Adda Abdelli : comme sur des roulettes, ainsi va sa vie...

Pour certains, malgré le handicap, la vie va "Comme sur des roulettes". C'est le titre du livre autobiographique d'Adda Abdelli, coscénariste et acteur de la série Vestiaires. Un récit drôle, sympa et rafraîchissant, comme lui...

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Handicap.fr : Pourquoi écrire un livre maintenant ?
Adda Abdelli : Eh bien, en fait, c'est surtout le fruit du hasard... Mais c'est aussi une suite logique de la série Vestiaires (ndlr : diffusée sur France 2) puisque nous entamons la septième saison. Je me suis dit que c'était le bon moment pour me lancer dans une nouvelle aventure.

H.fr : Avez-vous pris du plaisir à l'écrire ?
AA : Du plaisir ? Bien au-delà. Je vais vous faire une confidence, l'écriture de mon livre est le moment le plus jouissif de toute ma carrière. C'est une révélation, un coup de foudre. Désormais, je sais ce que je veux faire de ma vie : écrire des livres. D'ailleurs, j'ai tout de suite eu envie d'en écrire un second. Ecrire, c'est bouleversant...

H.fr : Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de l'écriture ?
AA : A la base, ce livre ne devait pas raconter ma vie... Mais il a fallu alimenter avec des anecdotes donc je me suis porté volontaire ! C'est un voyage dans le passé, assez troublant. Je voulais tout raconter tel quel donc j'ai contacté mes proches pour ne pas faire d'erreurs. Mes amis scouts ont été d'un grand soutien. Nous avons un passé commun extraordinaire. Je suis terriblement chanceux de les avoir gardés. D'ailleurs, leurs enfants m'ont écrit après avoir lu le livre. Le scoutisme est ma colonne vertébrale. Bien sûr, certains évènements sont plus difficiles à évoquer que d'autres mais à chaque problème sa solution. La mienne est imparable : la dimension comique. J'ai tendance à opter pour le rire lorsque les choses me touchent.

H.fr : Selon vous, peut-on rire de tout ? Et acceptez-vous que l'on rie de vous ?
AA : On peut rire de tout... tant que ce n'est pas méchant et que l'on ne blesse personne. J'accepte que l'on rie de moi si c'est intelligent et bien fait. J'aime que l'on se moque de moi affectueusement. C'est important d'approuver la dérision.

H.fr : Avez-vous pensé à d'autres titres que Comme sur des roulettes ?
AA : Oui, à plusieurs titres. Par exemple : Le handicap expliqué à ma famille ou encore Dis papa est ce que tu es né avec des roulettes ? et même Mystère a Sète, ville où j'ai habité quelques temps. Finalement, avec mon éditeur, nous avons opté pour Comme sur des roulettes. J'ai des rapports privilégiés avec la maison d'édition Michel Lafon ; les personnes avec lesquelles j'ai travaillé sont extraordinaires.

H.fr : Les dialogues qui initient chaque chapitre sont-ils vraiment ceux que vous avez eus avec votre fille ?
AA : Plusieurs répliques sont en effet d'elle, notamment au début lorsqu'elle dit : "Papa, pourquoi on nous regarde ?". J'ai ajouté volontairement plusieurs interventions comme "Est-ce que tous les papas sont handicapés ?". Parfois, je lui ai attribué les questions d'autres enfants mais elle aurait pu me les poser aussi.

H.fr : Pour quelle raison êtes-vous venu en France ?
AA : Enfant, j'ai quitté mon Algérie natale pour la France dans le but de me faire soigner grâce à une convention mise en place entre ces deux pays. Après mon hospitalisation, il fallait un suivi régulier en termes de soins donc j'ai logé chez une tante. J'ai toujours été conscient de la chance que j'avais d'être dans un pays qui peut nous soigner. En Algérie, c'est différent. Je pense qu'il y a une réelle volonté du peuple et du gouvernement de rendre le pays accessible aux personnes handicapées mais les résultats ne sont pas suffisants. Pas encore... Je vais toujours en Algérie une fois par an pour rendre visite à mes frères et sœurs. J'aimerais pouvoir faire plus mais la série me prend beaucoup de temps.

H.fr : A ce sujet, comment se porte Vestiaires ?
AA : Très bien. Et va même au-delà de nos espérances avec des audiences qui oscillent entre 2,8 millions et 4,6 millions. Cette série humoristique qui passe sur France 2 à 20h45 est devenue une référence en matière de handicap. Grâce à Vestiaires, on casse les clichés, on peut montrer des gens "différents" à la télévision. Ça aide de nombreuses personnes sur le plan personnel, à se mettre en maillot de bain par exemple. C'est également un soutien sur le plan professionnel et notamment dans le domaine médical, au moment de l'échange entre un médecin et son patient handicapé. Je reçois beaucoup de messages positifs sur les réseaux sociaux et suis toujours flatté d'avoir de bons retours.

H.fr : Auriez-vous imaginé avoir une telle vie lorsque vous étiez enfant ?
AA : Bizarrement, oui... J'ai rêvé cette vie très tôt. Je savais ce que je voulais depuis le début, j'ai traversé des périodes de doutes mais, au final, j'ai réussi. A une époque, je pensais que ma vie ne consisterait qu'à aller dans des écoles spécialisées puis j'ai lu L'homme qui marchait dans sa tête de Patrick Segal. L'histoire de cet homme qui a fait le tour du monde en fauteuil roulant dans les années 80 m'a inspiré... J'espère pouvoir inspirer quelqu'un à mon tour.

H.fr : Que changeriez-vous dans votre vie si vous en aviez le pouvoir ?
AA : Je crois que je ne changerais rien car, si je rectifie le moindre détail, tout le reste est transformé. Je n'ai pas de regret fondamental. Ma seule hantise est de me lever un jour en me disant : "Ça y est, j'en suis arrivé au point d'avoir des regrets".

H.fr : Avez-vous confiance en vous ?
AA : J'ai complètement confiance en moi car je suis… inconscient. Non par égo démesuré, ni sentiment de supériorité, mais juste car je sais que "moi aussi je peux".

H.fr : Est-ce que votre notoriété a changé le regard que l'on porte sur votre handicap ?
AA : Depuis que je suis connu, je ne suis plus handicapé. En plus, je deviens beau ! La notoriété place le handicap au second plan. Ce que l'on fait est souvent plus important que ce que l'on est.

H.fr : Pensez-vous avoir un rôle à jouer dans le milieu du handicap ?
AA : Sans prétention aucune, je pense que oui. C'est moi qui suis là, ça aurait pu être un autre. Nous sommes une génération qui est là au bon moment, qui innove. Prenez l'exemple de Philippe Croizon qui relie les océans à la nage alors qu'il est amputé des quatre membres. Et de tous nos athlètes handisport qui font des performances formidables. Nous avons tous un rôle à jouer. Je suis heureux d'aller au-devant des autres à l'occasion de conférences pour parler du handicap différemment.

H.fr : Selon vous, l'inclusion des personnes handicapées a-t-elle évolué ?
AA : Bien sûr et je l'ai constaté il y a quelques jours en découvrant la une de L'Equipe sur la candidature de Paris pour les Jeux de 2024. Tous les champions sont présents sur cette couverture. Valides et handicapés, il n'y a pas de distinguo. C'est une victoire extraordinaire. L'autre victoire est sur France 2. Dans la nouvelle saison de Parents mode d'emploi, l'un des enfants est en fauteuil roulant. Cela veut dire que, désormais, on peut imaginer une famille composée d'un enfant handicapé. On a avancé, franchi une étape...

H.fr : Quels sont vos projets désormais ?
AA : J'ai commencé à écrire un autre livre... Avec mon équipe, nous entamons la septième saison de Vestiaires, comme évoqué précédemment. Je travaille également sur la réalisation d'un long métrage axé sur le handicap.

Comme sur des roulettes : et si mon handicap était ma plus grande force ? - Adda Abdelli - Éditions Michel Lafon - Janvier 2016 - 187 pages - 15 €. Code ISBN-13 : 9782749931746

Propos recueillis par Cassandre Rogeret

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