Autisme : LSC, un langage visuel pour mieux communiquer?

Une langue propre aux personnes autistes afin de mieux comprendre le monde qui les entoure et de communiquer avec plus de facilité, c'est l'enjeu du Langage Saccade conceptuel, développé en 2006 par deux Québécoises. Focus sur cet outil innovant.

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« Une vie mille fois plus riche », « La clé qui nous a permis d'ouvrir la porte sur le monde de l'autisme », « Un modèle inespéré grâce auquel j'ai reçu mon premier 'je t'aime' »... Dans le monde parfois exigeant de l'autisme, le modèle Saccade (Structure et apprentissage conceptuel continu adapté au développement évolutif) semble faire consensus au Québec, sa terre d'origine. Développé en 2006 par deux spécialistes et auteures de plusieurs best-sellers sur ce trouble, Brigitte Harrisson, autiste, et Lise St-Charles, Saccade est un modèle d'intervention neurodéveloppemental basé sur le fonctionnement interne de la structure de pensée autistique. « Il incite à s'intéresser à ce qui se passe 'à l'intérieur' et non simplement aux répercussions », expliquent-elles (interview complète en lien ci-dessous). L'objectif ? Favoriser l'accès à l'information, la communication ainsi que la perception et l'expression des émotions, avec le souci permanent de respecter l'identité de chaque personne autiste et de prendre en compte ses besoins spécifiques... Bref, « un accès à son plein potentiel » !

Le Langage Saccade conceptuel, une langue à part entière

« Il y a eu un avant et un après Saccade dans la vie de Valmond, la mienne, ses enseignantes et ses proches », affirme Kim, mère d'un enfant autiste, sur le site dédié (en lien ci-dessous). Cette progression est notamment due à l'utilisation d'une technique novatrice : le Langage Saccade Conceptuel (LSC), un code écrit composé de plusieurs symboles, tel un alphabet mais dans une version imagée. Son ambition ? Miser sur les forces perceptive et visuelle des personnes autistes afin de leur permettre de comprendre le monde qui les entoure. « Nous l'avons développé comme une langue propre aux personnes autistes, peu importe leur âge et l'intensité de leur structure cognitive », explique Brigitte Harrisson, faisant le parallèle avec la langue des signes pour les personnes sourdes et le braille pour celles aveugles. Selon Kim, cet outil de communication donne « l'impression de pouvoir entrer dans la tête » de son fils, « de comprendre ce qu'il voit afin de pouvoir mieux l'accompagner et surtout communiquer avec lui ».

Un code visuel concret

« L'idée est de donner un support visuel simple pour représenter des concepts pouvant être abstraits pour ce public », vulgarise Chams-Ddine Belkhayat, président de Bleu network, réseau de créateur de liens dans l'autisme et père d'un garçon concerné. « Ce code vise ainsi à rendre visibles les notions invisibles, à conceptualiser par exemple la différence entre l'amitié et l'amour », précise Catherine St-Charles, neuropsychologue et directrice des services cliniques chez Saccade. Il développe également la notion de temps grâce à des « codes » qui signifient « tout à l'heure » ou « demain ». « Cela permet parfois à la personne de comprendre le lien invisible entre un son et un objet, en disant par exemple à haute voix 'chaise' et en la montrant afin d'expliquer que ces deux informations (l'une visuelle, l'autre auditive) sont reliées », ajoute-t-elle. Durant la pandémie, le LSC a notamment permis aux personnes autistes de comprendre l'intérêt du port du masque et les différentes situations possibles. Concrètement, dans une vidéo explicative (ci-contre), Brigitte Harrisson dessine, dans deux carrés distincts, un « bonhomme » sans masque puis avec pour montrer qu'une même personne peut en porter un ou non. En dessous, elle schématise les différentes formes de masque et explique ensuite qu'un individu peut en porter un et se trouver en face d'un autre qui n'en a pas. Autre option : les deux interlocuteurs sont masqués ou non masqués.

Un pont avec les neurotypiques

« Quand j'étais étudiante, je n'arrivais pas à prendre des notes en synthétisant les explications de mes professeurs en direct, donc j'écrivais ce que j'entendais en alphabet phonétique international. Le soir venu, je réécrivais mes notes au propre, découpais des phrases pour tenter de replacer les idées sur différentes feuilles puis les assemblais. Il me fallait deux jours pour noter mes cours contre deux heures pour mes camarades ! », sourit Brigitte Harrisson. C'est là que se dessinent les prémices du LSC... Résultat : un gain de temps et une réflexion accélérée. Un peu plus tard, dans les années 1990, les pictogrammes font leur apparition. « Il existait déjà de nombreux modèles utilisant cette technique mais nous ne refaisons jamais ce qui a été fait, préférant développer ce qui manque, intervient Lise St-Charles. Et puis, si les pictogrammes avaient été suffisamment efficaces, nous ne serions pas actuellement en train de chercher des solutions plus adaptées... » Pour mettre au point le LSC, le binôme est parti des codes graphiques que Brigitte avait dans sa tête. Aujourd'hui, il en existe une vingtaine qui vont permettre à la personne autiste de créer un pont communicationnel avec les non autistes. « Mon cerveau arrive désormais à planifier par lui-même, ce qui m'était impossible auparavant », se félicite Brigitte Harrisson.

50 h de formation Saccade

Assez « complexe », le LSC s'enseigne uniquement à travers les formations Saccade. Comme l'apprentissage d'une nouvelle langue, sa maîtrise est possible après plusieurs heures de pratique et après avoir suivi le cursus avancé (une cinquantaine d'heures environ). « Nous avons vérifié si la langue des signes pouvait être enseignée via des livres mais ça n'a pas le même impact parce qu'il manque le 'mouvement', soulignent Lise et Brigitte. C'est la même chose pour le LSC. » Avec cette méthode, « on ne dénature pas l'autisme, on ne change pas la personne, on essaie simplement de lui permettre de traiter plus rapidement les informations », poursuivent-elles.

Alors que les recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé (HAS) seront prochainement mises à jour, Saccade, dont le concept a déjà été présenté à Claire Compagnon, déléguée interministérielle autisme et troubles du neuro-développement, « pourrait en faire partie », selon Chams-Ddine Belkhayat, ce qui devrait faciliter son développement en France. Si ce modèle émergent commence à faire ses preuves au pays des caribous, ses conceptrices espèrent qu'il sera accueilli avec le même « élan » outre-Atlantique.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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