Handicap.fr : En 2000, votre frère, Michaël, est victime d'un grave accident qui le rend paraplégique...
Jonathan Jérémiasz : Sur le snow-park d'Avoriaz lors d'un concours de saut entre copains, il voulait gagner, s'est donné à fond et a chuté de 6 à 8 mètres de haut. Il se plaignait du dos, et ses jambes avaient triplé de volume ! Trois semaines d'hôpital ont été le début d'une longue phase de résilience...
H.fr : Michaël s'est alors lancé dans le tennis fauteuil, avec un très beau palmarès à la clé ?
JJ : Oui il était déjà bon joueur de tennis et son point fort était le haut de son corps... Il décrochait la médaille de champion de France handisport deux ans après son accident et celle du monde au bout de cinq. Ce furent aussi deux médailles à Athènes, puis, en double, l'or à Pékin et le bronze à Londres. Il mène, depuis plus de dix ans, une carrière professionnelle et est l'un des tous premiers athlètes handisport sponsorisés.
H.fr : Onze ans après cet accident, vous avez eu envie de partager cette expérience de « rebond » avec d'autres ?
JJ : Oui, l'idée nous est venue lors d'un déjeuner en famille. Nous nous sommes dits, avec Michaël et sa femme, Carolyn (kiné de l'équipe de tennis handisport d'Angleterre), qu'il fallait partager cette réussite en dehors du cercle intime. Nous avons donc décidé de créer une association, « Comme les Autres », qui propose à des victimes d'accident, devenus handicapés, des séjours sportifs à sensations fortes. Il n'existe presque rien spécifiquement pour eux et, à la sortie du centre de rééducation, ils sont nombreux à souffrir d'isolement et de dépression.
H.fr : Ski, motoneige, bobsleigh. Le premier séjour a eu lieu à La Plagne en 2011...
JJ : Et ce qu'on espérait s'est produit : le séjour a contribué à ce qu'ils retrouvent un peu de confiance en eux, se réconcilient avec leurs corps et surtout avec le monde des « valides » qui, souvent, était devenu un ennemi. Une vraie piqure d'adrénaline, été comme hiver. En 2013, nous avons organisé sept séjours. 12 sont prévus en 2014.
H.fr : Mais il faut avoir les moyens pour se payer de telles sensations ?
JJ : Eh bien non. C'est entièrement gratuit pour tous les participants.
H.fr : Et être un bon sportif ?
JJ : Non, pas du tout.
H.fr : Et les femmes ?
JJ : Evidemment, elles font partie de l'aventure, même si elles sont plus rares. Nous avons surtout des hommes jeunes.
H.fr : Au-delà du sport, votre implication touche toutes les sphères de la vie ?
JJ : Oui car nous avons mis en place, en 2012, un pôle de coaching individuel qui aide également ces jeunes à entamer une reconstruction psychologique et sociale, et favorise notamment le retour ou l'accès à l'emploi. Mais ce type de coaching est insuffisant car on constate une surreprésentation de jeunes handicapés issus de milieux défavorisés, à cause des conduites à risque. Ils ont souvent des parcours difficiles, et nos bénévoles ont beau être de bonne volonté, leur compétence ne suffit pas toujours.
H.fr : Alors vous décidez de mener un projet plus vaste encore pour accompagner la réinsertion de ces jeunes ?
JJ : Oui, nous souhaitons mettre en place un service d'accompagnement social et professionnel dès 2014, avec une équipe au complet comprenant des professionnels du travail social.
H.fr : Vous vous rapprochez également des associations des quartiers défavorisés ?
JJ : Oui, afin de confronter toutes sortes de handicaps, qu'ils soient psychiques, physiques ou même sociaux. Nous faisons la preuve que vivre ensemble est possible. Il se passe des choses incroyables lors de ces rencontres qui permettent de faire tomber bien des préjugés réciproques.
H.fr : Vous avez mis en place des « référents handicap ». Michaël en-est-il un ?
JJ : Ce sont des personnes handicapées expérimentées qui, lors des séjours, servent d'exemple aux jeunes. Mais Michaël ne joue pas ce rôle au quotidien faute de temps mais surtout parce que sa réussite est peut-être trop hors du commun. Les participants ont besoin de s'identifier à une image plus « normale ». Michaël est surtout un excellent porte-parole qui assure la promotion de l'association dans les medias dès qu'il le peut. En tant que co-fondateur, il suit toutes nos aventures de très près...
H.fr : Pour les sportifs de haut-niveau, il existe une entreprise sociale, « Handiamo! », dans laquelle vous vous impliquez également ...
JJ : Depuis 2011, elle accompagne les sportifs de haut niveau handicapés dans leur parcours professionnel pendant et après leur carrière sportive. Elle réunit une vingtaine de sportifs du monde entier, comme Jean-Baptiste Alaize et Marie-Amélie Le Fur en athlétisme ou Cyril Moré en ski.
H.fr : Sur votre carte de visite, il est écrit « Entrepreneur pour causes d'intérêt général ». C'est plutôt atypique !
JJ : En plus de « Comme les Autres » et de « Handiamo! », je suis également co-fondateur du groupe ONG conseil, qui collecte des fonds dans la rue pour des ONG, mais aussi d'une société qui recrute des volontaires pour de grandes causes, type don de sang.