Accès aux aides techniques : du mieux pour les usagers?

Un nouveau rapport entend faciliter l'accès, complexe et insuffisant, aux aides techniques des personnes dépendantes. Des avancées sont à saluer mais certaines mesures inquiètent : la restriction de l'offre et le recours à des produits de 2e main.

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De nouvelles perspectives encourageantes pour les aides techniques (fauteuil roulant, lit médicalisé, planches de transfert…) dédiées aux personnes âgées ou handicapées ? Un rapport a été remis au gouvernement le 29 octobre 2020 (en lien ci-dessous). Rédigé par le Dr Philippe Denormandie et Cécile Chevalier (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie-CNSA), il annonce « une réforme structurelle indispensable ».

Des réponses concrètes

Leurs recommandations se veulent « concrètes » pour parer aux « difficultés trop souvent rencontrées par les personnes ». Par exemple un manque d'accès à l'information sur les aides techniques, tant pour les personnes et leurs aidants que pour les prescripteurs eux-mêmes, mais aussi un circuit administratif complexe, inégalitaire et long. Les dispositifs de prise de charge sont également « peu lisibles, inégaux, complexes et, dans certains cas, insuffisants, conduisant à des restes à charge notamment sur les aides techniques innovantes ou spécifiques, avec des disparités départementales », constate, elle aussi, la Fedepsad (fédération des prestataires de santé à domicile). Enfin, un déficit d'évaluation et d'échanges entre professionnels de la prise en charge est également à déplorer.

Ce rapport offre donc plusieurs pistes : améliorer le recours aux aides techniques à travers un accompagnement renforcé des personnes et des professionnels de santé, améliorer leur financement et baisser les restes à charge, renforcer la qualité du service rendu par les fabricants et les distributeurs, faire évoluer la gouvernance de ces politiques publiques et, enfin, stimuler la recherche et l'innovation. « Ce rapport reconnaît enfin le rôle central des aides techniques dans l'émancipation des personnes et n'en fait plus qu'un simple axe de dépenses », se félicite les PSAD.

Des mesures dans le bon sens…

APF France handicap dit « saluer » cette analyse « très attendue » sur un « sujet majeur » qui « reprend en grande partie (ses) préconisations de longue date ». Les propositions qui, selon elle, « vont dans le bon sens » ? Le respect de l'expertise des personnes, une cartographie de l'offre existante pour l'accompagnement sur les aides techniques et la mise en place de centres ressources au niveau régional et national. L'association se félicite également du renforcement du rôle de la CNSA dans le pilotage national des politiques d'aides techniques et la mise en place d'un pilotage départemental. Autre point positif : l'amélioration de la prise en charge des aides techniques à la communication dans le cadre de la PCH (Prestation de compensation du handicap) et de l'APA (Allocation personnalisée pour l'autonomie), ainsi que l'élargissement de la Liste des prestations et produits remboursables (LPPR) à l'ensemble des catégories d'aides techniques suffisamment fréquentes et « connues ».

… mais des points de vigilance

Pour autant, APF France handicap se dit « réservée » sur un certain nombre d'orientations, la Fedepsad les jugeant à son tour « contre-productives ». L'une des recommandations prévoit un « recensement sélectif » qui risque d'entraîner la suppression des modalités de prise en charge (LPPR et PCH) d'un certain nombre de fauteuils roulants et donc d'aboutir à une diminution sensible de l'offre. Ce système mis en place au Québec, comporterait « de nombreux désavantages », selon les PSAD. Autre point de vigilance : la création d'une filière pour la collecte et remise en état d'aides techniques de seconde main qui aurait exigé un « travail en amont avec toutes les parties prenantes ». APF redoute que la personne n'ait « plus le choix » ou qu'elle soit obligée de « choisir une aide technique recyclée au motif qu'elle serait moins coûteuse ».

Des prestataires à la marge ?

De leur côté, pourtant interrogées par la mission, la Fedepsad et l'Upsadi regrettent « une perception du rôle des prestataires de santé à domicile incomplète, réductrice et partiale ». Selon le rapport Denormandie, le faible taux d'utilisation et un taux d'abandon des aides techniques de l'ordre de 30 à 40 % témoignent du manque de suivi des Français dans ce domaine. Lorsqu'elles sont délivrées par les PSAD, ce taux serait porté à 86 %, assurent d'une même voix ces deux associations. « Nous ne sommes pas de simples vendeurs et logisticiens », expliquent-elles, réaffirmant « l'importance de leur accompagnement ». Les PSAD adhèrent néanmoins à la mise en place d'une certification de cette profession pour fin 2021 afin de mieux « garantir la qualité d'intervention ».

Le gouvernement en action ?

« Ce rapport démontre que l'on ne peut plus demeurer cloisonné et souligne l'importance d'associer tous les acteurs », concluent la Fedepsad et l'Upsadi. Ces éléments doivent venir « directement alimenter les réflexions engagées par le gouvernement, qui s'incarneront dans le cadre du Laroque de l'autonomie », selon le secrétariat d'Etat au Handicap, ainsi « qu'à travers la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale » (article en lien ci-dessous). Pour Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat, cette « promesse de soutien à l'autonomie » doit « faciliter le recours à des aides techniques innovantes », les plus « sur-mesure possibles ». C'est également sur ce rapport que s'est appuyé le premier ministre Jean Castex, le 16 novembre 2020, lors du Comité interministériel du handicap (article en lien ci-dessous). Le gouvernement annonce, dès 2021, une expérimentation pour renforcer l'évaluation des besoins et de l'accompagnement des personnes dans les territoires, afin de leur permettre de disposer des aides techniques les plus adaptées et de bénéficier d'une formation pour une utilisation optimale. En parallèle, un protocole de coopération sera mis en place pour permettre la prescription des aides techniques par les ergothérapeutes ; la seconde étape visera à faire évoluer les nomenclatures pour réduire les restes à charge et mieux prendre en compte l'innovation, en commençant par l'ouverture prochaine de la concertation sur les fauteuils roulants dans la suite des dispositions de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2020. Un pilotage national confié à Philippe Denormandie doit s'assurer de l'avancée de ces mesures.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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