Justice plus accessible : des tribunaux optent pour le FALC

Un litige avec l'administration ? Comment rendre les procédures juridiques plus compréhensibles par tous ? Un premier document en Facile à lire et à comprendre est édité par le Conseil d'Etat. D'autres vont suivre. Vers un "jargon" plus accessible ?

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Cette idée est née d'un « pur hasard ». Il y a quelques années, en allant « sur le terrain », Stéphane Wegner, aujourd'hui vice-président du Tribunal administratif de Grenoble, éprouve toute la difficulté qu'ont certaines personnes à comprendre comment agir dans le cadre d'une procédure judiciaire, par exemple lors d'un contentieux d'expulsion de locataire ou d'un dossier de surendettement. « Les gens sont perdus, la faute à un langage juridique bien trop complexe », explique-t-il. Alors, lorsqu'en 2017 le Conseil d'Etat s'engage dans une démarche pour obtenir les labels « égalité » et « diversité » de l'Afnor -chose faite en 2020-, il se saisit de cette opportunité. La plus haute juridiction administrative de France décide de créer un groupe de travail sur l'accessibilité de la communication et de lui en confier l'animation.

FALC, l'outil manquant

Ce magistrat a découvert, sur le site du Défenseur des droits, le FALC (Facile à lire et à comprendre), méthode qui permet de traduire des textes dans un langage simplifié compréhensible par le plus grand nombre. C'est « l'outil manquant » pour s'adresser non seulement à des personnes en situation de handicap mental mais aussi à celles qui ont des difficultés à l'écrit. Il propose alors à l'institution de réfléchir à une communication en FALC. Une première plaquette voit le jour en novembre 2020, avec le soutien de l'Unapei et d'un ESAT spécialisé dans ce type de traduction. Son thème : « Comment introduire une requête devant un tribunal administratif ? ». Une procédure jugée « très simple », par Catherine Bobo, déléguée à la diversité et à l'égalité du Conseil d'Etat, puisqu'il « suffit d'envoyer un courrier au tribunal administratif, signé et daté, et les pièces justificatives, sans que, la plupart du temps, la présence d'un avocat ne soit nécessaire ». Pour autant, tout va mieux en le disant simplement…

Assurer une diffusion plus large

Ce document n'est pas encore disponible sur le web mais il est proposé en format papier à l'accueil des juridictions de tous les tribunaux administratifs, ainsi qu'au sein des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). « Mais ce n'est pas suffisant, admet Catherine Bobo (interview complet en lien ci-dessous). Il faut arriver à toucher un plus large public », notamment au sein de la Cour nationale du droit d'asile. Pour assurer sa diffusion, le Conseil d'Etat s'est donc rapproché de Droit Pluriel, qui milite pour une justice accessible à tous et notamment aux personnes en situation de handicap. « Ce ne sera pas la première fois que le handicap permet à la société de s'interroger sur ses usages et la mise en œuvre de petits changements ou de plus grandes réformes qui profiteront à tous », se félicite la présidente de cette association, Anne-Sarah Kertudo. Pour continuer sur cette lancée, il faut désormais « former les agents d'accueil et les greffiers pour identifier les personnes qui auraient besoin de ces documents », poursuit Stéphane Wegner.

Voir plus grand

Pour Droit Pluriel, « c'est une première information vers le public souvent très démuni face aux litiges qui l'opposent à l'administration ». Prochaines étapes ? D'autres supports en FALC sont en projet. Mais, pour coller aux préoccupations des personnes concernées, mieux vaut leur demander leur avis : « Qu'est-ce qui est le plus difficile dans votre relation avec la juridiction administrative ? », « Que faudrait-il améliorer de façon plus urgente ? »... Droit Pluriel encourage chacun à faire remonter ses besoins en termes de « falcaïsation » par mail : contact@droitpluriel.fr . L'association voit plus large et espère rencontrer bientôt le Garde des sceaux pour qu'il précise ses intentions à ce sujet. « Le mouvement semble lancé à plusieurs niveaux », précise l'association, puisque notamment le SADJAV (Service de l'accès au droit et à la justice et d'aide aux victimes du ministère de la Justice) l'a interrogée sur l'opportunité de rédiger en FALC un document relatif à l'aide juridictionnelle. « Nous en sommes donc au début d'une prise de conscience et le secteur associatif doit absolument s'emparer de ces outils afin de montrer leur utilité », poursuit Anne-Sarah Kertudo. Si ces « tentatives ne sont pas diffusées à la hauteur des espérances », elle craint qu'on ne dénonce, ensuite, « l'inutilité des démarches d'accessibilité ».

Des jugements plus compréhensibles ?

Une autre piste tient à cœur à Stéphane Wegner. Le magistrat considère que les jugements, qui obéissent à des règles techniques très précises, « sont incompréhensibles pour les personnes qui n'ont pas une solide culture juridique ». Même si la juridiction administrative fait des efforts depuis quelques années pour réduire ce fossé entre langage expert et néophytes, le chemin est encore long. Il propose donc d'adjoindre à chaque jugement un document qui expliquerait, avec des mots très simples, la décision du juge et les prochaines étapes. Concrètement : le juge vous a donné raison (ou tort), que va-t-il se passer ensuite ?

Cela pourrait par exemple être mis en place pour les contentieux sur les demandes de remise de dettes, refusées par la Caf et le département, dans le cadre du versement d'une prestation sociale (APL, RSA...). « Certains reçoivent des courriers contradictoires de la Caf puis un jugement incompréhensible, poursuit Stéphane Wegner. C'est totalement insatisfaisant. » D'autant que les publics les plus fragiles parmi ceux qui saisissent le tribunal n'ont quasiment jamais recours à un avocat. « Certains se tournent vers des assistantes sociales ou un écrivain public, qui comprendront peut-être mieux le jargon, et encore... Sans garantie », déplore-t-il. Une version « plus digeste » pourrait donc être mise en place assez rapidement, dans le meilleur des cas avant fin 2021.

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