Elitsa Storey, des orphelinats bulgares aux Jeux para

Née en Bulgarie, Elitsa Storey a connu les foyers bulgares avant d'être adoptée aux Etats-Unis. Cette athlète paralympique de ski déplore la situation inacceptable de certains établissements pour enfants handicapés dans son pays d'origine.

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Par Vessela Sergueva

Elitsa Storey se demande souvent quelle vie elle aurait eu si elle était restée dans un foyer pour enfants handicapés en Bulgarie. Adoptée aux États-Unis et devenue athlète paralympique de ski alpin, elle mesure le chemin parcouru. "Ma jambe gauche était plus courte, je n'avais ni genou ni cheville", raconte à l'AFP, cette sereine jeune femme de 33 ans, dans un entretien par visioconférence depuis la Nouvelle-Zélande, où elle s'est installée. En 1987, ses parents acceptent de la placer dans un "orphelinat", une pratique courante instaurée par les communistes en Bulgarie. Elle subit deux opérations, sans amélioration. "Je ne faisais que ramper et sauter sur un pied", dit-elle. Mais sa vie change du tout au tout avec l'ouverture de l'adoption internationale après la chute du régime. En 1992, à l'âge de cinq ans, une famille aimante lui tend les bras de l'autre côté de l'Atlantique. Son destin est en marche.

Vivre sa vie

En Amérique, les médecins sont formels : si Elitsa veut mettre un pied devant l'autre, il faut remplacer sa jambe atrophiée par une prothèse. Une fois équipée, la fillette se déplace habilement et suivra vite ses trois frères et sa soeur sur les pistes de ski ! Un miracle, au point de pouvoir porter la flamme aux Jeux paralympiques de Salt Lake City dès 2002, puis de participer à Turin quatre ans plus tard et à Vancouver en 2010 en tant qu'athlète. "J'adorais être active, j'ai toujours eu l'esprit de compétition", sourit-elle. A 15 ans, l'adolescente rayonnante y rencontre celui qui deviendra son mari, le futur double médaillé d'or néo-zélandais Adam Hall, qu'elle suivra plus tard à l'autre bout du monde. "Adam et moi (...), nous allons de l'avant et vivons notre vie", témoigne Elitsa, qui s'occupe désormais de personnes atteintes de démence sénile. En 2018, alors qu'elle est enceinte de son premier enfant, elle décide d'affronter son passé dans le nord-est de la Bulgarie.

Le scandale bulgare

Elle retrouve une partie de sa famille et l'un de ses orphelinats désormais remplacé par un centre à taille humaine. Longtemps, les Bulgares ont continué d'abandonner massivement leurs enfants handicapés ou issus de familles pauvres. Selon l'Unicef, leur pays était en 2012 celui d'Europe de l'Est comptant le plus d'enfants de moins de 3 ans placés : 780 pour 100 000. Après des cas de décès et de maltraitances, les gigantesques foyers ont aujourd'hui quasiment tous fermé, sous la pression de l'ONU et de l'Union européenne. Les milliers de mineurs qui y séjournaient ont été transférés dans des lieux de petite taille, comme Stanislav (prénom modifié), rencontré par l'AFP. Abandonné dans un institut épinglé par la BBC en 2007 pour ses pratiques barbares, il n'a jamais trouvé de famille hors des frontières pour lui venir en aide. Désormais âgé de 25 ans, ce rescapé dispose au moins d'un personnel aux petits soins à Sofia et retrouve peu à peu le goût à la vie. "Il n'a plus de crises d'épilepsie", se félicite la directrice de son nouvel établissement, Galina Yotova. Dans les anciens orphelinats, "il n'aurait probablement pas atteint" son âge actuel, estime-t-elle.

"Coups de bâton"

Si des progrès existent, le Comité Helsinki a déploré en 2019 un "transfert des formes les plus inhumaines et inacceptables de violence institutionnelle" dans certaines des structures récentes (article en lien ci-dessous). "Des jeunes souffrant de handicap physique sont encore souvent confondus avec ceux atteints de troubles psychiques", faute de personnel qualifié pour poser correctement les diagnostics, explique Vessela Banova. Cette psychologue a développé un réseau d'accueil nommé "Child and space", inspiré d'une expérience française. Quant aux centres réservés aux adultes, où Stanislav est censé aller à l'âge de 35 ans, aucune avancée n'a été constatée, selon le Conseil de l'Europe. L'un de ses rapports évoque des "insultes" de la part du personnel, "des coups de poing et de bâton". La Bulgarie s'est engagée à fermer dès cette année les trois établissements les plus critiqués. Ils devront tous avoir disparu d'ici 2035. "Je pense au quotidien à ce que je serais devenue" si j'étais restée en Bulgarie, confie Elitsa, qui remercie sa bonne étoile.

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