Dépakine : l'association de victimes poursuit son combat

L'association de victimes de la Dépakine a demandé à la justice de reconnaître la responsabilité civile de Sanofi dans les malformations ou retards de développement survenus chez des enfants dont les mères avaient reçu ce traitement antiépileptique.

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Par Laetitia Drevet

Cette action de groupe, la première dans le secteur de la santé, avait été lancée en mai 2017 à l'initiative de l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (Apesac), qui représente 4 000 personnes, pour moitié des enfants malades. La procédure, menée en parallèle d'une enquête pénale, est illustrée par quatorze cas de mères ayant reçu de la Dépakine lors de leur grossesse entre 1977 et 2015.

Un "drame humain"

"Nous évoquons aujourd'hui un drame humain considérable qui, depuis des dizaines d'années, a touché des milliers d'enfants", a déclaré à la barre l'avocat de l'Apesac, Me Charles Joseph-Oudin, dans une plaidoirie d'une heure et demie. L'avocat entend faire reconnaître la responsabilité civile de Sanofi dans les malformations ou troubles de développement survenus chez des enfants dont les mères avaient reçu ce traitement à base de valproate de sodium, considéré comme incontournable pour certains malades.

Des risques connus mais tus

La dépakine serait responsable depuis 1967 de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16 600 à 30 400 enfants, selon des estimations de l'Assurance maladie et de l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Selon l'Apesac, ces risques étaient décrits depuis les années 1980 mais n'ont été portés à la connaissance des femmes qu'en 2015. "Le laboratoire n'a pas cherché à savoir alors que des signaux s'accumulaient", a affirmé Me Charles-Joseph Oudin. "Ceux-ci créent pourtant une obligation de vigilance. Dès lors qu'un signal apparaît, le laboratoire doit informer praticiens et patients. De quand date ce signal ? De 1982 pour les malformations et 1984 pour les troubles neurodéveloppementaux", a-t-il poursuivi.

"Action de groupe irrecevable" pour la défense

Le laboratoire a par la suite assuré dans un communiqué que "dès le début des années 80, Sanofi a consciencieusement informé les Autorités de santé au fur et à mesure de l'évolution des connaissances scientifiques sur les risques pouvant être associés à l'exposition in utero au valproate de sodium, formulant régulièrement des demandes de modifications des documents d'information à destination des professionnels de santé et des patients". 

Lors de l'audience, Sanofi a plaidé l'irrecevabilité de l'action de groupe. Me Armand Aviges, avocat du géant pharmaceutique français, a assuré que "les familles ne sont pas dans une situation identique, comme l'exigent les textes (sur la procédure de l'action de groupe, en cas de préjudice lié à un produit de santé, ndlr). "Il y a des situations très disparates, qu'il s'agisse des dates des grossesses ou des dommages", a insisté le défenseur. Devant une dizaine d'épais classeurs, témoins d'une longue procédure, l'avocat a par ailleurs soutenu que "pas un seul rapport ne retient un lien de causalité certain et direct entre le valproate de sodium et les troubles évoqués". "Il y a une association statistique mais pas d'explication physique ou biologique", a défendu Me Aviges, ajoutant : "il n'y a chez nous ni malice ni stratégie".  

Médicament toujours commercialisé

Présente dans la salle, la présidente de l'Apesac, Marine Martin, soupire. Alors que l'avocat évoque son cas particulier, elle le reprend sur la date de naissance -en 1999 et 2002- de ses enfants alors qu'elle était traitée à la Dépakine. En 2012, elle avait été la première femme à saisir la justice. "Il fait comme si le laboratoire se préoccupait des victimes mais il ne trompe personne", a-t-elle estimé à l'issue de l'audience. Pendant sa plaidoirie, l'avocat de Sanofi a par ailleurs rappelé que "la Dépakine est toujours commercialisée", tout en étant contre-indiquée depuis plusieurs années pour les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes.

Homicide involontaire

Dans le cadre de l'enquête pénale, le groupe Sanofi, accusé par des familles de victimes d'avoir trop tardé à informer des risques à prendre ce médicament pendant la grossesse, a été mis en examen en août 2020 pour "homicides involontaires". En juillet 2020, la justice administrative avait reconnu pour la première fois la responsabilité de l'Etat, ainsi que celle de Sanofi et de médecins, condamnant l'Etat à indemniser les familles d'enfants lourdement handicapés. Le délibéré du volet civil sera rendu le 15 décembre 2021. Si la responsabilité de Sanofi était reconnue, le juge définirait alors le groupe de victimes pouvant demander une indemnisation. 

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