Covid et handicap : Véran affirme l'accès aux soins

Olivier Véran, ministre de la Santé, a pris la parole, pour s'adresser aux personnes handicapées. Un focus sur un "sujet crucial", "l'accès aux soins", notamment en cas de suspicion de Covid, réfutant l'idée de "tri" des malades. Quelles mesures ?

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« Le handicap ne doit pas être un critère de refus aux soins ». Olivier Véran s'est exprimé le 4 avril 2020, faisant un focus spécifique sur la situation des personnes handicapées avec, à ses côtés, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap (lien vers la liste des mesures ci-dessous). Le ministre de la Santé a souhaité évoquer le « sujet crucial de l'accès aux soins » et affirmé qu'une continuité serait assurée en prenant en compte les fragilités inhérentes à certains handicaps, citant, notamment, les personnes atteintes de maladie chronique et polyhandicapées. « C'est une évidence mais je l'affirme », a-t-il ajouté.

500 000 masques par jour

Une cellule de crise spécifique a été armée au sein de la Direction générale de la cellule de crise santé. « La déprogrammation de certaines activités de soin visant à libérer de la place dans les hôpitaux ne doit pas nous conduire à remettre en question cette continuité des soins ni entraîner des pertes de chance », poursuit le ministre ; il promet donc des mesures pour « assurer l'accès des personnes handicapées aux consultations médicales et actes paramédicaux (infirmiers, orthophonistes) qui ne peuvent pas être interrompus sans perturber gravement l'accompagnement ». Répondant également à la pénurie de masques dans le secteur, Olivier Véran assure que l'approvisionnement est en cours et que 500 000 masques chirurgicaux seront livrés chaque jour au médico-social, même si « des difficultés subsistent à certains endroits ». Il assure par ailleurs que le personnel qui travaille au sein d'établissements hébergeant des personnes handicapées figure sur la liste des personnes prioritaires à tester au moindre symptôme. 

En cas de contamination ?

Et en cas de contamination par le Covid-19 ? Tout d'abord, il entend simplifier les modalités d'accès de l'hospitalisation à domicile afin de permettre une intervention plus réactive et plus fréquente, en prévoyant notamment de déployer des solutions de télémédecine, téléexpertise, télésuivi... Dans les établissements, les conditions d'isolement, de confinement, de prise en charge, d'accompagnement ont déjà été établies et répondent à des normes extrêmement complexes et pointues de manière à préserver ce public, selon lui. Il veut néanmoins étendre l'accès aux équipes mobiles d'hygiène hospitalière pour de l'aide à la mise en place des mesures barrières, d'hygiène et de nettoyage. Lorsque les ressources internes sont insuffisantes, le recours aux professionnels de santé doit être « facilité par la mobilisation des professionnels de santé volontaires, des libéraux par exemple mais également la réserve sanitaire, les étudiants en santé et, le cas échéant, si les difficultés ne peuvent pas être résolues, par la réquisition des professionnels de santé. » Une cellule médico-sociale dédiée doit être mise en place par toutes les ARS (agences régionales de santé) qui sera l'« interlocuteur du grand âge et du handicap ».

Un tri éventuel ?

Le ministre a ensuite répondu aux inquiétudes qui se sont fait entendre sur la discrimination dont pourraient être victimes les personnes handicapées face à la saturation des services d'urgence, ne pouvant imaginer que « cette pratique existe » sur le terrain. « Le handicap ne doit pas être un critère de refus de soin, que l'on parle d'une hospitalisation simple ou d'une réanimation », a-t-il assuré. Selon lui, « la polémique n'est pas née d'une pratique qui aurait été observée mais d'une publication interne au sein d'une ARS modifiée par une société savante ». Il a demandé que « les choses soient clarifiées » et dit n'avoir « pas eu écho de situations de tri », un terme qui lui « paraît tellement éloigné des vocations de l'éthique, de la déontologie et de l'incroyable dévouement dont font preuve les professionnels de santé sur le territoire ». En tant que ministre de la Santé et neurologue hospitalier dans la vie civile, il a dit « pourfendre » ce principe « avec la plus grande fermeté ».

« Nous devons nous assurer que les centres 15 puissent remplir partout leur mission en prenant en compte les fragilités propres à certains handicaps », a ajouté le ministre. Pour cela, entre autres, des fiches réflexes élaborées avec les associations leur seront transmises dans les plus brefs délais. Olivier Véran ne « doute pas que le Samu saura réagir à toute situation avec la même détermination et la même mobilisation quel que soit le patient concerné ». A terme, il veut tendre vers un système dans lequel, dans chaque centre 15, un médecin régulateur sera également un spécialiste du handicap. C'est déjà le cas dans certains territoires et le ministre souhaite que « cela devienne désormais un standard ».

Si l'hospitalisation est nécessaire

Lorsque l'hospitalisation est nécessaire, les personnes en situation de handicap et notamment les personnes handicapées vieillissantes bénéficieront de la filière d'admission directe dans les services hospitaliers, associant une capacité hospitalière de court séjour appelée SSR (soins de suite et de réadaptation), les hôpitaux de proximité, les établissements privés, telle que prévue par la stratégie de prise en charge des personnes âgées. La présence d'un aidant professionnel ou familial auprès de la personne handicapée devra être envisagée à titre exceptionnel et dans des conditions très strictes de sécurité lorsque l'établissement de santé n'est pas en mesure d'apporter l'accompagnement nécessaire, même si Olivier Véran consent que « ce sera compliqué à mettre en œuvre ».

Les inquiétudes des associations

Il était temps ? Un vent a-t-il soufflé qui a incité le ministre à prendre la parole ? Le secteur médico-social du handicap ne risque-t-il pas d'être logé à la même enseigne que les Ehpad qui déplorent une terrible « hécatombe » ? Luc Gateau, président de l'Unapei, déclarait la veille de cette intervention que les personnes handicapées étaient les « oubliées de cette crise du Covid-19 ». De son côté, le Collectif handicaps, qui regroupe 48 associations, manifestait sa « forte inquiétude » à l'idée qu'elles puissent se voir, du fait de leur handicap, refuser des soins hospitaliers si elles contractaient le Covid-19 (article en lien ci-dessous). Face à un pic épidémique critique, le Collectif assure que « les associations reçoivent quotidiennement des alertes du Grand Est, de Bourgogne France-Comté, de l'Oise et d'Ile-de-France » sur le fait que certaines « ne seraient pas admises en soins intensifs ou en réanimation. » Le 2 avril, c'est au tour du Conseil de l'Europe de faire écho à cette menace : « Les personnes handicapées craignent de plus en plus de ne pas bénéficier d'une assistance médicale si leur pronostic vital était engagé, étant donné que les ressources encore disponibles s'amenuisent sous l'effet de la pandémie. Il incombe à tous les États membres de veiller à ce que ces craintes ne se réalisent pas. »

Elles « doivent pouvoir bénéficier des mêmes soins que toute la population, répondait le 2 avril Sophie Cluzel dans un facebook live. Les symptômes cliniques doivent être considérés en fonction de l'état pulmonaire du patient et sa capacité à supporter 15 jours de réanimation. Donc, non, elles ne sont pas mises de côté, nous y travaillons ». Mais dans quelle mesure les plus fragiles ne risquent-ils pas d'être victimes de cette évaluation « proportionnée », les critères médicaux de vulnérabilité au Covid-19, au lieu de déboucher sur une attention et des soins renforcés, servant à l'inverse de critères d'exclusion des soins ?

Une éthique affirmée

Après cette conférence de presse, le Collectif handicaps salue dans un communiqué une « prise de parole particulièrement attendue » et la « prise en compte » de cette inquiétude par les ministres et se félicite de cette « éthique affirmée » tout en attendant « des moyens à confirmer sur le terrain ». Une autre question se pose : combien de personnes handicapées affectées par le Covid-19 dans les établissements médico-sociaux et combien de décès ? Si un décompte a été réalisé dans les Ehpad, les ARS n'ont « pas encore un protocole d'exploitation adapté et efficient » pour ce secteur », précise l'Unapei. Olivier Véran confirme lui aussi qu'il est en attente de données affinées. Enfin, le ministre assure que ces « actions ont vocation à être complétées, enrichies et ne sont pas gravées dans le marbre ». Le Collectif « veillera à l'application des mesures annoncées ». 

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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