Club VIP : le gang des crapules !

La cérémonie Handi-livres 2010 vient de récompenser ses lauréats. C'est Club VIP qui obtient le prix du meilleur roman. Un ouvrage irrévérencieux et pétillant sur 3 'handicapés' sans scrupules et subversifs,raconté par son auteur,Luc Leprêtre

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Handicap.fr : Tout d'abord, félicitation pour ce prix Handi-livres, soutenu par la Mutuelle Intégrance et parrainée par Robert Hossein. Quel est votre parcours littéraire ?
LL : J'ai 36 ans. Je suis traducteur anglais-français et également lecteur aux éditions Anne Carrière. « Club VIP » est mon deuxième ouvrage. Le premier, « Regards croisés sur le handicap », en collaboration avec le pédopsychiatre Marcel Rufo, a été publié en avril 2008.

H : Racontez-nous cette histoire insolite et pour le moins immorale en quelques mots...
LL : Trois amis de longue date, paraplégiques ou tétraplégiques, confrontés aux difficultés que rencontrent les personnes handicapées dans le monde du travail, décident de monter leur propre entreprise, sorte de « pied de nez » à la société en faisant de leur supposée faiblesse un atout redoutable. Ils proposent en effet, contre rétribution, d'offrir à tous ceux qui sont pressés un gain de temps en leur faisant profiter des privilèges réservés aux personnes handicapées : aux caisses des magasins, aux attractions des parcs, sur les places prioritaires... C'est ainsi que nait le Club V.I.P., comme « Very Invalid People » !

H : Comment vous-est venue l'idée de ce livre ?
LL : Justement, à la fin de mon premier livre, j'avais rédigé une pastille de deux pages après une journée passée à Disneyland Paris avec les enfants de ma compagne. Mon fauteuil roulant ayant constitué un coupe-file plutôt appréciable, j'en avais fait un petit récit humoristique. Anne Carrière, mon éditrice, a alors jugé que ce serait un sujet sympa pour un roman.

H : Y-a-t-il une part autobiographique dans ce roman ? Vos amis existent-ils ?
LL : Je suis moi-même tétraplégique depuis 21 ans, à la suite d'une chute en montagne à l'âge de 15 ans, mais la ressemblance s'arrête là. Ces amis existent un peu en moi, ils sont aussi inspirés de gens que j'ai connu dans le passé, handicapés ou non d'ailleurs.

H : Avez-vous, Luc Leprêtre, déjà « abusé » de votre statut de personne handicapée ?
LL : Le plus honnêtement du monde, je suis passé une seule fois à la caisse prioritaire car ma femme, très enceinte, m'attendait à la maison. Si toutes les caisses sont accessibles, je ne vois pas de raison d'avoir la priorité car je n'ai pas de problème de posture. Bon d'accord, à Disney, je n'ai eu aucun scrupule, mais c'est une maigre compensation pour toutes les attractions auxquelles je n'ai pas pu accéder !

H : Quel accueil avez-vous reçu des lecteurs, en particulier handicapés ?
LL : Je n'en ai pas vendu des milliards d'exemplaires mais la trentaine de témoignages reçus vont dans le même sens. Les gens me disent « Merci car vous avez changé mon regard sur le handicap ». Ils prétendent avoir appris plein de choses sans tomber dans le pathos ou le voyeurisme. Et le plus beau compliment qu'on puisse me faire c'est lorsqu'on me dit : « Qu'est-ce qu'on aimerait être potes avec vos personnages ! »

H : Et Robert Hossein, parrain de la cérémonie Handi-livres, l'a-t-il lu ?
LL : Non, pas encore mais il m'a promis de le faire !

H : Quel était votre objectif en écrivant un tel roman ?
LL : Il signe un « éloge de la différence » qui interpelle sur les insuffisances, voire les incohérences, des politiques actuelles dans ce domaine. Je tenais aussi absolument à présenter une héroïne féminine car, dans la fiction comme dans la réalité, les femmes handicapées sont assez peu visibles. Dans les films, on voit que des hommes et moi ça me gène car la femme apporte une autre dimension au handicap. Je surnomme Aminata la « Cumularde » car elle est à la fois femme, handicapée, noire et musulmane.

H : Ne peut-on se permettre de rire du handicap que lorsqu'on est soi-même handicapé ?
LL : Disons qu'on ne peut se permettre d'écrire un tel roman que si on connaît parfaitement le handicap. Mais je n'ai pas de problème avec l'humour. Vous savez, les personnes handicapées sont sans pitié entre elles, et parfois cent fois plus violentes que les valides. Vous n'avez jamais entendu un tétraplégique faire une blague sur un myopathe ? C'est cinglant ! Le monde du handicap est souvent figé sous une chape sinistre et pleine de compassion. Or il a besoin de légèreté, sans pour autant sombrer dans l'univers de Oui-Oui.

H : Pourquoi a-t-on souvent tendance à penser que les personnes handicapées sont forcément bonnes et honnêtes ?
LL : Il est vrai que l'image du « bon handicapé inoffensif » a la vie dure, en partie véhiculée par le Téléthon. C'est un évènement merveilleux pour attraper de l'argent mais le revers très puissant c'est que pendant 48h on ne projette qu'une vision angélique du handicap. Et sur TF1, c'est Mimi Mathy qui fait des miracles ! Or ce n'est pas parce qu'on nait handicapé ou qu'on le devient qu'on a forcément une auréole sur la tête. Certains sont de véritables crapules. Des voleurs, des resquilleurs il y en a partout, et des cons aussi !

A lire : « Club VIP, Very Invalid People », Luc Leprêtre, éditions Anne Carrière, avril 2009, 18 €.

Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco

 

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