Rapprochement Pôle et Cap emploi : des effets positifs?

Le rapprochement Pôle et Cap emploi, redouté par certains, se serait "très bien passé". Cette collaboration, au sein d'un lieu d'accueil unique, permet d'acculturer la grosse machine publique de l'emploi au handicap. Bilan 2021 encourageant !

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Lorsqu'en 2018, lors du Comité interministériel du handicap, le Premier ministre annonce le rapprochement de Pôle et Cap emploi, au motif que la politique publique de l'emploi et du handicap n'est pas probante, c'est panique à bord… Certains redoutent une « fusion », une dilution des expertises et donc, in fine, un accompagnement défaillant pour les chômeurs en situation de handicap. Rappelons que Cap emploi est l'entité dédiée à la recherche d'emploi pour ce public.

Un bel enthousiasme

Quatre ans plus tard, le bilan est-il aussi inquiétant ? « Loin de là, tout s'est merveilleusement bien passé alors qu'on était en présence de deux cultures très différentes », répond Jean-Pierre Benazet, président de Cheops, le réseau national des Cap emploi, lors d'un point presse le 19 mai 2022. De son côté, Isabelle Faure, directrice du rapprochement, vante un service public de l'emploi « plus moderne », avec pour credo « Le bon service au bon moment », « ce qui n'était pas toujours le cas pour les demandeurs d'emploi en situation de handicap jusqu'alors ». « Ce rapprochement a certes modifié l'écosystème mais dans le bon sens, en permettant de travailler de manière plus sereine », complète Jean-Pierre Benazet. Selon lui, le système est aujourd'hui opérationnel et bénéficie de la force de frappe de Pôle emploi à qui Cap emploi a amené une expertise de niche. C'est du « gagnant-gagnant ». Les deux entités sont parties d'une feuille blanche et ont co-construit à parité, 50/50, sans tenir compte des disparités dans leur force de frappe : 60 000 salariés pour Pôle emploi contre 2 500 pour Cap emploi. Une première phase dite d'extension a démarré en janvier 2021 et, depuis octobre 2021, la phase de généralisation a été enclenchée.

Des chiffres encourageants ?

Les chiffres confirment-ils cet enthousiasme ? En 2021, six indicateurs observent une « dynamique dans la reprise d'emploi et dans le maintien », avec notamment 197 813 retours à l'emploi des DEBOE (demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi), soit une progression de 9,5 % par rapport à 2020, ou encore un recul de 6 % des chômeurs de longue durée. Mais si la tendance s'avère favorable, le contexte reste flou après une année 2020 « compliquée » (article en lien ci-dessous) pour en tirer des conclusions pérennes : un rapprochement qui a rebattu les cartes, deux ans de crise sanitaire et des aides financières gouvernementales pour soutenir l'emploi des travailleurs handicapés ont pesé dans la balance. D'une manière générale, la situation s'est améliorée en 2021 avec un taux de chômage en baisse (article en lien ci-dessous) mais est-ce vraiment grâce à ce rapprochement ? Peut-être faudrait-il attendre une période moins chaotique pour le savoir ? Néanmoins, selon Cheops, les expérimentations mises en place en 2020 sur plus de 200 sites pilotes offrent davantage de recul avec des « effets positifs » et des résultats « encourageants », qui les distinguent des autres agences. « Cette nouvelle organisation aura des effets à court et moyen termes », promet Cheops, avec des résultats consolidés de ce rapprochement en 2023.

Rapprochement, quel bénéfice ?

Concrètement, quel bénéfice pour les demandeurs d'emploi en situation de handicap avec cette nouvelle organisation ? Tout comme les employeurs, ils accèdent à une offre de service intégrée commune, et surtout au même endroit, en partenariat avec d'autres organismes dédiés comme l'Agefiph et le Fiphfp (les deux fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans le privé et le public), les missions locales… « Pour arrêter de balader les gens d'un service à l'autre », ce LUA (lieu unique d'accompagnement) est aujourd'hui présent dans 92 % des 854 agences en France, avec une généralisation totale annoncée pour septembre 2022. Il propose des « teams handicap » qui regroupent des conseillers Pôle et Cap emploi, mais aussi des psychologues, des ergonomes… Volontaires et souhaitant s'acculturer au handicap, ils ont été spécialement formés lors d'une journée puis en continu mais peuvent aussi compter sur l'échange entre pairs. Ainsi, 83,2 % des DEBOE se disent satisfaits de leur suivi (+3,2 % en un an). « Cette sensibilisation permet aussi aux conseillers Pôle emploi d'être plus attentifs et en capacité de repérer certains handicaps, notamment invisibles, au sein de leur public a priori non handicapés », explique Cheops.

« Pour le demandeur d'emploi, c'est un seul référent, complète Isabelle Faure. Quant aux recruteurs, au sein de cette grosse machine qu'est Pôle emploi, ils peuvent bénéficier d'un accompagnement plus personnalisé avec des conseils et un autre regard sur leur politique handicap ». « Globalement, cette expertise commune du handicap permet de mieux sensibiliser les employeurs, en les incitant à ouvrir leurs offres à ce public, ajoute Jean-Pierre Benazet. On est dans l'inclusion, le droit commun, une plus-value indéniable pour tous et en priorité pour les personnes en situation de handicap. » Enfin, le retour d'expérience semble également positif du côté des conseillers qui disent « retrouver du sens à leur tâche et apporter un service de meilleure qualité ».

Un rôle de maintien dans l'emploi

Cap emploi a également une deuxième corde à son arc, le maintien dans l'emploi lorsqu'il y a risque de licenciement pour inaptitude. 46 000 personnes ont été accompagnées pour ce motif. Après une baisse du nombre de maintiens en 2020, liée à la crise sanitaire et à la diminution des signalements -les services de santé au travail étant mobilisés sur la crise du Covid-, 2021 a été marquée par une forte reprise de l'activité avec une hausse de 14 % par rapport à 2020. 93 % des personnes concernées, soit 21 400 au total, ont pu conserver leur emploi grâce aux interventions du service public de l'emploi. « Cet accompagnement dédié s'adresse aussi aux employeurs, explique Marlène Cappelle, déléguée générale de Cheops. Et lorsque nous allons dans les entreprises pour des offres d'emploi, cela nous permet en même temps de détecter les problèmes de maintien. »

Un suivi sur 6 mois pour prévenir la désinsertion pro

Les deux entités ont également mis en place le CEP (conseil en évolution pro), un outil de prévention de la désinsertion professionnelle, qui permet de proposer des aménagements et des solutions de compensation du handicap, via un suivi sur six mois. « L'idée, c'est de dire aux personnes que ce n'est pas parce qu'elles ont un handicap qu'elles ne peuvent pas accéder à certains métiers », poursuit Marlène Cappelle qui encourage à le « mobiliser le plus tôt possible dans le parcours ». 106 000 CEP ont ainsi été sollicités en 2021. Quant aux personnes qui ne peuvent pas être maintenues dans leur emploi, elles ont la possibilité de poursuivre cet accompagnement, ce qu'ont décidé 70 % d'entre elles.

Dans les tuyaux…

Quelques projets en 2022… Cheops se lance dans un « projet restauration » pour tenter de changer la donne dans les métiers en tension qui peinent à recruter. Objectif ? Lever les freins des employeurs via un guide méthodologique pour accompagner un salarié en situation de handicap, avant l'organisation d'un grand concours culinaire parrainé par le chef Michel Bras, dont la date reste à définir… Il soutient également le skipper amputé Fabrice Payen sur la Route du Rhum 2022 via sa Team vent debout. Enfin, il annonce la signature le 19 mai 2022 d'une convention avec l'Agefiph pour « apporter des réponses améliorées aux personnes handicapées et aux entreprises ». Un partenariat que Cheops dit attendre « depuis plusieurs années ».

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