A vélo en Amérique, il a "fait la paix" avec son handicap

Etienne Hoarau a traversé à vélo une partie de l'Amérique du sud et des Etats-Unis: une épreuve physique ponctuée de rencontres mémorables, qui lui a permis de "faire la paix" avec son handicap.

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Cet homme de 36 ans recevra samedi le Prix des explorateurs 2013 de la Société de Géographie pour son livre, "A contre-pied" (ed. Mille Regards), qui fait le récit de son voyage au Chili, en Bolivie, au Pérou et dans l'ouest des Etats-Unis.

Tout petit, son père l'a mis sur un vélo, bien qu'il soit atteint du "syndrome de Little" qui lui donnait une démarche chaloupée, penché en avant sur la pointe des pieds, genoux fléchis vers l'intérieur. Scolarisé en milieu ordinaire jusqu'au collège, il se souvient des railleries des autres enfants et de ses résultats scolaires en chute libre.

A l'adolescence, plusieurs lourdes opérations destinées à corriger sa posture entraînent son passage en établissement spécialisé, ce qu'il vit comme un énorme soulagement. "J'ai pu commencer à découvrir qui j'étais, faire du sport, +exister+", écrit-il.

"Après un bac techno et un BTS, je suis rentré au monastère. Je voulais être ermite", dit-il dans un entretien à l'AFP. Mais il change d'avis et intègre une école supérieure de commerce où, avec un ami "valide", le projet de voyage à vélo commence à mûrir.

Le "déclic" sera une déception sentimentale. "Je devais me fiancer avec une fille, ses parents n'ont pas accepté à cause de mon handicap. Il fallait que je me prouve quelque chose".

Le 1er avril 2003, les deux amis prennent l'avion pour Santiago du Chili. Au programme, 7.000 kilomètres en sept mois dans les Amériques, la plupart du temps à vélo, avec quelques tronçons en autocar.

Rouler sur les pistes de l'Altiplano en Bolivie lui a laissé les souvenirs les plus forts. "A 4.000 mètres, tu dors dehors, il fait -20 degrés. La Bolivie a été le plus dur mais c'est là que quelque chose s'est passé en moi".Malgré les crampes, les chutes, la fatigue.

Un voyage intérieur

"Le handicap brise les barrières. Je pose le vélo, je me casse la figure. Des gens me disaient: +je suis père de famille, mon fils est comme toi+. On se retrouvait invités partout".

Car "le but des voyages, c'est les rencontres". Comme avec Ana Alfaro, née épileptique dans un bidonville au Chili, aujourd'hui guérie et qui a créé un petit atelier de couture grâce au micro-crédit.

"Physiquement, le voyage a été très dur. En rentrant, je me suis dis que je ne toucherais plus jamais un vélo". Mais le "voyage intérieur" a été bénéfique. "Quand je suis parti, j'étais vraiment en colère. On ne vainc pas son handicap, on essaie de faire la paix avec lui".

Au fil des années, Etienne Hoarau est passé de la canne aux béquilles. Mais en 2009 il repart seul, en plein hiver, pour un voyage d'un mois en Transsibérien de Moscou à Pékin, qu'il raconte aussi dans son livre.

L'année suivante, alors qu'il rentre du Cambodge, un éditeur lui propose de faire un récit de son premier voyage. Mais pour prendre le temps de le peaufiner, il préfère fonder sa propre maison d'édition, Mille Regards. Sorti il y a un an, le livre s'est vendu à "4.000 exemplaires".

Il prévoit de donner une partie des bénéfices à "des gens qui n'ont pas les moyens d'acheter des béquilles", notamment via une association à Calcutta, et projette de fonder un centre d'accueil pour sans-abris.

Acheteur dans un grand groupe, il participe à des conférences sur le handicap dans des entreprises, et s'apprête à publier d'autres auteurs. "J'ai hâte de repartir", dit-il.

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