Belgique : droits du handicap inscrits dans la Constitution

Depuis le 12 mars 2021, les droits des personnes handicapées sont inscrits dans la Constitution belge, norme législative suprême. Un acte hautement symbolique qui appelle maintenant à des actions concrètes. Et en France ?

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C'était une revendication de longue date des associations de personnes handicapées belges. Le 12 mars 2021, elles ont enfin obtenu gain de cause. Après le Sénat, la Chambre, équivalent de notre Assemblée nationale, a approuvé un projet de révision de la Constitution qui « consacre le droit des personnes handicapées à participer pleinement à la société ». Le nouvel article de cette norme juridique suprême porte le numéro 22 ter. Selon les auteurs de ce texte, deux sénateurs, cette « reconnaissance n'est pas seulement symbolique puisqu'elle implique aussi des effets juridiques pour les pouvoirs publics ». Les autorités devront veiller aux aménagements et « discriminations positives », notamment pour garantir aux personnes handicapées un usage des services publics similaire aux autres.  « Cette révision était assez logique car le long et détaillé titre II de la Constitution 'Des belges et de leurs droits' n'avait toujours pas d'article sur le handicap, ce qui était anormal », explique Josef Schovanec, auteur, depuis peu résident belge. 

Un jour historique

Le député Jean-Marc Delizée (PS), ancien secrétaire d'Etat au Handicap, a qualifié ce jour d'« historique» car « ce n'est pas tous les jours que l'on modifie la Constitution ». « Cette nouvelle disposition permet de renforcer les législations existantes en matière de protection des droits des personnes en situation de handicap », a-t-il déclaré à l'agence de presse Belga. Mais, pour la rapporteuse du projet, Claire Hugon (Ecolo-Groen), « le travail ne s'arrête pas là, au contraire, tout commence » et appelle maintenant « à des droits effectifs et concrets ». Pour autant, « la Belgique n'étant plus un  Etat unitaire depuis fort longtemps, ces questions-là ne sont pas abordées au niveau fédéral », poursuit Josef Schovanec qui redoute que cette mesure ne soit que « symbolique ».  

Des militants en France aussi…

Et en France ? Si notre pays s'est doté en 2005 d'une loi handicap fondatrice, cela ne peut suffire pour certains militants. C'est le cas de Matthieu Annereau, élu, lui-même en situation de handicap, président de l'APHPP (Association nationale pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées). Le 11 février 2021, il publie une tribune réclamant l'inscription, dans la Constitution française, de « l'accessibilité universelle », qui permettrait d'affirmer la volonté du Président Macron d'aller vers une société plus inclusive. Même s'il se réjouit de la décision belge, il a fait le choix, parce notre Constitution doit concerner tous les citoyens, d'une vision plus « transversale », celle d'un environnement accessible à tous. Il fait le parallèle avec le « défi environnemental », au cœur de l'actualité puisque l'hypothèse d'un referendum national sur ce sujet est examinée par l'Assemblée nationale en mars 2021. Matthieu Annereau estime que « le défi humain de l'accessibilité universelle le mérite tout autant et que les enjeux écologiques et le handicap sont intimement liés ».

De l'importance de la Constitution

Pourquoi cette inscription est-elle si importante ? En France, notre Constitution, celle de la 5e République, date de 1958. Figurant au sommet de la loi, elle définit les principes fondamentaux. Par exemple ? La langue de la République est le français. L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L'hymne national est La Marseillaise. Y sont également inscrits nos droits essentiels, qu'ils soient libéraux (d'expression, d'opinion, de religion…) ou sociaux (de grève, protection de l'enfance, égalité homme/femme…). C'est par exemple dans ce texte que figure l'interdiction de la peine de mort. La Constitution étant le pilier du droit, elle impose à l'Etat de s'y soumettre. Il ne s'agit donc pas seulement de graver des mots dans le marbre mais d'engager des actions concrètes. D'où l'intérêt d'y faire figurer les causes d'intérêt suprême. Matthieu Annereau l'illustre par un exemple concret, celui de la loi ELAN de 2018 qui a abaissé les quotas de logements accessibles dans le neuf (article en lien ci-dessous). « Avec un principe d'accessibilité universel inscrit dans la Constitution, une telle décision aurait pu être jugée anticonstitutionnelle par le Conseil d'Etat. C'est une garantie pour ne pas revenir en arrière. »

La décision belge offre donc une perspective inspirante. Elle tombe à point nommé avec l'adoption de la nouvelle stratégie 2021-2030 de l'Union européenne en faveur des droits des personnes handicapées le 3 mars 2021 (article en lien ci-dessous). « C'est l'occasion pour l'Europe de se mobiliser encore plus », conclut Matthieu Annereau. Et à la France de donner une nouvelle impulsion puisqu'elle prendra la présidence du Conseil de l'UE au premier trimestre 2022…

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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