La vie sexuelle et affective des personnes déficientes mentales : une réalité trop souvent niée

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J.L Lang* qui a étudié l'évolution des idées concernant la sexualité des personnes handicapées mentales montre qu'une première époque dominée par une idéologie du contrôle et de l'interdiction vise à réprimer les expressions sexuelles (années 50 et 60). Puis au début des années 70, on commence à reconnaître les personnes handicapées mentales comme des êtres sexués qui ont droit à une vie sexuelle, mais uniquement sous certaines conditions. Enfin, une troisième époque débute au cours des années 80 avec l'analyse des représentations que l'entourage (famille, professionnels, société) peut avoir de la sexualité des personnes handicapées mentales avec notamment la parution de l'ouvrage [BI]l'Ange et la Bête[EI] publié par le CTNERHI. Si l'entourage s'interroge encore aujourd'hui sur l'attitude à adopter vis à vis des personnes handicapées qui manifestent l'envie d'une vie sexuelle et affective, une enquête réalisée en 1997 par Delville, Collignon et Mercier* montre que les personnes déficientes mentales ont des souhaits proches de ceux qu'exprime la majorité d'entre nous. Les personnes interrogées accordent une importance aux amitiés avec une personne de même sexe et une grande majorité pense qu'avoir un ami de l'autre sexe est également important. Par ailleurs, la majorité déclare que la vie en couple est importante et presque la moitié exprime un désir d'enfant. Pourtant reconnaître que la personne handicapée mentale, quel que soit le degré de sa déficience, a le désir d'aimer et d'être aimé n'empêche pas qu'il est difficile pour les parents de parler du comportement sexuel de leur enfant déficient mental qu'ils préfèrent dans bien des cas passer sous silence voire même interdire par crainte d'une éventuelle procréation. Rappelons que dès son plus jeune âge, l'enfant handicapé mental occupe une place à part dans la famille et la société. Surprotégé, parfois même inscrit dans une relation fusionnelle avec l'un de ses parents, son développement affectivo-sexuel est perturbé. Il fait l'objet d'un accompagnement constant par sa famille et l'institution spécialisée jusqu'à l'âge adulte, les relations sociales avec le reste de la société, les moments d'intimité et l'accès à l'information sont limités. Ainsi, l'adulte handicapé mental privé d'éducation sexuelle, aura peu ou pas du tout abordé les questions essentielles liées à la sexualité (contraception, prévention, désir d'une vie de couple ou d'enfant) avec son entourage. Considéré davantage par ses incapacités que son potentiel, on n'a pas envisagé pour lui la possibilité d'une vie amoureuse et affective car la croyance erronée que les personnes handicapées mentales sont encore mentalement mais aussi sexuellement des enfants reste dominante. Pourtant dans un contexte de risques liés aux maladies sexuellement transmissibles, il est important de dépasser cette vision négative qui conduit à des réactions et comportements inadaptés et à manque cruel d'information et de formation. Les études menées montrent qu'il est souhaitable d'accompagner l'adulte déficient mental qui connaît quelques difficultés à appréhender son corps et son fonctionnement organique et sexuel. Il est donc nécessaire de poser un nouveau regard sur la sexualité de la personne handicapée et de réfléchir sur la possibilité de proposer une information individualisée et adaptée à l'âge et aux capacités de compréhension de la personne pour un meilleur épanouissement. *J.L Lang, Note sur l'évolution des idées concernant la sexualité des handicapés mentaux, [BI]Neuropsychiatrie de l'enfance[EI], 1992, 40(2), pp. 59-65. *Collignon, Delville, Mercier (1997). Education pour la santé, handicap mental : analyse de l'image du corps et de son fonctionnement, [BI]in Sexualité, vie affective et déficience mentale[EI].
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