Misophonie : 15% des Français souffrent de la haine du son

Claquement de dents, bruits de salive ou de chewing-gum... Ces sons, insignifiants pour la plupart des Français, sont un supplice pour 15 % d'entre eux. Longtemps ignorée, cette affliction porte un nom : la misophonie, littéralement "haine du son".

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Mastication de chewing-gum, croustillement de pop-corn, respiration, tapotement des doigts sur un clavier, ronflement… Ces bruits insignifiants ou légèrement désagréables pour certains sont une véritable torture pour les misophones. 15 % des Français souffriraient de ce trouble neuropsychique. Considérés comme « intolérants », « étranges » ou carrément « chiants » il y a encore une dizaine d'années, leur « haine du son » sort peu à peu du silence et inspire même des fictions. Après le documentaire Quiet please de Jeffrey Gould, sorti en 2016, le comédien Bruno Salomone exprime, dans son livre, Les misophones (Editions du Cherche-Midi), le mal-être que ce trouble, dont il est atteint depuis l'âge de 10 ans, peut engendrer mais aussi la complicité qui peut naître entre deux personnes concernées.

Des bruits qui rendent fou

« L'enfer c'est les autres », disait Sartre. Ce ne sont certainement pas les misophones qui diront le contraire ! Cette aversion pour les sons produits par une tierce personne, généralement des bruits de bouche, peut entraîner anxiété, dégoût et colère. Certains évoquent même un sentiment de perte de contrôle aboutissant parfois à une agressivité verbale voire physique. A ne pas confondre avec l'hyperacousie, qui traduit une intolérance aux sons environnementaux ordinaires, perçus comme « trop forts », engendrés par un dysfonctionnement du système auditif.  « Ces petits bruits peuvent vous rendre fous », concède sur la radio Vivre FM Bruno Salomone. Pour son roman, il s'est appuyé sur divers témoignages, avec des répercussions parfois invraisemblables. L'un d'eux relate notamment qu'une femme, à bord d'un avion, avait planté un stylo dans l'avant-bras de son voisin qui ronflait.

Sujet tabou ?

Pour éviter d'en arriver-là, deux solutions : faire cesser ces sons, en demandant poliment de préférence, ou s'en protéger. Les boules Quies, écouteurs ou autres protections anti-bruit apparaissent alors comme le meilleur allié des misophones. Si les symptômes sont plus ou moins importants d'une personne à une autre (vomissement, cris, pleurs), le sentiment de honte est extrêmement répandu et peut entraîner un repli sur soi et une altération de la vie sociale. « La difficulté de la misophonie, c'est d'en parler », poursuit-il. Au-delà d'un outil de sensibilisation, son roman est donc un exutoire. Les deux protagonistes en sont atteints, l'un en a conscience, l'autre l'ignore. Alors qu'il pensait être le seul à porter ce fardeau, Damien aide Alexi à découvrir l'origine de son mal-être.

Activité cérébrale anormale

Le terme de « misophonie » a été utilisé pour la première fois en 2000 par un couple de neuroscientifiques d'une université américaine, Pawel et Margaret Jastreboff. Une vingtaine d'années plus tard, ce trouble reste méconnu, peu diagnostiqué et suscite l'incompréhension. Certaines études montrent néanmoins qu'il concerne tous les âges et que 10 % des personnes ayant des acouphènes en souffrent. Les chercheurs n'écartent pas la piste génétique car 55 % des personnes atteintes auraient des antécédents familiaux. Par ailleurs, la misophonie pourrait être associée à des TOC, des troubles anxieux, dépressifs ou du comportement alimentaire ou encore au syndrome de Gilles de La Tourette, un trouble neurologique caractérisé par des tics moteurs et vocaux. En 2013, des chercheurs de l'université de Newcastle (Royaume-Uni) mettent en évidence l'activité cérébrale anormale des misophones face à certains bruits. Au préalable, ils avaient fait écouter à des participants avec et sans misophonie, des sons neutres (pluie, bouilloire), déplaisants (bébé qui pleure, personne qui crie) et déclencheurs (personne qui mange ou respire). Chez les personnes atteintes de ce trouble, l'IRM (Imagerie par résonance magnétique) a révélé une « réponse exagérée » dans le cortex insulaire antérieur, une zone du cerveau qui joue un rôle clé notamment dans le traitement des émotions et de l'empathie. Les sons déclencheurs provoquaient également une augmentation de la fréquence cardiaque.

Prise en charge psychothérapeutique

Pour l'heure, la prise en charge est psychothérapeutique. Comme pour les phobies, les thérapies cognitivo-comportementales peuvent être utilisées pour atténuer les réactions « négatives ». Comment ? En traitant le mal par le mal et en associant ces bruits à une écoute agréable. L'objectif : s'habituer à ces sons pour permettre au cerveau de les considérer non plus comme insupportables mais comme normaux. Pour certaines personnes, le meilleur traitement reste encore d'en parler pour se sentir mieux comprises. Ainsi, nombre d'entre elles décident d'échanger lors de réunions informelles ou de rencontres organisées par des associations spécialisées, comme Stop misophonie.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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