel et bien reconnu par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et peut donner droit à une RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé). Certains redoutent néanmoins cette « étiquette » et confient « ne pas se sentir handicapés ». Pourtant, décrocher un entretien d'embauche peut parfois tourner au cauchemar, même avec des diplômes prestigieux. « Cette RQTH semble alors être la seule solution… », explique Patricia Oksenberg. Si ces troubles de la communication sont incommodants dans certaines situations, ils n'affectent en rien les capacités intellectuelles et professionnelles des PQB (personnes qui bégaient).

Témoignages en série

C'est ce que souhaite affirmer Patricia Oksenberg dans son livre. Elle ouvre grand la porte de son cabinet d'orthophonie et raconte, avec justesse et respect, le quotidien de ses patients afin d'appréhender le bégaiement de la manière la plus authentique possible, sans faux-semblants ni préjugés. « Cet ouvrage raconte le quotidien des PQB, tantôt douloureux tantôt drôle car l'humour est un moyen très puissant de mettre à distance son handicap », résume l'auteure. « Ne pas pouvoir parler au moment où l'on en a besoin peut rapidement impacter toute la vie d'une personne (professionnelle, privée, scolaire, etc.). » En proie au stress, aux discriminations et aux moqueries, certaines PQB n'osent plus sortir de peur d'être confrontées au regard des autres. S'ensuit un cercle vicieux : isolement, repli sur soi, dépression, jusqu'à l'envie de mettre fin à ses jours dans les cas les plus graves. Pourtant, pris en charge, les effets du bégaiement peuvent être limités voire totalement annihilés.

Une prise en charge efficace

Premier réflexe, dès l'apparition des symptômes : consulter un orthophoniste. « Plus on nous sollicite tôt, mieux c'est ! Même si le bégaiement peut être traité à n'importe quel âge… Lors d'une séance, la PQB apprend des techniques de fluence (ndlr : capacité à lire avec aisance) et fait un travail sur sa 'self-confiance' et sa 'self-estime' afin de pouvoir se réapproprier tous les instants de parole de sa vie », explique Patricia Oksenberg. Plus la rééducation commence tôt, plus la thérapie est rapide. Le livre révèle notamment l'histoire de Yoni, 20 ans, qui a décidé d'entreprendre une thérapie. Dans la salle d'attente, il met ses écouteurs, baisse la tête et semble n'avoir d'yeux que pour son iPod. « Cette attitude l'isole et le protège. Pas besoin de croiser le regard d'une autre personne ; mieux, il ne s'entendra pas dire 'bbbbbbonjour' à ceux qui le saluent », décrypte l'orthophoniste. Tout comme Yoni, de nombreux jeunes, envahis par un sentiment de honte et de culpabilité, préfèrent se murer dans le silence.

Des facteurs aggravants

Les enfants sont les plus affectés par le bégaiement : 4 à 5 % contre 1 % des adultes. Dans 80 % des cas, il survient entre 2 et 5 ans. D'autre part, les garçons sont particulièrement touchés. Même si l'origine exacte de ce trouble reste inconnue, certains facteurs peuvent favoriser son déclenchement : fatigue, émotion, peur de ne pas s'exprimer clairement, tempérament anxieux, ambiance familiale conflictuelle, évènements traumatisants et, pour les plus jeunes, pression parentale accrue et indifférence face aux problèmes de l'enfant… Il apparaît lorsque la personne est en situation de communication, ce qui explique que, lorsqu'elle chante ou joue une pièce de théâtre, elle ne bégaie pas. Dans certains cas, l'auto-thérapie, ou le fait de traiter soi-même son bégaiement, peut s'avérer efficace. La lecture d'ouvrages et des exercices pratiques répétés quotidiennement constituent la clé d'une rééducation efficace. Une étude révèle que 50 % des enfants âgés de 4 à 7 ans s'en débarrassent sans avoir recours à l'orthophonie. Si, au contraire, ce trouble persiste, les patients ont la possibilité de se tourner vers des centres spécialisés et de prendre part à des stages intensifs. Tout dépend de l'intensité du bégaiement et du contexte de chacun.

© ALDECAstudio/Fotolia

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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