Lanceurs d'alerte, statut fragile : lettre ouverte à Macron

Pas facile de retrouver un emploi après avoir été fiché "lanceur d'alerte". Plus de protection et un statut renforcé, c'est ce que réclament les principaux concernés dans une lettre ouverte à Macron. Ceux du médico-social sont également concernés...

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Les lanceurs d'alerte sont protégés en France, depuis 2016, mais leur statut reste fragile et doit impérativement être renforcé, selon une lettre ouverte au président Macron publiée lors des Rencontres européennes des lanceurs d'alerte organisées le 8 novembre 2019 à Paris par l'Ugict-CGT. Céline Boussié a été la première lanceuse d'alerte relaxée à la suite de la loi dite "Sapin 2" sur les lanceurs d'alerte. Elle avait dénoncé des maltraitances subies par des enfants handicapés dans l'établissement de Moussaron dans le Gers, et l'institut avait porté plainte pour diffamation (articles en lien ci-dessous). "Vous avez beau avoir été relaxée, quand vous cherchez du travail, l'employeur se dit : 'Celle-là, c'est une casse-pied, elle va me faire des ennuis', alors qu'au contraire, on devrait être un gage du bon fonctionnement des entreprises et des institutions".

Insultes et menaces

Alexandre Berthelot, ancien dirigeant d'Haemonetics, en France, a révélé les dangers de machines de collecte de plasma pour la santé des donneurs. "J'ai subi des pressions allant de l'insulte à la menace physique, j'ai porté un gilet pare-balles pendant un an", souligne-t-il. Il estime qu'il n'aurait jamais tenu sans l'appui d'un syndicaliste de l'Etablissement français du sang, Guylain Cabantous. "Le déclic, ça a été de passer par une structure syndicale, c'est la seule façon d'aboutir sans s'autodétruire", dit-il.

Maison des lanceurs d'alerte

Les limites de la loi doivent être corrigées, soulignent dans la lettre ouverte au Président de la République 54 organisations, syndicats et associations. A l'origine du texte, la Maison des lanceurs d'alerte (MLA), créée en octobre 2018 pour soutenir juridiquement, financièrement et psychologiquement les lanceurs d'alerte. La MLA traite actuellement 70 alertes, portant sur la santé-environnement, la corruption et le management-droit du travail, détaille Nicole Marie Meyer, cofondatrice. Elle-même a lancé deux alertes à sa hiérarchie du Quai d'Orsay pour des faits de malversations financières qui lui ont valu de ne pas voir son contrat renouvelé en 2004 après 15 ans de service. "Je me suis retrouvée à 49 ans au RSA", dit-elle.

Fonds de soutien, droit d'asile...

Cette lettre ouverte milite pour une prompte transposition de la directive européenne sur les lanceurs d'alerte adoptée en octobre 2018. Cette directive va plus loin sur plusieurs sujets : elle permet aux lanceurs d'alerte de passer par une autorité externe (judiciaire ou administrative, nationale ou internationale) pour dénoncer les faits, alors qu'en France, ils doivent saisir d'abord leur hiérarchie interne. Elle conforte aussi le droit de tout travailleur à être défendu par un représentant du personnel ou un syndicat dans sa procédure d'alerte. L'appel demande en outre d'élargir le statut de lanceur d'alerte aux personnes morales (associations, syndicats), alors que la loi française ne s'applique qu'aux personnes physiques (individus), forcément plus fragiles. Les signataires préconisent aussi la création d'un fonds de soutien et l'octroi du droit d'asile pour les lanceurs d'alerte. Edward Snowden a demandé l'asile en France en 2013 après avoir dévoilé l'existence d'un système de surveillance mondiale des communications et d'internet, principalement par l'agence américaine NSA.

Véritable prise de risque

Selon un sondage Ugict-CGT/Groupe 3E réalisé par Viavoice auprès de 1 000 cadres représentatifs en septembre, 36 % disent avoir été témoins de "pratiques illégales ou contraires à l'intérêt général" mais, parmi eux, 42 % n'ont pas signalé ces dérives. S'ils n'ont pas donné l'alerte sur ces manquements, c'est faute de dispositif d'alerte, ou parce qu'ils n'ont pas confiance dans celui-ci : 51 % seulement des cadres déclarent qu'il existe un dispositif d'alerte dans leur entreprise, mais 42 % estiment que, s'il existe, il est inefficace. Et 51 % jugent risqué de dénoncer des pratiques contraires à l'éthique dans leur entreprise.

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