Nicolas a « le sentiment de faire une pub pour le handicap. C'est chouette d'être un objet de consommation qui a du sens ! ». Nicolas, c'est Bissardon ! Notre Bissardon, collaborateur emblématique de handicap.fr. Et puis, il y a Marie aussi. Marie Decker. Ils ont osé se mettre à nu, non pas en dépit de leur handicap mais grâce à leur handicap. Et de la grâce il y en a dans ces images. Celles de « Miroir de mon âme », un film documentaire réalisé par Deza Nguembock, directrice de l'agence E&H Lab (Esthétique et Handicap Lab). Ce film dure 52 minutes. 52 minutes, scotché dans votre siège. Drôle de miroir déformant, sans lunettes, sans 3D, sans effets spéciaux. On y découvre leur corps, leur pudeur, leurs états d'âmes. On y découvre nos peurs, nos projections, nos interrogations...
Les questions qu'on n'ose poser
Deza, sexy dans sa robe rouge moulante croque le fruit défendu. Marie, magnifique, se glisse dans une robe de mariée. Handicapés et pourtant capables de faire rêver ! 52 minutes pour évoquer le désir, la sexualité, le quotidien... Comment Nicolas arrive-t-il à attraper sa tasse de café ou à taper sur son clavier alors qu'il n'a pas de bras ? Comment la première grossesse de Marie a-t-elle provoqué un immense cataclysme dans sa famille (elle a aujourd'hui quatre filles !) ?
Un regard sans malaise
Des spectacles comme celui-là sont rares. « Un documentaire novateur et nécessaire, pour que demain, il n'y ait plus de malaise à regarder une personne handicapée, explique Deza. » Ce film (dont on peut voir la bande annonce sur le lien ci-dessous) a pour objectif de contribuer à modifier notre perception en montrant que le regard porté sur les personnes en situation de handicap est, parfois, plus lourd à supporter que le handicap lui-même. Deza en a conscience. Son projet est avant-gardiste. L'image parle d'elle-même, pas besoin de mots. Mais nos yeux sont-ils prêts à regarder la différence en face, sur grand écran ?
Un succès naissant
Pour le moment, « Miroir de mon âme » suit son petit bonhomme de chemin. Il est présenté dans de nombreux festivals, à Marseille, à Amiens, à Londres, à Cracovie et même à Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Les acheteurs, des chaînes de télé, sont présents mais pas toujours au rendez-vous. Quelques chaînes s'y intéressent mais rien n'est encore signé. Ce film a du sens. Il séduit, il plaît. En 2011, il reçoit le prix de la fondation d'entreprises Banque populaire. En juin 2012, le prix d'Architecte du futur à Vienne. Une version courte de 26 minutes est également disponible, destinée à être diffusée au sein des entreprises. Suez est conquis. « Ce film répond à une question taboue essentielle que n'osent pas se poser les personnes qui ne sont pas handicapées, explique David Herz, chargé de mission chez Nayan. Donc, outre l'esthétique, ce film est intelligent et fait un boulot de sensibilisation assez extraordinaire ». 52 minutes pour réveiller le monde, moins d'une heure pour de grands desseins...
« Cette initiative est unique au monde, se félicite Deza. Et même aux Etats-Unis ou au Canada, où la discrimination semble moins présente, il n'existe aucun concept sur l'image de la personne handicapée aussi étonnant que le mien.» Le 22 mars 2012, E&H Lab ouvrait officiellement ses portes. Un espace moderne et vivant, aux portes de Paris, à Gentilly. Projeté sur les murs blancs : « Miroir de mon âme, » un film documentaire réalisé par Deza. Grande femme, femme immense, qui, décidemment, ne ménage pas ses talents.