Les coulisses du Lycée Toulouse-Lautrec par sa réalisatrice

C'est le rendez-vous télé de la rentrée. La série "Lycée Toulouse-Lautrec" a été diffusée pour la 1e fois le 9 janvier 2023 sur TF1. Plongée dans un lycée hors normes. Ça tourne avec Fanny Riedberger, sa réalisatrice !

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DERNIERE MINUTE DU 13 JUIN 2023
Que les fans se rassurent, la série Lycée Toulouse Lautrec qui a fait un carton plein revient pour une deuxième saison. Le tournage est en cours, annonce TF1. Après avoir frôlé la fermeture juste avant les vacances, c'est la reprise des cours au lycée Toulouse-Lautrec pour Victoire et sa bande. Une reprise un peu particulière puisque corps enseignant et élèves sont toujours en deuil suite au décès de Charlie. Mais le cours de la vie doit reprendre… Six nouveaux épisodes à venir ! Quand ? Pas de date pour le moment. 

ARTICLE INITIAL DU 11 JANVIER 2023
Victoire, 17 ans, fait sa rentrée de première au lycée Toulouse-Lautrec, un établissement régional d'enseignement adapté (EREA), situé à Vaucresson, en Ile-de-France. L'adolescente est contrainte d'intégrer cet endroit hors normes pour suivre son frère. Valide, elle se retrouve au milieu d'élèves en situation de handicap dont elle ne connaît rien. Malgré les réticences des débuts, elle va finalement dépasser peu à peu ses préjugés. Primée au Festival de la fiction de La Rochelle 2022, la série en six épisodes Lycée Toulouse-Lautrec (diffusée les lundis du 9 au 23 janvier 2023 à 21h10 sur TF1) raconte le quotidien d'une bande d'ados d'aujourd'hui, entre histoires d'amour, amitiés fusionnelles, homosexualité, harcèlement en milieu scolaire, sur fond de handicap. Aux manettes ? Fanny Riedberger, créatrice, productrice et réalisatrice. Interview...

Handicap.fr : « L'histoire racontée dans Toulouse-Lautrec, c'est la mienne. Victoire, l'ado insolente et pleine de préjugés, c'est moi », avez-vous confié lors de l'avant-première de la série. Pourquoi portiez-vous ce regard si tranchant sur le handicap ?
Fanny Riedberger : A 14 ans, comme Victoire, on m'a obligée à aller dans un endroit qui, de mon point de vue, n'était pas fait pour moi. J'avais passé ma vie entière à me sacrifier pour mon frère. Je me sentais encore une fois contrainte. A cette époque, j'avais une solide bande d'amis à Rueil-Malmaison, une petite banlieue près de Paris entourée de cerisiers. J'avais grandi dans une sorte de banalité affligeante et je ne connaissais rien de la différence. En arrivant à Toulouse-Lautrec, le choc a été terrible. On m'enlevait de mon lycée, de mes repères. Le problème n'était pas le handicap. Je n'avais d'ailleurs pas spécialement de colère ou de virulence à l'égard de mes camarades. En fait, on a toujours peur de ce qu'on ne connaît pas. C'était mon cas, j'étais bourrée d'a priori stupides. D'un coup, face à cette supériorité numérique de personnes en situation de handicap, je devenais la personne « anormale », différente, le vilain petit canard. Je me suis sentie comme Victoire, une espèce de pestiférée.

H.fr : Vous avez dit, ensuite, avoir eu la chance de vivre cette expérience. Pourquoi une « chance » ?
FR : D'abord pour des raisons complétement pragmatiques liées à l'établissement lui-même. Il a des avantages inouïs. On est neuf par classe, avec une prise en charge assez incroyable. Et puis cette expérience m'a beaucoup appris d'un point de vue personnel. Quand je parle de la colère de Victoire, il s'agit d'une colère adolescente, larvée depuis un moment, qui n'a rien à voir avec ses camarades. D'ailleurs, le premier épisode s'appelle « La chute ». Tout s'effondre et rien ne va plus dans sa vie. Là encore, cela fait écho à mon passé. J'ai pris conscience que c'était moi la plus « handicapée », avec cette colère nourrie intérieurement. Au final, ces élèves m'ont « appris à marcher », sans vouloir être stigmatisante. J'ai l'impression qu'ils ont la valeur de la chance dans la vie. Le retour en immersion dans l'établissement pour le tournage a été pour moi une sorte de madeleine de Proust. J'y ai retrouvé cette joie de vivre ambiante unique. Tout le monde était souriant en permanence. J'ai beaucoup parlé avec le corps enseignant et médical et j'ai découvert que ces gamins souffraient physiquement pour la plupart. Certains prennent de la morphine le week-end et l'arrêtent le lundi. Tout simplement parce que retrouver leurs amis et cette atmosphère si particulière calme leurs maux. Lorsque j'y étais scolarisée, la gravité était forcément planante mais moi je ne la voyais pas. Eux savourent chaque instant, comme s'il n'y avait pas de perte de temps, d'autocentrisme. Que ce soit sur leurs deux jambes, avec une canne ou en fauteuil roulant, il y a toujours une force de vie. Voilà ce qu'ils m'ont enseigné. Et ça m'a forgée à jamais.

H.fr : L'intrigue se déroule en partie au sein du véritable lycée Toulouse-Lautrec. Pourquoi avoir choisi d'y tourner, avec de vrais élèves ?
FR : Effectivement, je tenais beaucoup à cette idée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons gardé le nom du lycée comme titre de la série. Quand j'ai commencé à écrire cette fiction, j'avais en parallèle développé un projet documentaire que je n'ai même pas cherché à terminer car l'authenticité de cette série se suffisait à elle-même. Et, visiblement, le pari est gagné car les téléspectateurs étaient au rendez-vous dès la première diffusion. C'était essentiel que ce lycée soit vu, qu'on parle de lui. Au début, le directeur n'était pas vraiment favorable, puis il a dit oui lorsqu'il a vu ma note d'intention et la joie qui émanait de mon expérience personnelle. On a donc tourné une bonne partie des épisodes lorsque le lycée était actif, en pleine période de bac de français. Certes, on a été assez envahissants mais on s'est tous adaptés. De nombreux membres du personnel médical et enseignant ont enfilé leur casquette de figurant, notamment au moment des intercours.

H.fr : Pourquoi avoir choisi d'intégrer des acteurs amateurs ? Etait-ce pour vous un gage d'authenticité ?
FR : Personnellement, je suis un peu lasse de voir toujours les mêmes visages (à l'écran, ndlr). Après, c'était aussi important d'avoir des têtes connues, parce qu'on maniait un sujet délicat. C'était un gros pari, et jusqu'à la première date de diffusion, on ne savait pas si les téléspectateurs viendraient. Il fallait donc les rassurer. L'idée n'était pas de faire appel à des stars mais à des acteurs que j'avais fantasmés pour ces rôles. Stéphane De Groodt et Valérie Karsenti (le proviseur et son adjointe dans la série, ndlr), j'y pensais depuis le début.

Pour ce qui est des élèves, je me disais « C'est génial, on a une bande, un vivier. Pourquoi aller chercher ailleurs ? ». On a donc ouvert un casting sauvage. La condition sine qua non, c'était d'avoir des élèves en situation de handicap. Bingo ! Ness Merad, Nolann Duriez et Hippolyte Zaremba (dans les rôles de Marie-Antoinette, Hugo et Jean-Philippe, ndlr) ont ainsi fait leurs premiers pas devant la caméra. D'autres, comme Chine Thybaut (Victoire, ndlr) ou Adil Dehbi (Reda, ndlr), avaient déjà de l'expérience en tant qu'acteurs. Globalement, on a vraiment privilégié la symbiose du groupe. Il fallait que la sauce prenne. Et ce n'était pas juste, « on va prendre des bons comédiens et on verra si ça fonctionne ». Ce casting a donc été très très long.

H.fr : La carrière de ces acteurs en herbe est-elle lancée ?
FR : Je ne sais pas s'ils veulent continuer... Je sais juste que Ness (Marie-Antoinette) a trouvé « sa voie » comme elle dit. Pour être honnête, j'ai eu des retours dithyrambiques à son sujet de personnes du métier qui la réclament non pas pour des rôles de personne handicapée mais pour jouer une personnalité « hors norme », à son image dans la série. Si elle pouvait être appelée pour autre chose, ce serait vraiment formidable.

H.fr : Vous avez su capter la franchise de ces ados en situation de handicap, leurs moments d'intimité (les soins de kiné, la toilette, les fausses routes alimentaires), sans jamais tomber dans le pathos...
FR : C'est la force de mon expérience. Je ne me serais jamais embarquée sur ce sujet sans ce vécu. Je me suis contentée de raconter la vérité. Durant ces trois ans de scolarité, j'ai beaucoup ri mais sans jamais rire d'eux. J'aurais même pu aller encore plus loin... TF1, au début, a mis du temps à s'adapter à l'écriture. Et je répondais : « C'est de ne pas le faire qui serait une erreur ». Le handicap met encore mal à l'aise, avec beaucoup d'empathie mal placée. On pense que ce sont de pauvres personnes plaintives, que la vie est dure. Cette série permet de désacraliser tout ça, de gommer cette ségrégation et de rassurer les gens.  

H.fr : Quels sont les pièges que vous avez tenu à éviter ?
FR : Les bons sentiments, le dépassement de soi, le pathos, le « c'est dur quand on est handicapé ». Je voulais à tout prix éviter le côté moralisateur, la dichotomie entre la méchante ado valide qui apprend une belle leçon de vie auprès des gentils camarades handicapés. On ne parle pas d'une élève handicapée qui va s'intégrer dans un milieu ordinaire ; il s'agit d'une valide qui entre dans un milieu où la supériorité ce sont des élèves en situation de handicap. C'est complétement novateur !

H.fr : Pensez-vous que cette série peut avoir un impact positif sur le sujet de l'école inclusive ?
FR : J'ai eu l'occasion de rencontrer la ministre des Personnes handicapées, Geneviève Darrieussecq, avec qui j'ai souhaité aborder quelques questions épineuses : le manque de moyens de ces établissements, les difficultés des proviseurs pour obtenir des subventions. J'ai aussi voulu lui montrer que ce modèle d'établissement marche, que l'inclusion fonctionne et qu'il faut pérenniser ce type de dispositif. Après, il faut aussi mentionner que l'inclusion n'est pas systématiquement LA solution pour tout le monde. Je pense que la ministre a bien entendu mon message. Elle a acquiescé à l'idée de déployer d'autres « Toulouse-Lautrec ». J'espère vraiment que cela fera son chemin. En tant que réalisateur de fiction, on raconte la société, c'est une arme puissante à notre disposition. C'est déjà énorme qu'on ait pu faire ça. Il faut continuer de surfer sur cette vague, à la fois politique et divertissante.

H.fr : Après Handigang, Les bracelets rouges, parler de handicap sur la première chaîne d'Europe permet d'interpeller le grand public. Ça marche ?
FR : On a été leader dès la première diffusion le 9 janvier 2023. Je trouve ça formidable ! En tant que parent, je vois un projet comme celui-là, j'ai envie que mon enfant soit devant sa télé. Mais, en fait, ça touche tout le monde, c'est transgénérationnel !

H.fr : Un second volet de la série est-il en préparation ?
FR : On espère une saison 2 ! J'ai déjà les intrigues en tête avec les mêmes acteurs. On ne change pas une équipe qui gagne (rires) ! Ce que j'aimerais, par ailleurs, c'est faire appel à ces comédiens sur d'autres projets, pas forcément en lien avec le handicap. Sinon, j'ai également produit une « dramédie », sur le cancer cette fois, qui devrait bientôt voir le jour sur TF1. Là encore, humour et déstigmatisation seront au rendez-vous !

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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