Handicap invisible : en parler ou pas, le dilemme

"Un employeur m'a dit 'c'est une connerie, ça n'existe pas ta maladie'. Comme Victoria, une majorité de travailleurs handicapés souffrent d'un handicap invisible et craignent d'en parler pour ne pas subir l'incompréhension dans l'emploi.

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Par Nioucha Zakavati

Traumatisme crânien, surdité, troubles bipolaires, problèmes de dos... Le handicap invisible qui par définition n'est pas apparent recouvre un large spectre. Huit personnes en situation de handicap sur dix en sont atteintes, selon l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt). "On peut être touché d'un handicap invisible à la suite d'un cancer, d'un accident de la route, parce que le travail vous a abîmé... Il y a aussi toutes les maladies psychiques", explique à l'AFP Kristel Hamon, directrice de la communication de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

Au cœur de la SEEPH

Cette réalité est au coeur de la semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH) du 18 au 24 novembre 2019 (article en lien ci-dessous). Objectif : sensibiliser à des situations méconnues, dans un contexte de fort taux de chômage des travailleurs en situation de handicap, plus de deux fois plus élevé que la moyenne nationale (environ 18% contre 8,6%). Pour Françoise Descamps-Crosnier, présidente du comité national du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), les handicaps invisibles sont "souvent ignorés et incompris", et génèrent de "l'exclusion dans les parcours de formation et d'insertion". D'où la difficulté d'en parler. "On n'entame pas la relation de travail par ça. Mais la question se pose, surtout lors de l'entretien d'embauche", affirme Kristel Hamon.

Somnolence excessive

Victoria Lahouel, 27 ans, qui souffre d'hypersomnie, un trouble caractérisé par une somnolence excessive, a connu l'exclusion qui peut en découler. Après des années "de galère", elle a décroché un poste d'hôtesse de caisse en CDI dans un supermarché de Châtillon (Hauts-de-Seine). Elle a parlé de son handicap invisible tout au long de sa recherche d'emploi, essuyant des remarques discriminatoires. "Une fois, un employeur m'a dit 'c'est une connerie, ça n'existe pas ta maladie' ; j'ai dû le lui prouver avec un document officiel", déplore-t-elle.

Certains ont compris, d'autres non

L'incompréhension suscitée par le handicap invisible peut s'expliquer par l'absence de consensus sur ce qu'englobe cette expression, selon Sabine Lucot, de la Fondation des amis de l'atelier. Surtout, "deux personnes qui souffrent de la même pathologie ne vont pas avoir les mêmes besoins", souligne-t-elle. En raison de son handicap, Victoria Lahouel est autorisée à prendre plusieurs pauses quotidiennes de trente minutes. Face à ses collègues, qui n'ont droit qu'à quinze minutes de pause deux fois par jour, elle s'est sentie obligée de justifier cet "avantage". "Certains ont compris, d'autres non", relève-t-elle. Les préjugés ont la peau dure : seuls 21% des salariés considèrent qu'un travailleur souffrant d'un handicap lié à des troubles cognitifs est "plutôt facile" à intégrer dans une entreprise, selon le dernier baromètre Handicap IFOP Agefiph.

Pour autant, Eztitxu Albitsur estime qu'il est important de parler de son handicap en milieu professionnel. Actuellement en recherche de fonds pour un projet de thèse en kinésithérapie, cette jeune femme de 34 ans souffre d'une hémiplégie du côté gauche qui, à force de soins, ne se voit plus. "Il faut en parler pour se protéger, mais aussi pour prévenir les autres. Si on ne le fait pas, tôt ou tard, cela va finir par se manifester", fait-elle valoir.

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