Washington, 05 nov 2013 (AFP)
Les Etats-Unis sont à la traîne du reste du monde pour ratifier le traité de l'ONU sur les droits des handicapés, une nouvelle tentative de ratification se heurtant à l'opposition d'un groupe de conservateurs hostiles à toute législation supranationale.
La Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en 2006 par les Nations unies, a été signée par le président Barack Obama en 2009, et ratifiée à ce jour par l'Union européenne et 137 pays, dont la quasi-totalité de l'Europe et des pays aussi divers que la Chine et le Pakistan. Elle énumère les droits fondamentaux des personnes handicapées: droit à l'éducation et à la santé, non-discrimination à l'emploi ou accès aux transports et aux bâtiments publics, les pays s'engageant à transposer dans leurs droits nationaux les normes ainsi établies.
Mais il a manqué six voix au Sénat américain (sur 100 sénateurs) en décembre 2012 pour ratifier la convention. Ses partisans reviennent aujourd'hui à la charge et un nouveau vote devrait être organisé dans les prochains mois. Un bloc de conservateurs refuse tout ce qui ressemble à l'ombre d'une intrusion de l'ONU dans les affaires intérieures américaines, bien que le traité de base ne prévoie aucune sanction.
Ces élus arguent, à juste titre, que la législation américaine sur les droits des handicapés est l'une des plus avancées au monde, depuis l'Americans with Disabilities Act de 1990. "Ratifier la convention donnerait aux Nations unies un rôle officiel pour évaluer quasiment tous les aspects de la vie américaine", expliquait en juillet le républicain Orrin Hatch. "Ratifier la convention reviendrait à dire que les Nations unies, et non les Américains, ont le dernier mot pour déterminer si les Etats-Unis remplissent leurs obligations". "Si nous ne ratifions pas le traité, le point de vue américain pourrait devenir marginal, et il est possible que le monde adopte des normes incompatibles avec les normes américaines, qui ont prouvé leur efficacité", plaide au contraire Robert Menendez, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Selon lui, la ratification enverrait un message de "leadership" au reste du monde -- sans imposer aucune obligation légale aux Etats-Unis.
Instruction à domicile "Alors pourquoi le faire?", demande Michael Farris, président de la Home School Legal Defense Association, un groupe d'intérêt qui défend l'instruction à domicile.
Ces militants, associés à la droite chrétienne, ont lancé une campagne efficace contre la convention, dont l'article 7 énonce que "dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale". Michael Farris interprète cet article comme un pouvoir donné au gouvernement américain pour éventuellement scolariser à l'école un enfant handicapé contre l'avis de ses parents. Preuve de l'influence de cette minorité, Michael Farris a été invité à témoigner lors d'une audition mardi au Sénat. Il contestera l'argument selon lequel la ratification n'aura pas de conséquences aux Etats-Unis.
"Cela créerait une norme universelle que tous les pays, y compris les Etats-Unis, devront respecter", dit-il à l'AFP avant son audition.
L'argument est consternant, pour Elizabeth MacNairn, directrice d'Handicap International Etats-Unis. Selon elle, la non-ratification américaine décrédibilise le travail réalisé par les ONG américaines à l'étranger.
"Cela donnerait du poids au travail avec nos partenaires de pouvoir dire que, nous aussi, nous avons ratifié cet instrument, nous aussi nous rendons nos services plus accessibles, nous aussi nous faisons partie de ce dialogue international", dit-elle à l'AFP. Elle souligne que la convention a déjà montré son efficacité dans certains pays membres, comme Haïti.
Un projet d'Handicap International vise ainsi à rendre plus accessibles aux handicapés les tap-tap, des taxis collectifs devenus l'un des principaux moyens de transport à Port-au-Prince.
Lors du vote final du Sénat, pas encore programmé, 67 voix sur 100 seront requises. Le groupe des 55 démocrates et au moins six républicains soutiennent la convention: reste à convaincre six autres républicains.
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