Accès à la parentalité : "parent pauvre" du handicap?

Préjugés, précarité, problèmes d'accessibilité... Devenir parent en situation de handicap n'a rien d'un long fleuve tranquille. Le Comité parentalité des personnes en situation de handicap formule des propositions pour une parentalité apaisée.

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« Aujourd'hui encore, certaines familles doivent faire un choix entre se payer un fauteuil roulant ou offrir des vacances à leurs enfants », explique Agnès Bourdon-Busin, représentante d'APF France handicap. En matière de parentalité, les obstacles sont nombreux : accès à la nouvelle prestation de compensation handicap (PCH) dédiée, formation des professionnels des établissements médico-sociaux, du domicile, du droit commun, déploiement de centres ressources régionaux dans toute la France… Un an après le colloque « Comment assurer l'effectivité du droit à la vie intime, affective, sexuelle et à la parentalité ? » qui, durant quatre jours, avait rassemblé près de 350 personnes en février 2022, le Comité parentalité des personnes en situation de handicap rend ses conclusions. Composé de plusieurs associations*, il vise à « promouvoir, de façon positive, l'intimité, l'autonomie affective, sexuelle relationnelle et le droit à devenir parent comme tout un chacun ».

Des recommandations pour un meilleur accès à la parentalité

Ces discussions ont mis en évidence une série de freins, notamment des iniquités territoriales, des difficultés administratives, la formation peu adaptée des professionnels et des zones de flou dans les dispositifs d'aides. Le Comité parentalité propose donc dix impulsions, dont plusieurs concernent l'accès à la parentalité. Elles font écho aux récentes mesures gouvernementales en la matière, comme la création des services d'accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap (SAPPH), la généralisation en 2023 du dispositif Handigynéco (Lire : Handigynéco : les soins gynéco accessibles à toutes? ), le lancement des centres ressources régionaux sur la « Vie intime, affective, sexuelle et soutien à la parentalité » Intim'Agir ou encore la mise en œuvre de la PCH parentalité depuis 2021, « une grande avancée mais qui nécessite encore une évaluation et un affinage », consentait en février 2022  Adrien Taquet, ex-secrétaire d'Etat à l'Enfance et aux familles.

Infantilisation des personnes handicapées

Si les autorités semblent « entendre le problème », le « champ d'action est encore vaste » selon Julia Tabath, administratrice de l'AFM-Téléthon. Et cela débute dès l'entrée dans la vie sexuelle. « Il y a encore un réflexe d'infantilisation et d'angélisation des personnes en situation de handicap, que l'on pense souvent asexuées », poursuit-elle. « Avant l'accompagnement à la parentalité en elle-même, il faut envisager le soutien au désir de parentalité et l'accompagnement à la vie sexuelle », estime de son côté Christophe Bazile, directeur d'établissements médico-sociaux et membre du Comité. Quel soutien ? Quel matériel ? Quelle aide humaine ? « S'occuper d'un enfant de deux ans est un combat journalier », précise une mère de famille. Une autre raconte être cloîtrée chez elle pour s'occuper de ses jumeaux, « sollicitant régulièrement ses voisins pour de l'aide ». Fatigue, stress, discours culpabilisant des professionnels de l'enfance et difficultés financières sont le lot commun de ces parents.

Un accompagnement en amont

L'accompagnement doit donc être proposé bien en amont de la naissance, en renforçant notamment la mise en accessibilité des lieux de soins et la formation des professions médicales sur la question du handicap, en allongeant les temps de consultation gynécologique ou encore en facilitant la mise en réseau des centres experts et des professionnels de santé de proximité. Le tout en s'appuyant sur des leviers déjà existants comme ceux mentionnés précédemment ou encore le dispositif « Handiconsult ». Pour soutenir, par exemple, le déploiement des centres Intim'Agir, le Comité demande la « mise en place d'un pilotage national », dont il serait partie prenante.

Améliorer l'octroi de la PCH parentalité

Autre revendication : l'amélioration des conditions d'accès à la PCH parentalité -qui a été délivrée à seulement 4 000 familles depuis 2021, « avec d'énormes disparités selon les territoires »- vers une approche « individualisée et familiale ». « Il faut davantage contextualiser en fonction des besoins du parent et de son environnement », souligne Agnès Bourdon-Busin. Le Comité réclame donc qu'elle ne soit plus conditionnée à l'éligibilité à la PCH aide humaine, comme c'est le cas actuellement. « Même une personne ne bénéficiant pas d'une PCH dans sa vie quotidienne peut avoir besoin d'une PCH pour le soutien à la parentalité », insiste le Comité, qui souhaite également que cette aide soit adaptée au nombre d'enfants et à leur âge, que son octroi soit accordé au-delà des 7 ans de l'enfant, le tout dans une démarche de simplification administrative. « Le formulaire de demande de PCH parentalité n'est d'ailleurs pas toujours intégré dans les dossiers MDPH », déplore Julia Tabath qui reconnaît : « Il faut un bac+7 pour le remplir ».

Prochaine étape : la conférence nationale du handicap

Enfin, qui dit parentalité dit aussi sexualité. « Le fait de devenir parent n'empêche pas d'avoir une vie intime et sexuelle », rappelle Agnès Bourdon-Busin. A ce sujet, le Comité parentalité reprend les principaux points évoqués lors du débat public organisé le 6 février 2023 par le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sur le thème « Quelle vie intime, affective et sexuelle pour les personnes handicapées ? » (Lire : Assistants sexuels : CNCPH favorable à une expérimentation). Treize propositions avaient été formulées parmi lesquelles une expérimentation de l'assistance sexuelle, position que partage le Comité. Si rien n'est encore gravé dans le marbre, la Conférence nationale du handicap prévue au printemps 2023 devrait permettre d'y voir plus clair et peut-être préfigurer de futures politiques publiques.

*Le Comité parentalité est composé de l'AFM-Téléthon, d'APF France handicap, de l'AP-HP (Assistance Publique- Hôpitaux de Paris), du CRéDAVIS (Centre de Recherches et d'Études concernant le droit à la vie amoureuse et sexuelle), de la Croix-Rouge Française, de l'UNA (Union nationale de l'aide, des soins et des services à domicile), de l'UNAF (Union nationale des associations familiales) et de VYV 3 Île-de-France.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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