Le porte-drapeau de la 1ère équipe paralympique de réfugiés

Amputé d'une jambe à la suite d'un bombardement en Syrie, Ibrahim Al-Hussein, porte-drapeau de la 1ère équipe paralympique de réfugiés de l'histoire des Jeux en 2016, s'entraîne dans l'espoir de se qualifier pour Tokyo 2021.

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Par Alexandros Kottis

Sur le bord de la piscine olympique d'Athènes, en Grèce, Ibrahim Al-Hussein, amputé d'une jambe à la suite d'un bombardement en Syrie, se déshabille, s'échauffe les muscles puis retire sa prothèse. L'athlète rejoint le bassin en sautillant à cloche-pied : "Il faut se battre. Avec son corps, avec son cœur".

Une odyssée moderne

Le soleil illumine les tribunes vides de la piscine découverte, sortie de terre pour accueillir les Jeux Olympiques de 2004. "C'est ici que mon histoire a commencé", sourit Ibrahim Al-Hussein. Alors âgé de 15 ans, le jeune Syrien suit les exploits de Ian Thorpe et Michael Phelps dans la capitale grecque depuis son poste de télévision à Deir ez-Zor, en Syrie. Il nage aujourd'hui dans les mêmes lignes d'eau que les champions australien et américain et veut prendre leur suite, malgré une jambe en moins. Car la vie d'Ibrahim Al-Hussein ressemble plus à une odyssée moderne qu'à un long fleuve tranquille. Une histoire qui s'écrit au fil de l'eau et des épreuves traversées depuis les rives de l'Euphrate jusqu'aux bassins olympiques, en passant par la mer Égée...

Une nouvelle jambe pour une nouvelle vie

"La vie en Syrie était particulièrement difficile. Il n'y avait rien à manger, pas d'électricité, pas de médicaments. Si je restais, j'allais mourir", confie-t-il. La guerre civile éclate en 2011 et pousse rapidement des millions de Syriens sur les routes de l'exil, dont la famille d'Ibrahim. Lui temporise mais perd sa jambe droite dans un bombardement en 2012. Il quitte à son tour la Syrie et rejoint la Turquie, puis la Grèce le 27 février 2014, "le jour où je suis né une deuxième fois". Malgré son handicap, la dangereuse traversée depuis les côtes turques jusqu'à l'île grecque de Samos sur un bateau de fortune n'effraie pas celui qui a appris à nager dès l'âge de cinq ans. Arrivé à Athènes, il vagabonde dans les rues une dizaine de jours avant d'être aidé par un compatriote syrien qui le met en relation avec un médecin grec. Angelos Chronopoulos lui offre une prothèse et l'espoir d'un nouveau départ. "Angelos a changé ma vie", dit-il, reconnaissant.

Porte-drapeau de la 1ère équipe de réfugiés

Armé de sa nouvelle jambe et de son statut de réfugié, obtenu en 2015, Ibrahim reprend le cours d'une vie écorchée, multiplie les petits boulots et réapprend le sport avec son nouveau corps. "Je cherchais une patrie, un endroit où reprendre une vie, où recommencer le sport. La Grèce est devenue ma patrie, je ne veux plus en changer", assure-t-il. Il enchaîne les victoires dans les compétitions handisport nationales et tape dans l'œil du Comité Hellénique Olympique. Pour le relais de la flamme olympique 2016, on lui confie la torche qu'il porte symboliquement à travers le camp de réfugiés Eleonas, à Athènes (article en lien ci-dessous). Dans la foulée, le Comité International Paralympique lui propose d'intégrer la première équipe de réfugiés jamais créée pour une Olympiade, dont il deviendra le porte-drapeau pour les Jeux de Rio, en 2016 (article en lien ci-dessous). "La route s'est ouverte. Quand j'avais mes deux jambes, je rêvais de participer aux Jeux Olympiques. J'ai réussi avec une seule jambe", rigole-t-il.

"Rien d'impossible"

Depuis 2016, Ibrahim Al-Hussein a participé aux championnats d'Europe et championnats du monde handisport de natation. "Je veux envoyer un message à tous les réfugiés handicapés que j'ai pu rencontrer. Je veux qu'ils comprennent qu'il n'y a rien d'impossible. Tu peux faire de ta vie ce que tu veux", proclame-t-il. Après avoir longtemps nagé à contre-courant, Ibrahim espère désormais couler des jours plus tranquilles, mais il s'entraîne quotidiennement pour faire partie des six athlètes qui composeront l'équipe paralympique des réfugiés aux JO de Tokyo, du 24 août au 5 septembre 2021. "Même si je dois perdre une deuxième jambe ou un bras, je ne m'arrêterai pas. Je veux aller à Tokyo et je dois y arriver", assure le nageur.

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