Astuces pour DYS : une page Facebook qui se "dystingue"

Chez les Chée, les troubles dys se transmettent de mère en fils. Pour permettre à ses enfants d'avoir une scolarité "ordinaire", Françoise a développé des astuces qu'elle partage désormais sur Facebook avec des familles et des profs du monde entier.

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Françoise a du mal à lire entre les lignes. Les notions et les livres alambiqués lui donnent du fil à retordre. A 13 ans, le verdict tombe : dyslexique et dysorthographique. Pour elle, « lire Zola, c'est l'enfer ! A fortiori avec une police minuscule et un interlignage étroit... ». Faute d'accompagnement, ses mauvaises notes sont de plus en plus récurrentes et ses bulletins redoutés. En un mot, son parcours scolaire est « chaotique ». Une vingtaine d'années plus tard, ses craintes ressurgissent lorsque ses enfants entrent à l'école primaire. Olivier peine à tenir son stylo, à utiliser sa règle, à choisir son cahier... Marion écrit phonétiquement, invente des définitions, a du mal à résoudre un problème. Il est autiste de haut niveau et dyspraxique sévère, elle est dysexécutive. Une fois le diagnostic établi, elle cherche du matériel scolaire adapté, des outils pratiques, en vain... Face à ce « désert d'informations », elle décide de créer la page Facebook « Astuces pour DYS », une communauté de 80 000 membres : parents, enseignants et professionnels de santé en quête de bonnes pratiques.

Une nouvelle page de sa vie

Pas vraiment fan des stylos, Olivier doit écrire avec un ordinateur. Le hic, c'est qu'il a une « peur panique » des écrans... A une exception près car « la seule chose qu'il tolérait, c'était un jeu sur Facebook qui s'appelait La ferme », confie sa mère. C'est en lui cherchant des compagnons de jeu que Françoise tombe sur Marjorie, maman d'un fils lui aussi dyspraxique. Elles échangent leurs « petites réussites » et surtout leurs « galères ». « J'avais parcouru toutes les librairies du coin et scruté Internet de fond en comble à la recherche de ressources pour les enfants 'dys', mais rien », déplore Françoise. Même constat du côté de Marjorie. En 2014, l'idée d'une page Facebook s'impose à elles. « Ça peut paraître cliché mais ça a changé ma vie, affirme Françoise. Quand on est parent d'enfants handicapés, qu'on est soi-même handicapée et qu'on habite un village perdu, on se sent bien seul. » Souvent décriés, les réseaux sociaux s'avèrent alors « extrêmement bénéfiques ».

L'instantanéité des réseaux sociaux

Quelles démarches accomplir à l'annonce d'un handicap ? Comment monter un dossier MDPH (maison départementale des personnes handicapées), adapter son poste de travail, faire la demande d'un AESH (accompagnant d'élèves en situation de handicap)... ? Autant de questions qui restent longtemps en suspens pour certaines familles. « Les associations ? Bonne idée mais elles sont très occupées, et les délais pour obtenir un rendez-vous sont parfois longs, témoigne Françoise Chée, elle-même bénévole dans deux associations. » La valeur ajoutée des réseaux sociaux ? L'instantanéité. « Les personnes qui me contactent obtiennent une réponse pratiquement dans la minute », précise-t-elle. D'autre part, ils brisent les frontières. Nouvelle-Calédonie, Dubaï, Turquie, Roumanie, Portugal, Egypte, Beyrouth, Etats-Unis, Canada... Ses membres viennent glaner des informations, s'épaulent, partagent, collaborent, échangent et mettent en commun des ressources des quatre coins de la planète. « Je n'aurais jamais cru que ça prendrait une telle ampleur, révèle-t-elle. Mais, quand on y pense, c'est plutôt logique lorsqu'on sait que plus de 10 % de la population mondiale est concernée par ces troubles ».

Les limites des « social networks »* ? L'anonymat, qui permet à des internautes de poster des commentaires désobligeants ou discriminants « en toute impunité ». « Par ailleurs, je ne suis qu'une maman, je ne me substituerai jamais aux professionnels. Sur Facebook, certains ont tendance à prendre tout pour argent comptant et sont en colère lorsque les solutions que je propose ne fonctionnent pas sur leur enfant. Mais il n'y a pas de solution miracle ! Chaque 'dys' est différent et a besoin d'outil adapté à son propre fonctionnement. »

Un livre de trucs et astuces

MDPH, AEEH, AESH, PPS, GEVA-Sco... Pour aider les familles à se saisir de ce jargon administratif, Françoise Chée a concocté un glossaire sur sa page Facebook. Elle y partage également des livres ressources, du matériel scolaire adapté, des revues de presse, un kit d'hygiène, les « utilitaires de la vie quotidienne », des conférences... Enfin, elle divulgue des conseils pratiques sur la manière d'appréhender la natation, la musique, les mathématiques ou encore les jeux en cas de troubles de l'apprentissage. La preuve par « dys » : « De nombreux enfants concernés utilisent les stylos Frixion car l'encre est effaçable ; en cas d'erreur ou d'oubli, ils peuvent gommer à l'infini. Le hic, c'est que l'encre disparait avec la chaleur, au grand dam de leurs professeurs. La solution : mettre les copies au congélateur ! », recommande-t-elle.

Ses trucs et astuces, Françoise en a fait un livre (Larousse), 50 activités bienveillantes pour les DYS. Les droits d'auteur sont reversés à son association « Astuces pour dys », pour financer notamment des mallettes pédagogiques à destination des écoles primaires. Prochain défi : développer des « Ludodys » dans son village et au-delà... Le principe : « Apprendre en s'amusant », la clé, assure-t-elle, pour motiver non seulement les enfants « dys » mais aussi tous les autres.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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