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Politique du handicap : l'ONU ne ménage pas la France

A la suite de l'audition de la France en août 2021, l'ONU rend son verdict sur sa politique menée en faveur de personnes handicapées. Vingt pages de recommandations sans concessions qui poussent à métamorphoser notre système.

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Que dit l'ONU de la politique handicap menée par la France ? Après avoir auditionné la délégation française du 18 au 23 août 2021 (article en lien ci-dessous), le Comité des droits des personnes handicapées a rendu ses conclusions le 14 septembre. Ce document d'une vingtaine de pages n'est, pour le moment, disponible qu'en anglais sur le site de l'ONU (handicap.fr propose néanmoins une traduction complète en français dans le lien ci-dessous).

Des points positifs mais…

En introduction, le comité dit avoir apprécié « le dialogue fructueux et sincère » avec une délégation « diversifiée et multisectorielle », qui comprenait les représentants des ministères concernés mais également la présence du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des Droits de l'homme. Il se félicite également des mesures prises par l'Etat pour mettre en œuvre la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) depuis sa ratification en 2010. Il dresse tout d'abord une -courte- liste des « aspects positifs », félicitant le gouvernement pour différentes mesures prises récemment. Par exemple l'interdiction des « punitions dans tous les contextes », la publication de données sur l'accessibilité des transports, le décret en faveur d'une république numérique avec des sanctions à la clé, le droit de vote pour tous, la nomination de hauts fonctionnaires dédiés au handicap ou encore l'adoption de différentes stratégies en faveur de l'emploi, de la santé sexuelle, des maladies rares ou des troubles du neurodéveloppement… Brève éclaircie avant que l'orage n'éclate car c'est après que les choses se gâtent.

18 pages de recommandations

Ces hommages ne tiennent que sur une demi-page, les 18 restantes déroulant une longue liste de « recommandations » qui font écho aux critiques déjà acerbes et sans ménagements formulées par les membres du comité lors de l'audition d'août. Elles concernent chacun des articles de la Convention, de 1 à 33, sur lesquels avait été minutieusement interrogée notre délégation. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ce rapport n'y va pas de main morte, déplorant en préambule « une législation et des politiques publiques fondées sur le modèle médical et des approches paternalistes du handicap », égratignant au passage notre loi de 2005 pourtant considérée comme un modèle du genre qui « met l'accent sur l'incapacité des personnes handicapées et fait de l'institutionnalisation la norme ». L'ONU invite donc la France à se mettre en conformité avec la CIDPH, en respectant un modèle fondé sur les droits de l'Homme.

Des carences tous azimuts

L'ONU se dit également « préoccupé » par la confusion entre les associations de prestataires et gestionnaires avec celles de personnes handicapées, ce qui entraîne des conflits d'intérêts dans la prestation de services et les obstacles pour passer efficacement des « soins médico-institutionnels » à une vie autonome au cœur de la société. Le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) est, lui aussi, critiqué au motif qu'il n'accorde pas assez de places aux personnes handicapées autoreprésentées. En réponse, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, demande au Conseil de lui « faire des propositions pour améliorer la représentation et de la participation des personnes en son sein ». 

D'autres carences, tous azimuts, sont égrainées, concernant les stéréotypes négatifs dont souffre ce public, le manque d'accessibilité des transports ou de la télévision, les mesures de protection juridique (tutelle, curatelle) trop contraignantes, la difficulté d'accès à la justice. Il encourage à renoncer également à la loi de 2018 qui a réduit le nombre de logements accessibles, incite à renforcer les mesures pour prévenir le suicide des personnes avec autisme ou un handicap psychique. Il passe aussi en revue les conséquences « disproportionnées » de la crise du Covid-19 sur les personnes handicapées et appelle à prendre des « mesures d'urgence ».

Violence et désinstitutionalisation

La violence envers les personnes vulnérables, notamment au sein des institutions, est inscrite au cœur des priorités ; le comité encourage la France à mettre en place des « mécanismes de signalement des actes cruels, inhumains ou dégradants » et propose d'interdire la stérilisation et l'avortement non consentis des femmes handicapées. Son leitmotiv déjà depuis des années, la désinstitutionalisation, est poussée à son paroxysme puisqu'il entend « mettre fin au placement en institution des enfants et des adultes handicapés, y compris dans les maisons d'habitation de petite taille » au moment même où le gouvernement affiche de grandes ambitions pour promouvoir l'habitat inclusif (article en lien ci-dessous). L'ONU adhère également à une revendication dans l'air du temps, la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'Allocation adulte handicapé (AAH), qui mobilise ses partisans le 16 septembre dans toute la France (article en lien ci-dessous).



Quelques erreurs malgré tout

Au total, les 33 articles de la Convention sont passés au crible, sans demi-mesure ni indulgence, comme un électrochoc pour réveiller le pays des Droits de l'Homme et l'inciter à être à la hauteur de sa réputation et des moyens, non négligeables, dédiés. Le budget annuel consacré au handicap en France est en effet de 51 milliards d'euros, soit 2,2% de la richesse produite chaque année, se positionnant au 3ème rang européen, derrière la Suède et le Danemark. Pour autant, ce rapport sans concession, aussi bien envers les gouvernements successifs que les associations gestionnaires, comporte quelques erreurs et fait l'impasse sur les réponses apportées par la délégation française (lien vers les trois auditions en fin d'article) qui permettaient, tout de même, d'apporter un éclairage moins alarmiste. 

Et maintenant ?

Ces observations finales ne sont que des « recommandations » et, malgré leur sévérité, le Comité se contente de « prier » l'Etat et les députés de les « mettre en œuvre », en « associant » la société civile et les associations de personnes handicapées, et de les diffuser « à grande échelle », y compris en Langue des signes française (LSF). La France devra remettre ses prochains rapports d'étape (de 2 à 5) avant mars 2028, en y incluant un bilan des progrès sur la mise en œuvre des recommandations formulées. En réponse à ce rapport, le gouvernement réaffirme  « sa pleine mobilisation pour garantir l'accès aux droits des personnes handicapées » et dit « partager la volonté du comité de changer le regard de la société sur le handicap ». Dans un long communiqué, le secrétariat au Handicap répond à certains des points soulevés (en lien ci-dessous). Les réactions des associations sont maintenant attendues...



* Discours et réponses de la délégation Française lors des auditions d'août 2021
• 1ère audition  https://media.un.org/en/asset/k1b/k1bv5fepmw
• 2ème audition https://media.un.org/en/asset/k14/k14eaz3csx
• 3ème audition https://media.un.org/en/asset/k10/k10ggfoem0

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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