Regards Croisés : le festival du film handi-spensable

Le festival Regards Croisés fête ses 10 ans du 14 au 17 novembre 2018 et récompense des courts-métrages sur le thème "Métiers et handicaps". L'occasion pour Sam Karmann* de revenir sur son parcours de directeur artistique.

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* Sam Karmann est un acteur et réalisateur que l'on a vu, notamment, en 2017 dans Le sens de la fête

Handicap.fr : Lorsque Mireille Malot, présidente de l'association Hippocampe qui organise le festival Regards Croisés vous a appelé, vous auriez répondu : « Holala, qu'est-ce que c'est que cette affaire ? ». En quoi cette demande était-elle surprenante ?
Sam Karmann : En 2010, Mireille (interview en lien ci-dessous), que je ne connaissais pas, m'appelle : « Ecoutez, je ne vous connais pas mais il paraît que vous êtes célèbre… ». Elle était très convaincante car authentique. Je sentais au bout du fil quelqu'un de vrai, de sincère et d'engagé, qui se battait pour faire sortir le handicap du ghetto. Elle me parlait d'un festival de vidéos sur le handicap, il était 10h du matin, je ne m'attendais pas du tout à ça... Mais, au bout de 20 minutes, elle a piqué ma curiosité et m'a totalement embarqué. Voilà comment je me suis retrouvé président de la deuxième édition.

H.fr : Dans quelles circonstances avez-vous été amené à devenir le directeur artistique de ce festival ?
SK : Lors de cette seconde édition, durant la projection, j'ai été très impressionné par la façon dont les films arrivaient à témoigner des conditions de vie des personnes handicapées et à interpeller le monde dit « valide ». Mireille a senti mon implication et mon émotion pendant ces deux jours et m'a proposé de rester à ses côtés. J'ai répondu : « D'accord mais il faut améliorer le projet. Ton idée est bonne mais ça reste très amateur. Faisons un deal : tu me donnes plus de moyens et moi je t'aide à structurer tout ça. » Alors nous sommes passés des vidéos aux courts-métrages et avons établi un règlement plus strict. Il fallait sortir des bonnes intentions « kermesse et patronage ». L'enjeu était de montrer que le handicap n'empêche pas le talent et, pour ça, il fallait hausser le niveau et la qualité. J'y allais un peu fort au début, parfois, je voulais que ça avance, notamment sur le plan technique et artistique. Et force est de constater que, chaque année, le niveau augmente de façon considérable.

H.fr : En quoi consiste votre travail sur cet évènement ?
SK : Principalement à ouvrir mon carnet d'adresses et à sensibiliser des personnalités du cinéma, de la télévision, de la presse, pour former le jury. Plus il est prestigieux, plus la reconnaissance est grande.  Je travaille également sur les différents aspects festifs qui accompagnent les soirées de lancement, d'ouverture et de clôture du festival.

H.fr : Quel est le profil des réalisateurs ?
SK : Il n'y a pas de profil. Le cinéma est un objet unique, qu'il soit dans le milieu du handicap ou non, donc chaque film a son histoire, son aventure. D'autre part, nous nous adressons aux personnes en situation de handicap en capacité de travailler mais qui ne trouvent pas d'employeur. Ça ne signifie pas que tous les films traitent de ce sujet. La première catégorie est le milieu protégé (Esat) ou les entreprises adaptées. Il y a ensuite le milieu ordinaire et la communication d'entreprise. La catégorie « Autres regards », quant à elle, récompense les initiatives individuelles et permet de parler du handicap au delà de la stricte problématique du travail.

H.fr : Les candidats doivent-ils forcément être en situation de handicap ?
SK : Non, nous n'allons pas demander la carte d'invalidité à chaque réalisateur... Certains sont auteurs, d'autres tiennent la caméra ou se mettent en scène parce qu'ils le peuvent, mais ce n'est pas le cas de tous, d'autres se font aider. L'important est de traiter du handicap et de donner la parole à ces personnes. Bien souvent, dans les Esat, ce sont les accompagnants qui les aident à faire le film.

H.fr : Dans les films, l'humour est-il au rendez-vous ?
SK : Globalement oui, mais ça dépend des catégories. Dans le milieu protégé, on adore la comédie. Le milieu ordinaire est un peu plus sérieux. En ce qui concerne la communication d'entreprise, au départ, ce n'était pas terrible, très didactique, un peu « Regardez ce que l'on fait, nous sommes des gens bien... ». On aurait dit de la pub pour lessive ! Au fur et à mesure, les entreprises ont compris qu'on pouvait avoir plus d'imagination et d'audace, à l'image du milieu protégé... Maintenant, elles communiquent de façon de plus en plus fine et osent désacraliser le message autour handicap.

H.fr : En 2018, le festival célèbre son 10ème anniversaire. Quels changements notoires avez-vous constatés durant ces années ?
SK : Jusqu'ici, nous ne pouvions accueillir que les entreprises et les compétiteurs. Et puis, il y a trois ans, Patrice Leconte (ndlr : réalisateur) m'a fait prendre conscience que le cinéma était fait pour être vu, qu'il fallait ouvrir ces films au grand public pour toucher le plus grand nombre. C'est ainsi qu'on est passé d'un théâtre de 400 personnes à Nîmes au Palais du Grand Large à Saint-Malo avec une capacité de 1 500 places. C'est un festival « accessible » aux valides !

H.fr : Quelles seront les nouveautés cette année ?
SK : En 2017, nous avions invité à la soirée de lancement Grand corps malade pour son film Patients, avec une rencontre-débat absolument extraordinaire. Cette année, les réalisateurs de Monsieur je sais tout et le jeune acteur Max Baissette de Malglaive seront présents pour parler du handicap invisible. Le samedi, dès 9h30, nous présenterons, en partenariat avec The Extraordinary Film Festival (ndlr : TEFF, festival belge de Lou Boland) un best-of de la production internationale en matière de courts-métrages sur le handicap. Des films absolument extraordinaires ! Au programme : des films d'animation pour enfants, des comédies, des documentaires, des pubs et de la communication. Nous finirons à 19h avec tous les grands prix de Regards Croisés depuis 10 ans.

H.fr : L'an passé, qui composait le public ?
SK : Des habitants de Saint-Malo et des alentours, des curieux. De toute façon, qui n'est pas concerné par le handicap ? Au vu du vieillissement de la population, à terme, nous serons tous handicapés. Il ne faut pas avoir peur des mots, cela fait partie de la vie.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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