Adrien du Silence est un jeune Belge de trente ans. Issu d'une famille d'artistes (un père architecte et une mère sculptrice), il grandit entre la Belgique et l'Espagne d'où son père est originaire. Une période difficile pour le jeune garçon, qui plonge dans une longue phase de mutisme à ses 15 ans. Adrien ne bouge plus, ne parle plus. Figé, il ne communique plus que par écrit. C'est à cette période que naissent les premiers Dessins du silence.
Remplacer autiste par artiste
« En vivant ma vie dans une bulle d'autisme, je me suis décroché du monde pour faire un pacte avec le silence : j'ai vendu mon âme au papier », écrit-il. Aujourd'hui, ses crayons dessinent le regard qu'il porte sur le monde. Assis à sa table, il est tranquille et peut librement explorer les techniques comme le fusain, les collages, la photographie et les arts numériques. Véritable virtuose, Adrien dessine pour s'évader, communiquer et trouver un sens à sa vie : « Le silence peut s'interpréter de mille manières différentes ; ça peut être quelque chose de très positif et à la fois de monstrueux. Je le comparerais au calme apparent d'un arbre mais qui a l'envie de crier parce qu'il est attrapé par des racines qui l'empêchent de bouger. Le silence me parle. Le vécu a fait de ma psyché une force, mais c'est aussi une préoccupation. Ma tête déborde d'idées, de réflexions et d'émotions. Tout sort de là, et j'ai besoin de tout redessiner pour mieux comprendre. ».
Un album unique
Après avoir réalisé plusieurs expositions depuis 2016, Adrien sort Les dessins du silence. L'album devrait paraître le 7 novembre 2018 et doit être présenté au festival du film sur le handicap Regards Croisés le 14 novembre à Saint-Malo (article en lien ci-dessous). À l'intérieur, on retrouve des planches où le trait est précis et où une multitude de détails apparaissent, quand on y prête attention. Chaque illustration est d'une simplicité aiguisée et épurée à l'extrême : « Le repli, l'isolement, la soustraction aux autres, la difficulté d'apprentissage, les accrocs de la mémoire, les électrochocs de la réalité... tout concourt à une explosion imminente : le chaos. ». Dessin après dessin, nous suivons la route d'Adrien, à travers ses questionnements et ressentis. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond ? Ce monde extérieur si étrange... ou lui ? La clé est là, enfouie, sous le silence : c'est le langage qui fait l'humanité. Et celui d'Adrien, c'est le dessin. Une révélation pour le jeune adolescent qu'il était : dès lors, son talent se déploie et l'artiste se dévoile à lui-même. Un artiste visuel qui a construit ses œuvres en solitaire, loin de l'influence du milieu.
© Alain Forthomme