Festival Orphée, le handicap tout un art

Rachel Boulenger-Dumas est la co-créatrice du Festival Orphée qui se tiendra au théâtre Montansier, à Versailles, du 1er au 10 octobre 2009. Ce festival 'Théâtre et handicap' rassemble des troupes d'artistes handicapés, venues de toute l'Europe

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Handicap.fr : Un festival « Théâtre et handicap », c'est assez inédit. D'où vient cette idée ?
Rachel Boulenger-Dumas : Il est né à l'initiative de Michel Reynaud, directeur de l'ESAT Eurydice, à Plaisir (78), lui-même professeur d'art dramatique qui, dans les années 80, a été le premier en France à se spécialiser dans des ateliers de création artistique pour les personnes handicapées mentales. Il a même ouvert une petite salle de spectacle dans son établissement et proposait un atelier de routage qui travaillait avec le monde du spectacle. Il était précurseur mais, depuis, son initiative a fait des émules.

H : Vous êtes, vous-même, comédienne professionnelle, pourquoi cette implication ?
RBD : J'ai une sœur trisomique et je suis présidente de l'ADAPEI 78, une association très importante sur le département qui représente 70 établissements et 3000 personnes handicapées.

H : Comment le festival Orphée, qui fête cette année son septième anniversaire, a-t-il vu le jour ?
RBD : En 2002, en amont de l'année des personnes handicapées, Michel continuait de mûrir son projet lorsque le directeur du théâtre Montansier de Versailles lui a proposé de mettre sa salle à disposition. Avec l'aide d'un mécène, la Fondation crédit coopératif, nous pouvions enfin nous lancer dans cette belle aventure.

H : C'est donc en 2003 que le premier festival Orphée s'ouvre à la scène ?
RBD : Oui, il a immédiatement séduit le public, d'abord issu du milieu associatif mais, depuis, il y a eu un véritable effet boule de neige. 2000 spectateurs en 2003 et 3600 en 2008. Le bouche à oreille a fait son œuvre et le public qui vient applaudir nos troupes n'est plus systématiquement concerné par le handicap.

H : Ces artistes handicapés ont donc aussi leurs fans ?
RBD : Oui, et ne vous méprenez pas, ce n'est pas parce qu'ils sont handicapés qu'ils proposent un spectacle au rabais. Nous oeuvrons pour la promotion de compagnies extrêmement talentueuses, toutes professionnelles. Certaines ne vivent que de leur art, ont des théâtres à demeure et se produisent dans des festivals qui n'ont aucun lien avec le handicap. Au point que le public ne soupçonne pas toujours qu'ils sont handicapés. Ils font preuve d'une immense technicité et de grandes prouesses. Après la prestation d'une troupe espagnole, le public était tellement séduit qu'il ne voulait plus quitter la salle. Je me souviens aussi d'un spectacle hilarant avec des comédiens trisomiques hollandais. Un ami gynécologue m'a même confié ensuite : « Mais pourquoi fait-on encore des amniocentèses ? Ils sont épatants ! »

H : Pourquoi un tel succès, en quoi le handicap peut-il devenir un atout ?
RBD : Il faut envisager des compensations artistiques qui donnent aux metteurs en scène des idées très originales. La scène transcende ces artistes qui sont soumis à la même rigueur et discipline de travail que les danseurs de l'Opéra de Paris. Ils ont, comme tout comédien, ce feu intérieur qui les rend fascinants. Je pense notamment à une chorégraphe portugaise qui met en scène des corps déformés. Mais avec elle, la disgrâce devient une grâce. Tous cherchent à valoriser ces êtres. C'est très fort sur le plan humain, d'autant qu'il faut être costaud pour mener des personnes aussi fragiles, notamment en cas de handicap psychique, aussi loin.

H : Quelques exemples de compagnies qui vous touchent particulièrement ?
RBD : Nous rassemblons tous types de handicap, avec l'idée d'avoir une représentation exhaustive du handicap dans toute sa diversité, mais c'est avant tout la qualité du spectacle qui forge notre décision : un troupe allemande avec des artistes trisomiques, des chanteurs sénégalais aveugles, des danseurs brésiliens en fauteuil roulant, un mime français sourd... Dans certaines troupes, ce sont parfois aussi les techniciens, le metteur en scène ou le chorégraphe qui sont en situation de handicap.

H : Vous connaissez certainement la troupe chinoise « My dream » qui fait un carton dans le monde entier ? Sera-t-elle un jour à votre affiche ?
RBD : Eux, c'est évidemment le top niveau, avec 55 artistes et nous nous donnons beaucoup de mal pour les avoir en 2010, peut-être même au théâtre de Chaillot à Paris.

H : Et les Français dans tout ça ?
RBD : Je vais être franche, je trouve les Français un peu trop sérieux et militants, avec des thèmes souvent durs. Or, moi je veux du divertissement et que les spectateurs sortent avec la banane. Je ne veux pas voir un comédien trisomique oublier son texte. Je suis un peu sévère mais dans le bon sens du terme, avec une grande exigence artistique. Dans les autres pays d'Europe, notamment l'Italie ou l'Espagne, le handicap n'est pas pris en charge de la même, façon et l'intégration est plus spontanée. En France, c'est encore un peu trop institutionnalisé.

H : Le festival Orphée a-t-il permis l'essor de certaines troupes ?
RBD : Oui, bien sûr, elles sont invitées par d'autres théâtres. Certains viennent faire leur « marché » sur notre site car nous avons archivé toutes les prestations depuis 2003. C'est un très beau mouvement qui est en route et je ne pensais pas qu'à travers le monde il y avait autant de compagnies professionnelles.

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