PCH : des avancées enfin votées par le parlement

Ce combat durait depuis 15 ans. Un texte voté par le Parlement le 26 février va améliorer les contours de la prestation de compensation du handicap. Limite d'âge, reste à charge... Un bon début mais il faut aller plus loin selon les associations.

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Du mieux pour améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap ? Peut-être ! Les sénateurs (trop peu, l'hémicycle étant presque vide) ont en effet voté à l'unanimité ce 26 février 2020 une proposition de loi portée par le sénateur LR Mouiller apportant plusieurs avancées (en lien ci-dessous). Elle est adoptée en 2ème lecture en l'état, après le vote favorable de l'Assemblée nationale, ce qui clôture les allers-retours entre les parlements et permet son entrée en vigueur. Enfin ? En effet, les contours de la PCH adulte n'ayant pas évolué depuis 2005, cette loi répond, partiellement, à 15 ans de combat des associations. La rénovation de la PCH était l'un des 5 chantiers prioritaires de la Conférence nationale du handicap (CNH), qui s'est achevée le 11 février 2020 à l'Elysée en présence d'Emmanuel Macron (article en lien ci-dessous).

Rappelons que 370 000 personnes sont titulaires de cette prestation créée par la loi de 2005 qui permet la prise en charge de certaines dépenses liées au handicap (aides humaines en majorité mais également techniques comme l'aménagement du logement ou du véhicule, les frais de transport). Elle représente un coût global de 2,2 milliards d'euros en 2019.

Quelles nouvelles dispositions ?

Dans cette nouvelle loi figurent quatre dispositions (article complet en lien ci-dessous). L'article 1er supprime la limite d'âge, aujourd'hui fixée à 75 ans, au-delà de laquelle il n'est plus possible de demander la PCH -jusqu'à maintenant, les demandeurs devaient être âgés de moins de 60 ans mais, si le handicap a été reconnu avant cet âge, la limite était repoussée à 75 ans-. Une disposition qui concerne autour de 10 000 personnes selon la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel. L'article 3 prévoit l'attribution à vie de la PCH dès lors que le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. « Le corollaire de cette simplification, c'est qu'il ne faudrait pas non plus que les MDPH laissent les bénéficiaires à leur sort, modère Malika Boubekeur, conseillère nationale compensation pour APF France handicap. Un suivi actif demeure nécessaire. »

L'article 4 prévoit la création d'un comité stratégique qui aura pour vocation de proposer des solutions nouvelles pour les modes de transport des personnes handicapées, avec l'objectif de simplifier et d'harmoniser ce maquis d'intervenants : le département pour le transport scolaire, l'Assurance maladie pour le sanitaire, les transports en commun, la dotation de certains établissements pour le transport adapté…

Des fonds de compensation enfin opérationnels ?

Quant à l'article 2, il vise à concilier l'obligation de réduction du reste à charge des personnes en situation de handicap avec les ressources des fonds départementaux de compensation. Rappelons que les FDC, un par département, ont été créés en vue de financer les frais liés à la compensation des diverses situations de handicap afin que les bénéficiaires ne supportent pas un reste à charge supérieur à 10 % de leurs ressources nettes d'impôts. Or selon les départements, ces fonds n'étaient pas suffisamment et ne parvenaient pas à remplir leurs objectifs. « Ce texte, qui répond à un engagement de Sophie Cluzel, va enfin pouvoir permettre la parution du décret attendue depuis des années », se félicite Malika Boubekeur. Un bémol, tout de même : un terme précise « dans la limite des fonds disponibles », qui risque, selon elle, de « limiter les contributions des co-contributeurs (Etat, départements, CAF, CPAM, CNSA, Agefiph…) ». Comment garantir leur capacité financière pour alimenter ces fonds ?

Un lissage sur 6 mois

Par ailleurs, le conseil départemental n'aura plus le droit de contrôler l'utilisation de la PCH sur une période de référence inférieure à six mois (contre un mois jusqu'à maintenant), permettant aux bénéficiaires de consommer leur aide humaine comme ils l'entendent, d'un mois sur l'autre. Par exemple, une personne disposant de 100 heures mensuelles pourra n'utiliser que 80 heures en janvier et reporter son solde de 20 heures sur un autre mois, dans un délai de six mois maximum. « C'est une très bonne chose car des contrôles intrusifs obligeaient trop souvent des bénéficiaires à devoir rembourser de fortes sommes mais nous aurions aimé que ce lissage se fasse plutôt sur une période d'un an », regrette Malika Boubekeur.

Une nouvelle aide à la parentalité

En parallèle de ce projet de loi, le gouvernement s'est engagé lors de la CNH à ce que les « besoins attachés à la parentalité » soient « intégrés en 2021 dans la PCH, avec un plan d'aide gradué selon les besoins ». En d'autres termes, cette annonce permet d'accorder l'assistance d'un tiers aux parents en situation de handicap afin de les accompagner dans les tâches quotidiennes auprès de leur jeune enfant : le changer, l'emmener à l'école, préparer ses repas… Pour ce public, les aides techniques étaient déjà couvertes mais pas les aides humaines. « Il s'agit d'éviter que des personnes renoncent à devenir parents en raison de leur handicap », a déclaré Emmanuel Macron lors de la CNH. 184 millions d'euros seront débloqués par le gouvernement, « et non les départements », précise ce dernier, d'ici 2022, pour financer ce nouveau droit. Pour autant, cette aide n'est accordée que jusqu'aux 7 ans de l'enfant, une limite jugée « discriminatoire ». « Après, qui prend le relais ?, interroge Malika Boubekeur. A 7 ans, un enfant n'est pas autonome. » Le président a également annoncé une aide à l'alimentation afin d'élargir le périmètre de la présence humaine autour du repas qui devra désormais intégrer dans son contenu les courses, la préparation et la vaisselle, et non plus seulement le fait de « donner à manger ». Pour APF France handicap, cette disposition mettra fin à une situation « incohérente » qui « mettait les usagers en grande difficulté puisqu'il fallait faire appel à une autre personne ». Dans un « esprit de cohérence », l'association réclame un élargissement à toutes les tâches ménagères, sans qu'il n'y ait, selon elle « de promesse des pouvoirs publics à court terme ».

Encore du boulot…

Face à la mobilisation conjuguée des parlementaires et de l'Etat, les associations ont salué « une nouvelle avancée en faveur des personnes handicapées et de leur famille » mais ont souligné « l'ampleur des défis restant à relever » en matière de PCH. Quelques exemples ? Le fait que ses tarifs et plafonds ne sont pas revalorisés depuis 2006 et occasionnent toujours de lourds restes à charge ; « C'est précisément cette situation qui oblige les personnes à solliciter les fonds départementaux de compensation », précise Malika Boubekeur. Les associations entendent également continuer à militer pour faire sauter la barrière d'âge de 60 ans -lorsque le handicap survient après cet âge, la compensation est traitée au titre du vieillissement avec des conditions moins favorables-. Par ailleurs, les assistants de communication pour les personnes aphasiques n'entrent pas dans le périmètre de la PCH tandis que trop de handicaps en restent exclus. Dans ce contexte, le gouvernement a annoncé le lancement de travaux pour une « adaptation effective de la PCH au handicap psychique et aux troubles du neuro-développement ». Ils seront portés par Denis Leguay, président de Santé Mentale France, avec l'appui de trois experts (handicap psychique, troubles du neuro-développement et autisme). Des propositions seront faites d'ici mi-2021. Enfin, ils sont nombreux à déplorer « l'absence de véritable PCH pour les enfants » ; un travail spécifique concernant l'adaptation du droit à compensation du handicap pour les enfants doit être mené par le comité stratégique dédié au transport.

Et maintenant ?

Pour conclure, selon Malika Boubekeur, « le texte voté aujourd'hui au Sénat n'est pas totalement abouti » mais elle tient à saluer ce gouvernement qui a « eu le courage de mettre la question de la compensation à l'ordre du jour, ce qui n'avait jamais été fait depuis 2006 ». Prochaine étape pour cette loi toute fraîche, la parution des décrets d'application, qui, selon elle, « ne devrait pas prendre trop de temps puisque ces mesures sont soutenues par le gouvernement et concertées avec les départements et ont fait l'objet d'une grosse communication lors de la CNH ». Courant 2020, donc ?

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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