Iyad, autiste palestinien, tué par la police vers son école

Autiste, Iyad Hallak traversait chaque jour sous le regard des policiers israéliens la Porte des Lions pour se rendre à son école dans la Vieille ville de Jérusalem. Mais, le 30 mai, il a été tué par la police. Les Palestiniens ne décolèrent pas.

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DERNIERE MINUTE DU 6 JUILLET 2023
Le policier qui lui avait tiré dessus, dont le nom n'a jamais été publié, a été acquitté de l'accusation d'homicide involontaire par le tribunal de district de Jérusalem. Il "a commis une erreur de bonne foi en pensant qu'il avait affaire à un terroriste armé qui représentait un réel danger", a estimé le tribunal dans son jugement rendu et publié le 6 juillet 2023, notant que l'accusé avait exprimé des "remords". "Mon fils est désormais dans sa tombe et son meurtrier est relâché, libéré, et va prendre du bon temps, tout cela est particulièrement injuste", a déclaré à l'AFP la mère d'Iyad Hallak, Rana Hallak, sans préciser si la famille comptait faire appel du jugement auprès de la Cour suprême israélienne, comme elle en a la possibilité. 

ARTICLE INITIAL DU 2 JUIN 2020
Par Guillaume Lavallée


Samedi 30 mai, quartier de Wadi el-Joz, dans le vallon sous le Mont des Oliviers, à Jérusalem-Est. Iyad Hallak, garçon "poli", amateur de jardinage et collectionneur de parfums selon son oncle Oussama, boit le thé préparé par sa mère et se rend avec sa maîtresse à l'école Elwyn Al-Quds, sise au pied de l'esplanade des Mosquées.

Le mental d'un enfant de huit ans

Grand, fort d'épaules, les cheveux marron, Iyad Hallak en impose physiquement. Mais l'homme de 32 ans a aussi l'âge mental d'un enfant de huit. Depuis six ans, Iyad fréquente cette école de Jérusalem qui s'occupe des personnes avec des handicaps congénitaux. Iyad adore l'école et, au plus fort de la crise du nouveau coronavirus, il souffrait de ne pouvoir s'y rendre, affirment des proches à l'AFP. La maison familiale est située à une dizaine de minutes de marche de l'école, juste derrière la Vieille ville. Puisque Iyad est autiste, sa mère, Rana, l'a accompagné pendant des années. Ces derniers mois, la famille lui a toutefois appris à se rendre seul à l'école. "Je surveillais toujours où il était, on se contactait sur WhatsApp", souffle sa mère, voile noir du deuil, silhouette frêle et mains tremblotantes. Ce samedi matin, une enseignante a fait le trajet avec Iyad. Mais, une fois à la "Porte des Lions", arche de pierre ocre et sable nommée "Bab al-Asbatt" en arabe et "Shaar HaArayot" en hébreu, la situation a dégénéré.

Un téléphone, pas une arme

Iyad allait piocher son téléphone dans sa poche. Des policiers ont cru qu'il sortait une arme, d'autant que les attaques sont relativement courantes envers les forces israéliennes. Selon un communiqué de la police, des membres des forces de l'ordre ont "sommé" Iyad de stopper son geste, puis "commencé à le poursuivre à pied". "Durant cette poursuite, des officiers ont ouvert le feu sur le suspect", selon la même source. "Son enseignante a dit aux policiers qu'il était handicapé et leur a demandé de vérifier son identité, mais ils l'ont gardée à l'écart et (...) ont tiré", affirme de son côté le père d'Iyad, Kheiri, qui a perdu son seul fils. Le trentenaire a été tué de deux balles, selon la famille, qui a récupéré le corps après autopsie. Comment la police des frontières israéliennes, qui contrôle l'accès à la Vieille ville, a-t-elle pu tirer sur cet homme autiste qui passait là chaque jour?, s'interroge la famille.

Le tireur en danger ?

Le tireur, recruté récemment dans l'unité, "se croyait en réel danger", selon son avocat. Mais Iyad n'était pas armé. La famille, elle, veut voir les images, d'autant que la Vieille ville est quadrillée de caméras de surveillance. "Chaque colonne a trois caméras, si un moustique est passé, ils savent qu'il est passé. Pourquoi ne diffusent-ils pas ces images ?", lance le père, cheveux ras poivre et sel et yeux verts humides. Mais les images pourraient être explosives d'autant qu'elles se télescopent avec celles au loin de George Floyd, un homme noir non armé, tué la semaine dernière par un policier à Minneapolis, prélude à des manifestations à travers les Etats-Unis.

"La vie des Palestiniens compte"

A Jérusalem-Est, territoire occupé et annexé par Israël depuis 1967, des milliers de personnes ont pris la rue pour les funérailles tard le 31 mai d'Iyad Hallak. Le président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé un "crime de guerre" et une "exécution". Le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a offert ses "condoléances" à la famille et dit pousser pour une enquête "rapide". Sur les réseaux sociaux arabes, le hashtag #PalestinianLivesMatter ("La vie des Palestiniens compte") croise #Blacklivesmatter, mouvement et cri de ralliement antiraciste aux Etats-Unis. Dans le cas d'Iyad, "c'est de l'occupation, pas de la discrimination raciale", dit à l'AFP Ayman Odeh, chef de la "Liste unie" des partis arabes israéliens. Au bout de la rue étroite de la famille Hallak, deux tentes colorées -une pour les hommes, une pour les femmes-  ont été plantées pour ce deuil à l'heure étrange du Covid-19, avec des bouteilles de gel hydro-alcoolique disposées sur des tables basses.

La colère de la population

Comme les leaders palestiniens ne peuvent accéder à Jérusalem, ce sont ceux de la "Liste unie" qui ont présenté de visu, la mine basse, leur condoléance à la famille. "Le martyr d'Iyad n'a fait qu'augmenter le niveau de colère de la population", lance M. Odeh. Les prochaines semaines pourraient s'avérer critiques, le nouveau gouvernement israélien devant présenter à partir du 1er juillet sa stratégie pour mettre en oeuvre le plan de l'administration Trump pour le Proche-Orient qui prévoit l'annexion de pans de la Cisjordanie occupée. Des manifestations étaient prévues contre ce projet en Israël, mais "le meurtre d'Iyad sera au coeur" des prochains rassemblements, souligne un cadre de la liste arabe. La colère ne va pas redonner leur fils à la famille Hallaq.

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