Fin de vie résidents handicapés: la France des " invisibles"

Un sujet rarement évoqué. Qu'en-est-il de la fin de vie dans les établissements pour personnes adultes handicapées ? Une grande étude nationale réalisée en 2013 livre ses conclusions. Des résidents invisibles...

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La question de la fin de vie des personnes handicapées est restée au second plan dans le débat public et les politiques de santé. Le constat est le suivant : nous ne connaissons rien de la façon dont ces personnes finissent leur vie. L'Observatoire national de la fin de vie (ONFV) a donc mené, en 2013, une étude auprès de 778 établissements médicosociaux hébergeant des personnes adultes handicapées, les Maisons d'accueil spécialisées (MAS) et les Foyers d'accueil médicalisés (FAM) étaient particulièrement visés.

Une réalité invisible

L'espérance de vie des personnes handicapées augmente plus vite que celle de la population générale. Or cette évolution se traduit par l'avancée en âge de personnes très lourdement handicapées, et donc par l'apparition de situations de plus en plus complexes ; au handicap viennent en effet se surajouter des problèmes liés à l'âge et des maladies chroniques parfois graves. Pourtant, cette réalité reste « invisible » : elle n'est au coeur d'aucune politique de santé et n'a fait l'objet d'aucune étude à l'échelle nationale. Rares sont les médias qui s'y sont intéressés... Cette étude inédite conclut que les situations de fin de vie en établissement sont marquées par une prévalence non-négligeable du cancer (17% des décès dans les FAM), par des difficultés de communication liées aux déficiences intellectuelles et cognitives des résidents (en particulier dans le cas du polyhandicap) et par la fréquence des décisions de limitation ou d'arrêt des traitements (loi Leonetti).

1 décès sur 2 considéré comme « inattendu »

L'ensemble des MAS et FAM enregistrent 1 400 décès par an, soit près de 4 par jour. Un résident sur deux décède à l'hôpital ; cette tendance est plus marquée dans les structures privées (51.4%) que dans les établissements publics (29.4%). Au total, 40% des décès sont considérés comme « soudains et tout à fait inattendus ». Ce résultat est très largement supérieur à celui obtenu dans l'étude « La fin de vie en France » menée par l'INED en 2011 (16.9%) ou à celui constaté dans les EHPAD (maisons de retraite) en 2013 (12%). Si une partie de ces décès jugés « soudains » correspond à des situations dans lesquelles ils étaient tout à fait imprévisibles (AVC, accidents...), une autre partie témoigne sans doute de situations qui n'ont pas été anticipées alors qu'elles étaient prévisibles.

Soins palliatifs : une ressource inexploitée

La moitié des établissements seulement déclarent avoir des liens avec une Equipe mobile de soins palliatifs (EMSP) réduisant de 23% le taux de décès survenant à l'hôpital. En revanche, les Unités de soins palliatifs (USP) sont très peu mobilisées (seuls 18% des répondants les ont sollicitées). Dans l'écrasante majorité des cas, les répondants estiment que « de tels transferts ne sont pas nécessaires ». Pourtant, les USP pourraient jouer un rôle important dans l'accompagnement des situations les plus complexes (y compris pour une hospitalisation temporaire, le temps de stabiliser l'état de santé d'un résident, ou pour un temps de répit).
Formation à l'accompagnement en fin de vie : des efforts à accentuer
Dans un établissement sur deux, ni le médecin ni les infirmiers n'ont reçu de formation à l'accompagnement de la fin de vie. Son impact est pourtant manifeste : le pourcentage de décès à l'hôpital passe ainsi de 61% lorsqu'aucun professionnel n'est formé à l'accompagnement de la fin de vie à 31% lorsque l'équipe médicale a été sensibilisée. De la même façon, la proportion de résidents ayant reçu des antalgiques puissants passe de 18% à 40% et la proportion de résidents concernés par une décision de limitation ou d'arrêt des traitements de 12% à 25%.

Infirmier la nuit : la présence qui fait la différence

Il a également été démontré que la présence d'un infirmier la nuit au sein des établissements avait un impact décisif sur les conditions de la fin de vie des résidents. Or seuls 16 % d'entre eux disposent d'une telle présence et 13.5% d'une astreinte téléphonique. Des résultats d'ailleurs tout à fait comparables à ceux observés dans les maisons de retraite.

Des grandes disparités régionales

Cette étude met également en évidence de fortes disparités régionales et notamment en matière de prévalence du cancer (de 17% à 45% d'une région à l'autre). Et si, en moyenne, 47% des résidents décèdent à l'hôpital, ce n'est le cas que de 15% d'entre eux en Auvergne, contre 61% dans le Nord-Pas-de-Calais et 80% en Basse-Normandie. Si, sur l'ensemble du territoire, 37.3% des établissements disposent d'un ou de plusieurs infirmiers formés aux soins palliatifs, cette proportion varie de 17% en Basse-Normandie à près de 60% en Alsace et dans les Pays-de-la-Loire. Ces mêmes inégalités s'observent dans la formation des médecins. Enfin, en matière de traitements antalgiques, si 31% des résidents décédés en France en 2012 ont reçu des traitements antalgiques de palier 3 (morphine, etc.), ce n'est le cas que de 16% en Lorraine et en Poitou-Charentes, contre près de 50% en Bretagne et en région PACA. Aucune réalité épidémiologique ne justifie de tels écarts !

Quelles propositions ?

1. Faire de la question de la fin de vie l'une des priorités de la future politique nationale du handicap.
2. Faciliter l'intervention des équipes mobiles et mettre en place des « stages croisés » pour permettre une réelle sensibilisation des professionnels.
3. Mettre en place, de façon mutualisée sur deux ou trois établissements, des postes d'infirmier de nuit.
4. Faire de l'accompagnement de la fin de vie une priorité nationale en matière de formation continue pour les professionnels des MAS et des FAM.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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