LSF : 300 ans pour cette langue de France à part entière

300 ans pour la langue des signes française ! A l'occasion de cet anniversaire, Emmanuelle Laborit, directrice de l'International visual theatre, a reçu les insignes d'officier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

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2012 célèbre le tricentenaire de la naissance du créateur de la langue des signes, l'Abbé de l'Epée (1712-1789). Le chemin vers l'acceptation fut long, nourri par des siècles d'aveuglement, dans une France longtemps rétive à la diversité. La situation a heureusement commencé à changer il y a une trentaine d'années, mais comment passer sous silence les errements de la période précédente ? « Car la communauté nationale et même la République ont lourdement failli vis-à-vis des sourds, explique Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Il faut parler des suites du congrès de Milan qui, en 1880, fixa comme objet à l'enseignement des sourds l'accès à la parole vocale et bannit la langue des signes des établissements spécialisés. » Le ministère de l'intérieur, chargé à l'époque de ces établissements, s'empressa d'adopter et de généraliser les principes de l'oralisme exclusif, et tenta d'empêcher la transmission de la LSF, désormais interdite. Roland Barthes l'a dit : « Voler son langage à un homme au nom même du langage, tous les meurtres légaux commencent par-là ».

300 ans de combat

Et, pourtant, un siècle et demi plus tôt, un esprit hors du commun avait tenté d'arracher les consciences au préjugé. Charles-Michel de l'Épée avait su reconnaître dans la gestuelle spontanée des sourds un système de signes combinés à des fins d'expression et de communication : autrement dit une langue. Cet abbé va, dès lors, élaborer une méthode rationnelle d'enseignement qui s'appuie largement sur la pratique spontanée des sourds. La langue des signes devient objet et outil d'enseignement. Ce précurseur ne considère pas la surdité comme une anomalie qu'il faudrait corriger ou réparer mais comme une différence, une forme de l'altérité. Différence qui s'exprime par la LSF, comme d'autres différences s'expriment par d'autres langues. Le succès de cette révolution éthique et pédagogique révèlera le besoin abyssal auquel elle répondait.

Une des 75 langues de France

La LSF est, désormais, considérée comme une langue de France à part entière, aux côtés des 75 langues régionales ou non-territoriales qui contribuent à la pluralité linguistique de notre pays. Au point que la loi garantit (en principe !), pour tout élève concerné, la possibilité d'en recevoir un enseignement. Des émissions d'information en LSF ou doublées en LSF apparaissent à la télévision, et le sous-titrage s'y généralise, par obligation légale, au titre de l'accessibilité des sourds et malentendants aux programmes dont l'audience moyenne dépasse 2,5 % d'audience. Et de citer le magazine « L'œil et la main », diffusé en LSF sur France 5.

Une reconnaissance nationale

Elle est aussi un vecteur d'accès à la culture et un moyen d'expression artistique. A cet égard, Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication a tenu, aux côtés du président de la Fédération nationale des sourds de France, Philippe Boyer, à saluer le travail des nombreux acteurs impliqués dans la participation des sourds et malentendants à la vie culturelle. Au premier rang, Emmanuelle Laborit qui, à la tête de l'International visual theatre, anime une structure unique, à la fois lieu de création artistique et école de langue des signes. La Ministre a salué l'exemplarité de son engagement et l'efficacité de son action en lui remettant, le 27 novembre 2012, les insignes d'officier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

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Crédit photo : ©Thibault Chapotot/MCC

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