Y-a-t-il une Justice pour les personnes handicapées ?

Les personnes handicapées ont-elles véritablement accès au droit et à la Justice ? Par méfiance réciproque, les professionnels et justiciables peinent à se rencontrer. Quelles solutions pour leur permettre d'être mieux défendues?

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Le Diplôme Universitaire « Le Handicap dans l'accès au droit » est dispensé à la Faculté catholique de Lyon depuis janvier 2015. Il a pour objectif de former les professionnels du droit au handicap (article en lien ci-dessous). Onze étudiants issus de différents horizons (avocats, juristes, mandataires, doctorants…) y ont mené une expérience originale en allant à la rencontre, lors d'entretiens individuels, des acteurs du monde du handicap et de la justice. Son but ?  Expertiser l'accessibilité de la Justice.

Méfiance réciproque

De ces rencontres, ces étudiants ont mis en exergue qu'acteurs du handicap et acteurs du droit se connaissent sans se rencontrer. Ainsi, quand des personnes en situation de handicap ont des demandes ou des démarches juridiques, leur premier réflexe n'est pas de les confier à des professionnels de la Justice. De leur côté, les professionnels du droit ne semblent pas prendre en compte cette population. Acteurs du monde du handicap et professionnels du droit devraient s'ouvrir et dialoguer, car des solutions existent : ils les ont livrées aux étudiants. Même si les situations de handicap sont multiples et ne permettent pas de généraliser, les obstacles rencontrés dans l'accès au droit semblent laisser un sentiment unanime de difficulté. En effet, le premier constat est une méconnaissance de leurs droits par les personnes handicapées et une ignorance des structures pouvant les renseigner et/ou les accompagner.

Des réticences de la part des personnes handicapées

Malgré quelques retours d'expériences positives, la majorité des particuliers et des professionnels concernés par le handicap (assistants et travailleurs sociaux, associatifs…) ont exposé tout à la fois gêne et peur de se diriger vers un monde inconnu, celui du droit. Certains ont exprimé leur réticence à exposer leurs difficultés, accrues par le handicap ; ils téléphonent plutôt que de se déplacer ou font appel à leur entourage. Ils s'inquiètent également de la qualité de l'écoute qu'ils recevront. Nombre de personnes disent avoir été refoulées du fait de leur handicap ; on raccroche au nez d'une personne IMC (infirme moteur cérébral) la croyant ivre, la personne sourde est refusée faute d'interprète… La demande d'une information adaptée sur le fonctionnement de la justice est une revendication constante. Il est nécessaire que les professionnels du droit sachent écouter et entendre ce besoin, notamment en créant un climat de confiance suffisant pour que l'usager en situation de handicap et le professionnel puissent composer une équipe efficace. Afin de dissiper cette défiance envers la justice et ses professionnels, ces derniers doivent prendre le temps d'écouter, d'expliquer, de s'adapter et s'assurer de la complète compréhension de l'information ou du message délivré.

Et du côté des professionnels du droit ?

Ont également été interrogés différents professionnels du droit : avocats, notaires, magistrats, policiers, huissiers, juristes du secteur associatif... Il en ressort une volonté de bien faire et aussi d'être rassurés quant à leurs pratiques. Pourtant deux positions se dégagent : d'une part ceux qui pensent s'adapter à toutes personnes quelle que soit la situation, d'autre part ceux qui ne s'estiment pas concernés par le handicap. Pour ces derniers, l'absence de formation ou d'aménagement pourrait bien expliquer cette « non-rencontre ». Parmi les personnes interrogées, certaines ont souhaité une formation au handicap, voire une participation au Diplôme Universitaire. D'autres ont évoqué la possibilité de s'engager dans des stages ou des formations relatives à la non-discrimination, l'accueil du public ou encore la LSF (langue des signes française)...

Quelles solutions ?

Les problématiques relevées dans le cadre des différents entretiens ont permis d'énoncer des ébauches de solutions. Quelques maîtres-mots : l'information, la formation et davantage de moyens humains. L'information pour que s'instaure une confiance réciproque dans la relation justiciable/professionnel ; il importe de simplifier la communication, notamment via une vulgarisation des connaissances juridiques et une sensibilisation aux différents types de handicaps. Les réseaux, clefs dans la diffusion d'informations, doivent se construire et s'institutionnaliser entre partenaires locaux du handicap et de la justice. Le deuxième axe est une formation au handicap qui doit s'intégrer dans les parcours des professionnels (formation initiale et continue). Les moyens humains doivent enfin se multiplier pour ne pas verser dans le « tout technologique ».  Les améliorations mises en place dans le cadre d'un rapprochement justice et handicap auront des retentissements positifs pour tous, justiciables et professionnels.

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