Aide à domicile : mission urgence !

Bientôt un rapport sur la situation de l'aide à domicile pour les personnes âgées ou dépendantes, rendu urgent par le débat national sur le cinquième risque. Cette mission vient d'être confiée à Berengère Poletti, députée des Ardennes

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Bientôt un rapport sur la situation de l'aide à domicile pour les personnes âgées ou dépendantes, rendu urgent par le débat national sur le cinquième risque. Cette mission vient d'être confiée à Berengère Poletti, députée des Ardennes.


Handicap.fr : Pourquoi Roselyne Bachelot vous a-t-elle choisie pour cette mission ?
Berengère Poletti : Il y a longtemps que je travaille sur cette problématique. En 2008, j'ai rédigé un rapport sur la compensation technique du handicap, ainsi qu'un autre sur le secteur médico-social et, enfin, en 2010, un rapport sur la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie). Je préside également un groupe d'étude sur la maladie d'Alzheimer à l'Assemblée nationale. J'avais demandé à être saisie du dossier sur le maintien à domicile dès juin 2010, y compris auprès de l'Elysée, mais ma requête était restée, jusqu'à aujourd'hui, lettre morte. Mais heureusement Roselyne Bachelot a bien compris l'importance de ce travail et a immédiatement répondu à ma sollicitation. Ma connaissance du dossier va être très utile car le travail devra être réalisé rapidement afin de rendre déjà fin septembre les premières propositions.


H : Quelle est l'ambition de ce rapport ?

BP : Il doit permettre une approche politique de la question de la dépendance qui pourra éclairer mes collègues lors de l'étude de la question du cinquième risque qui devrait être débattue à l'Assemblée nationale à l'automne 2011.

 

H : Quelle est votre position sur la question du maintien à domicile ?

BP : Je suis totalement en faveur de cette option, bien évidemment, mais il faudra se donner les moyens humains et matériels de le développer.

 

H : Roselyne Bachelot n'hésite pas à expliquer que le secteur de l'aide à domicile connaît d'immenses difficultés financières qui rendent la situation explosive... Qu'en est-il ?

BP : C'est un problème qui touche les associations d'aide à domicile depuis deux ans. Certaines ont même déposé le bilan. Si vous étudiez la question de près, vous constatez que c'est souvent dans les départements les plus riches qu'il y a le moins de personnes âgées ou dépendantes. Les autres rencontrent de réelles difficultés pour éponger les déficits des associations. La première urgence, c'est de trouver une solution pour ces départements. C'est en principe la CNSA qui apporte ce type de compensation mais, depuis la crise financière, ses recettes liées à la CSG ont dégringolé, tandis que certains Conseils généraux n'ont plus les moyens de faire face à cette dépense.

 

H : Malgré ces problèmes budgétaires, le maintien à domicile s'avère tout de même moins onéreux que le placement en établissements spécialisés ?
BP : Non, pas vraiment. Dans le cas d'une aide à temps complet, 24H/24, l'option à domicile s'avère un peu plus onéreuse. Mais, humainement, il n'y a pas photo !

 

H : Il semble que la place consacrée aux personnes handicapées dans le débat national sur la dépendance est bien moindre que celle accordée au volet vieillesse ?
BP : Il y a un principe dit de « convergence » qui est inscrit dans la loi handicap de 2005 : le législateur impose de donner une même réponse aux personnes âgées et handicapées. Financièrement, la situation actuelle rend les choses difficiles, mais, contrairement à ce que vous prétendez, ce sont davantage les personnes âgées qui sont lésées. Car, même si les associations de personnes handicapées militent pour préserver leurs droits légitimes, il faut savoir que les prestations qui sont accordées à leurs membres sont bien supérieures à celles destinées aux personnes âgées. La barrière fatidique des 60 ans est redoutable. Si vous avez un AVC (Accident vasculaire cérébral) invalidant à 59 ans, vous bénéficiez des droits réservés aux personnes handicapées dépendantes jusqu'à la fin de votre vie ; si vous l'avez à 61 ans, vous tombez sous le coup des prestations accordées aux personnes âgées. Et ce n'est plus le même tarif ! La PCH (la Prestation compensatoire du handicap) pour les premiers peut être jusqu'à huit fois supérieure aux aides accordées aux seconds. Le statut de la personne handicapée est donc bien plus « avantageux » ! Le plus urgent est de faire évoluer la réponse que l'on apporte aux personnes âgées dépendantes.

 

H : Roselyne Bachelot évoque le besoin de rationalisation et de modernisation de la gestion des structures. Qu'est-ce que cela signifie ?
BP : Il y a, dans le domaine de l'aide à domicile, beaucoup de bénévoles. C'est évidemment très appréciable, surtout en milieu rural, mais nous pourrions certainement rendre ces services plus performants avec davantage de professionnalisation et de formation. On gaspille beaucoup de moyens humains et on constate de réelles différences d'organisation du travail selon les départements.

 

H : Madame Bachelot précise qu'un effort supplémentaire pourrait être fait par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie). Dans quel sens ?

BP : Dans le cadre de la prise en compte du cinquième risque, l'expertise et les ressources de la CNSA devraient pouvoir profiter à tous. Il existe désormais un lien très fort entre la CNSA, les MDPH et les personnes handicapées. Ce modèle pourrait être appliqué aux personnes âgées dépendantes qui ne bénéficient pas d'un tel accompagnement, d'autant que les Conseils généraux ont déjà l'habitude de solliciter la CNSA sur certaines questions. Les MDPH deviendraient des « Maisons de l'autonomie », toujours dans l'esprit de convergence que je viens d'évoquer. Dans mon département des Ardennes, ce principe a été mis en place à la faveur de la rénovation des bâtiments. Les services liés à la dépendance sont désormais concentrés dans un même lieu, ce qui permet également une économie d'échelle.


H : Quel est le point de vue des associations de personnes handicapées sur ce sujet ? Etes-vous déjà en relation avec elles ?

BP : Oui, bien sûr, je les auditionne en permanence. Sur le plan philosophique, elles veulent aller vers la convergence et, sur le plan financier, elles continuent, bien sûr, de mener leur combat, rendu plus âpre encore par la modification de la loi de finance (suppression des niches fiscales).

H : Il y aurait des différences de tarification de l'aide à domicile selon les départements. Comment expliquer une telle disparité ? Faut-il envisager une uniformisation à l'échelle nationale ?

BP : Non, je ne crois pas que cela soit justifié. Plutôt qu'un tarif unique, il faudrait un cahier des charges avec des repères communs.

H : Vivre à domicile avec une assistance, est-ce une demande de plus en plus récurrente de la part des personnes handicapées ?
BP : Oui, mais cela suppose l'adaptation de l'habitat et des aides techniques. En France, on privilégie l'aide humaine, et c'est bien, notamment pour lutter contre la solitude, contrairement au Japon où l'on mise sur la robotique, avec quelques aberrations. Par manque de personnel, et parce que ce pays refuse l'immigration, on prévoit d'y construire des bastions technologiques pour les personnes dépendantes avec, par exemple, des voitures automatiques guidées par la parole. Ce type de solution ne correspond pas à la culture française. Je ne suis pas contre le progrès et l'on doit prendre ce qu'il y a de meilleur dans les deux systèmes, mais surtout pas au détriment de l'aide humaine, à condition qu'elle soit de qualité.

 

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