Boulimie, hyperphagie : troubles alimentaires dévastateurs

Manger encore et toujours, à toute heure... Pour Chloé, la nourriture est devenue une obsession. Comme elle, 3 % de la population souffrirait d'hyperphagie boulimique. Pour les repérer, la HAS publie des recommandations sur ce trouble méconnu.

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Une envie irrépressible de manger, un besoin de « se remplir », un sentiment de perte de contrôle... Il n'est nullement question d'un « laisser aller » et encore moins d'un « manque de volonté ». Ce n'est pas par envie que Chloé, 26 ans, écume tous les distributeurs des gares à proximité, la nuit, à la recherche de matières grasses. Manger encore et toujours, à l'abri des regards, masquer son obsession par peur d'être jugée... C'est le quotidien des personnes hyperphagiques et boulimiques, contraintes d'avaler une petite salade en société pour ne pas éveiller les soupçons et se rassasiant une fois rentrées au bercail. Pour alerter sur ce phénomène grandissant, la Haute autorité de santé (HAS) et la Fédération française d'anorexie boulimie (FFAB) publient, le 12 septembre 2019, les premières recommandations (en lien ci-dessous) sur le repérage et la prise en charge de ces troubles.

Ratios conséquents

Gourmande, Chloé ? Non, malade. Lorsque manger tourne à l'obsession, cela peut refléter un trouble du comportement alimentaire (TCA). Il en existe trois types. Contrairement, à l'anorexie mentale, la boulimie et l'hyperphagie restent méconnues. Ces deux pathologies ont de fortes répercussions familiales, sociales, sans parler des ravages sur la santé...  Chez les personnes boulimiques, ces crises qui peuvent être passagères sont suivies d'un comportement compensatoire afin d'éviter la prise de poids : vomissements, laxatifs ou diurétiques, exercice physique… Ce trouble touche particulièrement les adolescentes et jeunes adultes. Selon la HAS, 1,5 % des 11-20 ans en souffrent, parmi lesquels trois fois plus de filles que de garçons. L'hyperphagique boulimique, quant à lui, mange trop et tout le temps et, ne se faisant pas vomir, peut prendre du poids de manière importante. Ce trouble est plutôt diagnostiqué à l'âge adulte et touche presque autant les hommes que les femmes. 3 à 5% de la population serait concernée, contre 1 à 2 % pour l'anorexie, pourtant bien plus médiatisée.

Premier frein : la stigmatisation

Alors pourquoi une telle (in)différence ? La boulimie et l'hyperphagie boulimique ne se voient pas au premier abord. Contrairement aux personnes anorexiques qui maigrissent fortement, les patients boulimiques ont généralement un IMC (indice de masse corporel) normal et passent donc entre les mailles du filet. Quant aux personnes hyperphagiques, beaucoup s'arrêtent à leur surpoids sans nécessairement explorer l'existence d'un TCA. D'autre part, ces troubles sont difficilement repérables puisque les personnes concernées masquent leur addiction. Ceux qui osent en parler doivent souvent faire face à toutes sortes de sermons : « Arrête de te plaindre, mange normalement et va au sport » ou « Retiens toi, évite les biscuits et passe aux fruits, et puis c'est tout ». Ces propos moralisateurs ne font qu'accentuer leur mal-être et leur envie de le compenser avec de la « bonne bouffe ». Incompris, stigmatisés, jugés, ils se murent dans le silence.

Des signaux d'alerte

« C'est donc aux professionnels de rechercher les signes cliniques d'alerte chez les personnes à risque : étudiants, sportifs, patients souffrant d'obésité… », explique la HAS. Certains symptômes, comme une érosion des dents, une abrasion de la main liée aux vomissements, des troubles de la fertilité, une hypokaliémie (carence en potassium), un angle sous-mandibulaire gonflé, une demande de régime amaigrissant voire de chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie, bypass) doivent alerter. Selon elle, tout acteur du système de soins est à même d'effectuer ce repérage ciblé. Dans leurs recommandations, la HAS et la FFAB mettent en particulier l'accent sur le rôle des professionnels de santé de première ligne : médecins généralistes, urgentistes, gynécologues et dentistes. Pour les accompagner au mieux, les deux organismes ont mis au point huit fiches outils, qui contiennent des éléments pratiques. Elles indiquent, par exemple, les examens médicaux à effectuer : examen clinique complet (mesure du poids, calcul de l'IMC, recherche d'œdèmes, d'escarres et de scarifications), paraclinique (électrocardiogramme) et psychiatrique (évaluer le risque suicidaire, le contexte socio-familial, rechercher les comorbidités et évaluer l'urgence : trouble dépressif, addictions...). Plusieurs conseils pratiques sont également prodigués : « Ne pas forcer le patient à s'alimenter ni le séparer systématiquement de son entourage... » Ces recommandations s'adressent également aux patients et à leurs proches, et complètent celles sur la prise en charge de l'anorexie mentale, publiées en 2010 (en lien ci-dessous).

Risque accru de suicide

En vue d'un rétablissement optimal, le but premier de la prise en charge n'est pas la perte de poids ni l'arrêt des crises. Il faut d'abord traiter les complications somatiques et les troubles psychiques associés puis restaurer un comportement alimentaire adapté. « Les professionnels de santé doivent être attentifs au risque accru de complications et de surmortalité dû aux troubles métaboliques induits ainsi qu'au risque important de suicide chez ces personnes », alerte la HAS. En effet, les TCA sont fréquemment associées à la dépression, ainsi qu'aux troubles de la personnalité, anxieux ou addictifs. En pratique, la prise en charge doit être d'emblée « pluriprofessionnelle et coordonnée » : somatique, psychiatrique, nutritionnelle, sociale et familiale. Plus elle est précoce, plus la guérison sera rapide et le risque de chronicité minime. Enfin, l'implication de la famille et de l'entourage est essentielle, leur soutien sera un élément clé dans le processus de guérison au long cours.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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