Les Compagnons du devoir : CFA d'excellence accessible?

Les Compagnons du devoir se sont imposés comme l'école de l'excellence des métiers de l'artisanat. En 2019, 60 CFA forment des apprentis à ces professions séculaires. Quid des jeunes handicapés? Le point avec Magali Rodier, responsable habitat jeune.

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Handicap.fr : Les Compagnons du devoir sont reconnus comme l'école de l'excellence dans les métiers de l'artisanat. A quand remonte ses origines ?
Magali Rodier : Les premières traces remontent au 12e siècle, et l'Association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France (AOCDTF) existe depuis environ 80 ans.
 
H.fr : Certains handicaps sont-ils rédhibitoires pour réaliser ces métiers séculaires et manuels ?
MR : Certes, une personne en situation de handicap moteur éprouvera des difficultés à devenir couvreur, par exemple. En revanche, d'autres domaines telles que la boulangerie et la maroquinerie sont accessibles et peuvent être bénéficier d'aménagements du poste de travail. Mais notre rôle est surtout de travailler avec le jeune sur ses envies et ainsi adapter le contenu de sa formation et de son apprentissage en fonction de ses attentes et ses besoins.
 
H.fr : Quel est le rythme de la formation ?
MR : En général, les apprentis sont présents quinze jours à l'école et six semaines en entreprise.
 
H.fr : Leur entreprise se situe-t-elle à proximité de leur CFA (centre de formation des apprentis) ?
MR : Pas forcément. Certaines de nos maisons possèdent un plateau technique mais n'ont pas la possibilité de former aux 30 métiers que nous proposons aujourd'hui. Donc, effectivement, certains jeunes peuvent être en formation dans une maison et devoir se déplacer dans une autre pour avoir accès à la partie entreprise. Autre possibilité : si cette dernière se situe près de chez eux, ils peuvent être hébergés par la famille durant six semaines puis dans une maison de compagnon durant les deux semaines d'école.
 
H.fr : Les maisons des compagnons sont-elles accessibles ?
MR : Toutes les nouvelles maisons respectent les normes d'accessibilité. Les autres sont soit en cours de traitement soit en cours d'étude pour une fin de travaux programmée à 2024. Etant donné la spécificité de nos sites, qui sont souvent très anciens et nécessitent donc d'importants travaux, nous avons déposé un dossier Ad'Ap (agenda d'accessibilité programmé) patrimoine en 2015 et avons neuf ans pour en réaliser l'intégralité.
 
H.fr : En est-il de même pour d'autres types de handicap (visuel ou auditif) ?
MR : Très peu de jeunes concernés par ce type de handicap viennent vers nous. Mais, lorsque c'est le cas, nous nous adaptons. Nous accueillons, par exemple, une jeune fille déficiente auditive, en pâtisserie, qui communique essentiellement en langue des signes française. Une adaptation a donc été effectuée au niveau des formateurs et, en parallèle, elle a fait découvrir la LSF à ses camarades.
 
H.fr : Quelle est votre politique en matière de handicap ?
MR : Nous avons une démarche de prise en compte du handicap puisque nous continuons de former nos formateurs, ainsi que le personnel en relation avec les familles, à l'accueil, l'accompagnement et l'adaptation des formations. Nos responsables de formation, qui faisaient déjà le lien entre la famille, le centre de formation, l'entreprise ou encore l'Agefiph ont aujourd'hui évolué en référents handicap.

H.fr : Combien d'apprentis en situation de handicap accueillez-vous ?
MR : C'est très compliqué de faire un recensement complet, notamment parce que certains ne révèlent pas leur handicap. Par ailleurs, nous sommes aussi confrontés à certains parents qui n'ont pas pris la mesure des difficultés de leur enfant et n'ont donc pas fait les démarches nécessaires. Nous nous rendons compte de leurs difficultés, notamment pour ceux ayant des troubles « dys », lors des premiers cours, et accompagnons les familles à obtenir un diagnostic afin de bénéficier d'un accompagnement adapté.

H.fr : Avez-vous le sentiment que certains jeunes s'autocensurent et redoutent de solliciter cette maison prestigieuse ?
MR : Non, nous accueillons d'ailleurs de plus en plus de jeunes avec des troubles « dys ». Nous adaptons nos cours et travaillons avec des associations spécialisées pour les accompagner au mieux dans le cadre de leur formation mais aussi concernant l'hébergement. Nous accueillons également plusieurs jeunes en situation de handicap psychique et sommes en relation avec leurs médecins et leur famille.

H.fr : Et des apprentis en situation de handicap mental ?
MR : Non. Enfin, tout dépend de ce que l'on appelle « déficience mentale »... Certains ont des déficiences très légères ; nous les accompagnons, a minima, dans l'obtention de leur CAP afin qu'ils puissent ensuite être manœuvre dans l'entreprise.

H.fr : Comment intègre-t-on les Compagnons du devoir ? Via un concours d'entrée ?
MR : Ce n'est pas un concours, c'est plus un entretien basé sur la motivation du jeune. En parallèle, nous faisons un point sur ses connaissances, essentiel pour adapter au mieux sa formation et pour s'assurer qu'il pourra la suivre et la comprendre.

H.fr : A partir de quel âge peuvent-ils se présenter ?
MR : Il faut avoir minimum 15 ans pour effectuer un contrat d'apprentissage. Des conventions scolaires sont également possibles à partir de 14 ans mais ceux qui y prétendent n'ont ni contrat ni salaire et ne pourront pas être hébergés au sein d'une maison de compagnon avant 15 ans. En général, à cet âge-là, les jeunes n'ont pas encore de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

H.fr : Depuis janvier 2019, chaque CFA a l'obligation de nommer un référent handicap (article en lien ci-dessous). Est-ce le cas au sein des vôtres ?
MR : Nos CFA en région disposent de référents handicaps. La loi nous donne la possibilité d'avoir des référents régionaux qui ont ensuite des relais dans chacune de nos maisons. Compte-tenu de la taille de chaque CFA, ce n'est pas toujours facile d'en avoir un par centre de formation.

H.fr : Vers qui doit se tourner un jeune en situation de handicap qui souhaite intégrer l'un de vos CFA ?
MR : Nous conseillons à chaque jeune de se rendre aux journées portes-ouvertes -les prochaines auront lieu les 17, 18 et 19 janvier 2020, puis les 13 et 14 mars, dans toute la France- pour découvrir les différentes maisons et les métiers proposés et échanger avec les prévôts (directeurs des maisons) mais aussi les autres jeunes. Ils peuvent également consulter notre site Internet.

H.fr : Comment expliquez-vous le fait qu'il n'y ait aucune rubrique dédiée aux jeunes en situation de handicap sur votre site ?
MR : Jusqu'à présent, les jeunes venaient d'eux-mêmes vers nous et nous n'avons pas voulu mettre l'accent sur un profil en particulier. Par contre, nous travaillons sur nos documents afin d'accompagner les familles à déclarer les difficultés de leur enfant, notamment avec un système de cases à cocher.

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