Le système de prestations sociales en faveur des personnes handicapées est "illisible" et il y a "urgence à le simplifier", affirme le député Adrien Taquet dans un rapport (287 pages ! en lien ci-dessous) réalisé avec Jean-François Serres, membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese), remis le 28 mai 2018 au Premier ministre Edouard Philippe. Ils sont ainsi plus de 10 000 Français à avoir témoigné dans le cadre d'une consultation en ligne et 78 personnes à avoir été auditionnées. Les deux rédacteurs ont par ailleurs convié 71 députés de tous bords à visiter 44 MDPH (article en lien ci-dessous).
Rendre les droits effectifs
113 propositions au total pour "restaurer les conditions de la confiance". "Parce que plus de 10 millions de personnes sont aujourd'hui concernées par le handicap et subissent quotidiennement la complexité et la lenteur des démarches administratives", explique le Premier ministre dans un communiqué, il a demandé aux rapporteurs de proposer des solutions concrètes de simplification des démarches administratives et de fluidification des parcours des personnes en situation de handicap. "Il ne s'agit pas de créer de nouveaux droits mais de rendre effectifs ceux qui existent déjà et peuvent générer des ruptures et de l'insatisfaction", a fait valoir le député LREM lors d'une table-ronde à Matignon, en présence également des secrétaires d'État chargés des Personnes handicapées et de la Fonction publique, Sophie Cluzel et Olivier Dussopt.
Sans limitation de durée
Il faut "mettre fin à la défiance de l'administration vis-à-vis des personnes en situation de handicap, qui doivent justifier de leur handicap tous les deux ou trois ans, c'est inadmissible", a poursuivi M. Taquet. Ainsi, il est préconisé de conférer l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et l'allocation adulte handicapé (AAH) "sans limitation de durée" aux personnes dont le handicap, au-delà d'un taux d'incapacité de 80%, n'évoluera pas positivement. Pour les bénéficiaires de l'AAH "à vie", la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et la Carte mobilité seraient également attribuées "automatiquement et sans limite de durée". "Autiste, je le suis pour toute ma vie, alors c'est surprenant, même incohérent, de devoir en apporter la preuve régulièrement", a témoigné Karen Butin, 42 ans, répondante de la consultation en ligne lancée en amont du rapport et invitée à Matignon.
Les prestations de compensation
Adrien Taquet veut notamment "refondre le système de compensation à destination des enfants". Jusqu'à 20 ans, il existe deux prestations -la prestation de compensation du handicap (PCH) et l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH)- dont "le rôle et le statut sont flous et se confondent", explique-t-il.
Fusion de l'AAH et de l'ASI
Le rapport plaide aussi pour la fusion des minima sociaux pour les adultes handicapés (AAH) et en invalidité (ASI), dans le cadre d'un "rapprochement" entre les deux régimes.
Simplifier l'attribution de la PCH
Adrien Taquet propose par ailleurs de "simplifier le mode d'attribution de la PCH". Cette aide, qui peut financer un emploi à domicile ou des travaux, serait ainsi versée sur facture et non plus sur devis. Il demande en outre de "supprimer la barrière d'âge" qui empêche les personnes âgées de 75 ans et plus de bénéficier de la PCH. Proposition qui a d'ailleurs déjà été adoptée par l'Assemblée nationale le 17 mai 2018 (article en lien ci-dessous). Sur la question de la compensation, le chef du gouvernement a dit vouloir "des travaux plus approfondis et une concertation des acteurs concernés".
Rompre l'isolement
Autre priorité pour les rapporteurs : rompre l'isolement. "Il y a plus d'un million de personnes handicapées qui n'ont pas accès à l'emploi, vivent dans l'isolement social et sont comme assignées à résidence", a souligné Jean-François Serres, plaidant pour un maillage territorial "d'équipes citoyennes" constituées de bénévoles.
Et maintenant ?
"Les mesures proposées, parce qu'elles ont été construites directement avec et pour les usagers, visent à améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap et de leur famille", assure le gouvernement. Il affirme que "certaines ont vocation à être mises en œuvre rapidement", par exemple lorsqu'elles "mettent fin aux démarches administratives obligeant les personnes à apporter en permanence les preuves de leur handicap, même lorsque cela est inutile". D'autres nécessiteront des travaux plus approfondis et une concertation des acteurs concernés. Ces travaux s'inscriront, d'une part dans le projet d'Action publique 2022 qui vise à simplifier et améliorer les services publics, d'autre part dans le grand chantier de construction d'une société inclusive, que le gouvernement qualifie de "fil rouge" de son action depuis plus d'un an.