Transport et handicap: la CNH tente de raccrocher les wagons

La seconde table ronde de la Conférence nationale du handicap (8 juin 2011) abordait les questions d'accessibilité dans les transports. Une entreprise colossale qui, malgré les énormes moyens mis en oeuvre, risque bien de rater la station 2015.

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Prendre le métro à Paris ? Même pas en rêve ! Le bus ? A la rigueur ! L'Eurostar pour Londres ? Là, sourire, pas de problème. Mais si je ne veux pas aller à Londres ? Alors là, monsieur, ça va être la galère ! Comment se déplacer lorsqu'on est en fauteuil roulant, privé de la vue ou de l'audition ? A côté, le parcours du combattant, c'est parfois un jeu d'enfant. Toutes les personnes en situation de handicap le clament : « Notre liberté passe avant tout par notre capacité à nous déplacer, sans entrave, en toute autonomie ». Un défi à relever qui a amplement justifié la seconde table ronde de la Conférence nationale du handicap, le 8 juin 2011 à Paris : « Entre ville et territoires, assurer la continuité et l'accessibilité de la chaîne des déplacements ».

Thierry Mariani, secrétaire d'Etat en charge des transports

C'est Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, qui pilotait le débat. Une date buttoir : le 12 février 2015 ! Dans moins de quatre ans, tous les transports devront être accessibles. Il dresse un bilan des millions investis par la RATP, la SNCF, les 15 000 hôtesses et stewards d'Air France formés à l'accueil des passagers handicapés. Il rappelle que le Grenelle de l'environnement a consacré 1.3 milliards d'euros à 72 projets dans lesquels l'accessibilité était un critère déterminant. Il affirme poursuivre la concertation avec les associations de personnes handicapées, entendre la voix des usagers qui demandent la formation, ou tout au moins la sensibilisation, des conducteurs aux spécificités du handicap, et réitère l'intérêt de la création d'une groupe de travail avec les AOT (Autorités organisatrices de transport) pour « éclairer la politique ministérielle sur les transports spécialisés ». Il se félicite enfin de la tenue des Journées territoriales de l'accessibilité (JTA) qui, à l'initiative de son ministère, ont eu lieu dans chaque département en 2010, et ont réuni plus de 10 000 participants.

Du confort pour tous

C'est ensuite à Jean-François Malbrancq de prendre le train en marche. Président de la commission accessibilité du Groupement des autorités responsables de transport (GART), il confère à la loi de 2005 une nouvelle appellation « La loi sur la qualité des déplacements », partant du principe que les aménagements mis en place profitent à tous. Propos auquel adhère Philippe Chazal, président de la CFPSAA (Confédération... aveugles) : « Pour nous, les déficients visuels, il y a deux grandes difficultés : la communication et les transports. Nous ne serons pas des citoyens à part entière tant que nous ne pourrons pas circuler. » Il réaffirme l'intérêt commun des adaptations : gros caractères sur les panneaux d'affichage, contrastes sur le sol, barres d'appui, annonces sonores (même s'il faudrait améliorer la qualité du son).... Des mesures qui ne sont pas nécessairement très couteuses, comme cet arrêté qui définit la qualité du mobilier urbain, de façon à ce qu'il soit plus visible. Et de rappeler que la sécurité est un enjeu majeur pour les personnes déficientes visuelles, dénonçant un projet de bus automatique sans chauffeur à La-Rochelle. Enfin, comble de l'ironie, à une époque où l'on fait la chasse aux nuisances sonores, il souhaite que les véhicules électriques deviennent bruyants pour être enfin repérables. Aux Etats-Unis, une loi impose aux constructeurs de mettre des décibels dans leur moteur !

L'échéance de 2015 pas respectée

Parole est ensuite donnée à Louis Bonet, président du GIHP (Groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques). L'occasion d'insister sur le lien entre la personne et la vie sociale à travers le transport. « La personne handicapée physique a perdu son premier moyen de locomotion, qui est son corps. C'est la peine maximale qui lui est infligée. Je ne suis pas totalement prêt à partager l'optimisme qui circule autour de cette table. De vrais progrès ont été faits, et le vieux polio que je suis peut en témoigner, mais nous avons pris un tel retard sur l'échéance 2015 qu'elle ne pourra jamais être respectée. » Et de dénoncer les aberrations du système. « Je vous invite à un petit voyage dans un département vertueux, l'Oise, où il existe un système de porte à porte, mais seulement à l'intérieur du département. Ce qui signifie que, pour un plus long trajet, on vous dépose à la frontière du département ! Alors vous continuez en train mais la gare n'est pas accessible... Il y a manifestement une rupture des services, et il serait temps que tous travaillent ensemble ! »

SNCF, encore beaucoup à faire

Mea culpa bienvenu de la part de Didier Devens, délégué à l'accessibilité de la SNCF. « Oui, même si nous avons pris les choses à bras le corps, il reste évidemment beaucoup à faire ». Et de rappeler que la durée de vie d'un train est de 40 ans, et qu'il est inconcevable de remplacer en quelques années tout le matériel roulant. Les associations de personnes handicapées sont néanmoins associées à tous les chantiers menés par la SNCF. De nombreux tests grandeur nature ont été menés : Montparnasse, gare laboratoire depuis 2006, ou encore la grande enquête menée sur le parvis de la gare de l'Est à laquelle 600 personnes ont contribué, donnant leur avis sur la maquette du wagon idéal.

En conclusion, Thierry Mariani ose déclarer « Non, tout ne sera pas achevé en 2015, d'autant plus qu'il y a une réelle distorsion entre les grandes villes et la France profonde. » Mais il tient néanmoins à finir sur une note optimiste, « l'immense implication de tous les acteurs » et confirme que « seule la mutualisation des savoir-faire permettra d'optimiser les bonnes pratiques ».

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