Comment fait-on pour être à HEC quand on voit mal ?

Si je devais résumer mon parcours en un mot, je crois que ce serait en effet

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Comment fait-on pour être à HEC quand on voit mal ?


Je suis élève en seconde année à l'école HEC et malvoyant de naissance. Lorsqu'on me demande « comment fait-on pour être à HEC quand on voit mal ? », la réponse qui me vient à l'esprit est « on fait comme tout le monde ». Si je devais résumer mon parcours en un mot, je crois que ce serait en effet « intégration ». Du primaire et jusqu'au concours, j'ai suivi toute ma scolarité dans des établissements « classiques ». A partir de la troisième, j'ai été soutenu par l'INJA (Institut National des Jeunes Aveugles), qui m'a fournit du matériel informatique adapté, des transcriptions en braille et surtout de précieux conseils pour m'adapter à un enseignement ordinaire. C'est sans doute ce nécessité de m'adapter qui m'a beaucoup aidée : je ne crois pas avoir travaillé plus que les autres pour réussir mon entrée en école de commerce, mais sans doute différement. J'utilise par exemple de nombreux outils informatiques (braille, agrandisseur, synthèse vocale) ; et pour être efficace j'ai dû apprendre à utiliser ces outils au bon moment et à savoir passer de l'un à l'autre.


Le plus compliqué dans ma scolarité, ce sont finalement les examens et concours, qui nécessitent des adaptations standardisées et approuvées. J'ai pourtant été agréablement surpris : même si peu d'écoles de commerce ont déjà accueillis des étudiants handicapés(et donc expérimenté les difficultés d'adaptation du concours), toute ont été ouvertes à la discussion, l'essentiel est d'expliquer les problèmes et de proposer des solutions. C'est aussi comme cela que se déroule ma scolarité sur le campus : il n'y pas de service spécifique dédié aux étudiants handicapés, je compte simplement sur la bonne volonté de mes professeurs et de l'administration pour m'aider à trouver les bonnes adaptations pour les cours et pour les examens.


Je crois avoir trouvé sur ma route de nombreuses personnes pleines de bonne volonté. L'essentiel est de leur expliquer les difficultés, de les rassurer sur ma capacité à m'adapter et de leur proposer des solutions. Au début de chaque épreuve orale du concours par exemple, je prenais quelques secondes pour expliquer au jury, souvent aussi inquiet que moi sur le déroulement de l'épreuve, la manière dont je pouvais travailler. Le but était simplement de faire oublier mon handicap pour être considéré comme un candidat ordinaire. J'avais par exemple prévu pour mon oral de mathématique d'utiliser mon ordinateur et de projeter les résultats au tableau avec un vidéoprojecteur, mais mon jury s'est senti plus à l'aise en me posant directement les questions, j'ai donc fait l'essentiel de l'épreuve sans utiliser tous les outils dont je disposais ; mais l'essentiel était de m'adapter de façon à faciliter le travail des examinateurs.


Je crois aussi que cette « intégration » dont je parle ne concerne pas seulement la scolarité, mais toutes les activités qui l'entourent. La vie associative est très développée à HEC, et je crois qu'il est essentiel pour un étudiant handicapé d'y participer, que ce soit en pratiquant un sport - j'ai pour ma part débuté l'escalade cette année -, ou même en participant aux soirées étudiantes.


Je crois donc qu'il est tout à fait possible de suivre des études supérieures classiques pour des étudiants handicapés, à condition de réfléchir aux adaptations nécessaires et de trouver les bons interlocuteurs. Cette étape des études me semble d'ailleurs centrale : de plus en plus d'entreprises, sous la pression de la loi, cherchent à recruter des diplômés handicapés. Je ne suis pas en faveur d'un « quota » d'embauches dans les entreprises, mais cette loi commence à débloquer par l'aval un système qui exclut de nombreuses personnes handicapées. Les entreprises ont cependant du mal à trouver ces diplômés handicapés, encore trop peu nombreux, et je crois qu'il est temps de se tourner vers l'amont, et de répercuter cette demande auprès de l'enseignement supérieur. Enfin, s'il est un dernier mécanisme à débloquer pour améliorer la situation, c'est sans aucun doute l'autocensure que s'affligent de nombreux étudiants handicapés qui ne sont pas toujours sûrs de leur capacité à suivre des études supérieures : c'est sans doute aux universités et aux grandes écoles d'attirer ces étudiants en leur donnant confiance afin de répondre à la demande des employeurs.

 

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