Surdicécité: un forfait PCH aide humaine de 30 à 80h

Trois forfaits, de 30, 50 et 80h de PCH aide humaine par mois pour les personnes sourdaveugles, c'est ce que fixe un décret publié le 20 avril 2022. Le CNCPH se félicite de cette avancée qui ouvre la reconnaissance officielle de ce double handicap.

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DERNIERE MINUTE DU 20 AVRIL 2022
Le décret du 19 avril 2022 (N° 2022-570, en lien ci-dessous) est publié au Journal officiel le 20 avril. Ses dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2023.

Un tableau détermine le nombre d'heures d'aide humaine mensuelles attribuées, de manière forfaitaire, en fonction de la perte auditive sans appareillage, évaluée en décibels, et de la vision centrale après correction par rapport à la vision normale. Par exemple, une personne ayant une perte auditive inférieure ou égale à 56 dB et une vision comprise entre 20 et 40° se verra proposer 30 heures d'aide. Avec, une perte auditive supérieure à 70 dB et un champ visuel inférieur à 10°, elle obtiendra 80 heures. Il est par ailleurs mentionné que « quand le besoin d'aides humaines apprécié au moyen du référentiel le justifie, le montant attribué peut l'être pour un temps d'aide supérieur à 80 heures ».

Les travaux sur la surdicécité se poursuivront dans le cadre d'un groupe de travail piloté par le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées et les associations représentatives pour améliorer la vie des personnes sourdaveugles et former les professionnels à l'accompagnement de ce handicap avec l'appui de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), promet le secrétariat d'Etat au Handicap.

ARTICLE INITIAL DU 4 AVRIL 2022
Tu veux être sourd ou aveugle ? Jusqu'à présent, les personnes sourdaveugles doivent « choisir » lorsqu'elles font une demande de prestation de compensation du handicap (PCH) aide humaine, la surdicécité n'étant en effet pas reconnue comme un handicap spécifique. « Il existe bel et bien un forfait surdité (30h) ou cécité (50h) ainsi que les aides afférentes mais qui ne prennent pas en compte cette double déficience », rappelle Jean Bouissou, atteint de surdicécité et président de Quintette Association ; une personne ne peut donc pas cumuler les deux forfaits, et c'est celui le plus élevé, 50 heures par mois, qui est applicable. Bien évidemment, si l'évaluation fait apparaître un besoin en aides humaines supérieur, le nombre d'heures attribué peut être supérieur à 50. Pour autant, ces forfaits ne prennent pas en compte les besoins spécifiques de ce « double handicap », ce qui contraint les personnes à justifier toutes leurs demandes et dépenses. Privées de deux sens, confrontées à un véritable parcours du combattant, nombre d'entre elles renoncent...

Une véritable avancée

Mais les choses pourraient changer, rapidement... Le 1er avril 2022, le CNCPH a en effet voté un avis favorable au projet de décret prévoyant la création d'un forfait PCH aide humaine pour les personnes cumulant des pertes auditives et visuelles, avec trois niveaux d'accompagnement (30, 50 et 80 heures), définis pour être en cohérence avec le système d'informations des MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) et ainsi faciliter son application. Pour des besoins encore plus spécifiques, l'existence de ces nouveaux forfaits n'empêchera pas la demande d'une PCH personnalisée. Ce décret devrait être mis en œuvre au lendemain de sa publication, promise « très prochainement », selon le CNCPH, certains évoquant fin avril 2022.

Une aide humaine sur mesure

« Une véritable avancée », se félicite ce conseil. Le législateur prend désormais en compte le fait que la surdicécité a des répercussions sur l'accès à l'information, la communication, sa relation au monde et aux autres puisque les échanges nécessitent des modes de communication spécifiques (LSF, LSF tactile, braille...), malheureusement encore très peu répandus. « Ces personnes mettent beaucoup plus de temps pour accéder à la même information, ce qui engendre une très grande fatigabilité. Les déplacements et l'autonomie dans la vie quotidienne sont aussi impactés », explique le CNCPH. Chaque forfait sera attribué en « fonction de critères médicaux spécifiques, et ceci même si cette personne n'était éligible ni au forfait surdité ni au forfait cécité », ajoute Jean Bouissou. Le premier seuil de 30 heures devrait, par exemple, être destiné aux jeunes, notamment porteurs du syndrome d'Usher, maladie dégénérative qui associe surdité et troubles de la vision dus à un mauvais fonctionnement de la rétine (rétinite pigmentaire). « Malgré une perte d'autonomie manifeste, parce qu'ils ne sont pas encore très malvoyants ou aveugles, ils ne peuvent jusqu'à maintenant bénéficier d'aucune aide et ne peuvent donc pas se préparer à leur entrée dans la cécité, par exemple en apprenant le braille ou à se déplacer avec une canne. Sans accompagnement, ils finissent par perdre le lien social, leur travail, jusqu'à l'isolement », déplore Céline Poulet, secrétaire du Comité interministériel du handicap (CIH), qui a mis en place un groupe de travail dédié en juillet 2021.

Aller encore plus loin

Composé d'associations* et de personnes sourdaveugles non affiliées, il entend poursuivre sa réflexion pour apporter des réponses adaptées dans tous les domaines de la vie courante. Ses conclusions sont attendues fin 2023. L'un des priorités est d'identifier et de recenser les personnes concernées, estimées à ce jour à 6 500 en France. « Mais ce groupe extrêmement hétérogène est certainement bien plus vaste car ils sont nombreux à ne pas se déclarer faute de reconnaissance et de prise en charge », selon Céline Poulet, qui admet qu'il « existe très peu d'acteurs et de services dédiés et une méconnaissance globale de ce sujet ». Ces forfaits ne seraient donc qu'une première étape pour un public qui attend, enfin, d'être vu et entendu.

*FDDS (France double déficience sensorielle), RNSA (Réseau national sourdaveugles), ANPSA (Association nationale des personnes sourdaveugles) et le CRESAM (Centre national de ressources handicaps rares surdicécité), auquel le GNCHR, le CRESAM et l'ANPSA ont participé aux côtés de la DGCS et de la CNSA.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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